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jeudi 1er octobre 2009

La laïcisation de l’État a favorisé l’avènement de l’égalité entre les sexes comme valeur collective

par Christiane Pelchat, déléguée générale du Québec à Mexico






Écrits d'Élaine Audet



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Notes pour une allocution de Mme Christiane Pelchat, présidente Conseil du statut de la femme, à l’occasion de la conférence « Laïcité et égalité : quel projet pour le Québec ? », à Montréal, le 24 septembre 2009.
(La version lue en fait foi)

Christiane Pelchat, présidente du CSF. Photo : septembre 2009

En 2007, le Conseil du statut de la femme a rendu public un avis intitulé l’« Égalité entre les femmes et les hommes et la liberté de religion ».

Nous avons élaboré cet avis dans le contexte des accommodements raisonnables. Vous vous souvenez sans doute qu’en 2006-2007, les médias ont réussi à grossir certaines situations liées à la question des accommodements raisonnables. Certaines de ces situations mettaient en jeu le droit à l’égalité des femmes. Dans ce contexte, il était de notre devoir de se pencher sur la question et de donner un avis au gouvernement, afin de montrer que le droit des femmes à l’égalité n’est pas atteint et que la société ne cesse de dénigrer la présence des femmes dans certaines situations de la vie courante. Par exemple, un quartier qui refuse l’intervention policière d’une agente, car elle est une femme, ou encore un homme qui ne veut pas se faire servir sous prétexte qu’il préfère l’être par un homme !

Nous avons choisi de produire un avis juridique qui expose la confrontation de deux droits : le droit à l’égalité entre les femmes et les hommes et la liberté de religion. Malheureusement, ces questions se règlent souvent devant les tribunaux. Ainsi, nous voulions donner des arguments, et même donner la possibilité de modifier la Charte des droits et libertés afin de faire reconnaître la pleine égalité entre les femmes et les hommes.

Lorsque nous avons commencé à rédiger cet avis, nous nous sommes penchées sur les trois valeurs énoncées par le premier ministre du Québec lorsqu’il a annoncé la création de la commission Bouchard-Taylor, qui, malheureusement, n’en a pas tenu compte.

Voici les trois valeurs :

1. Séparation de l’État et de la religion
2. Primauté du fait français
3. Égalité entre les femmes et les hommes

En fait, nous avons démontré dans notre avis comment ces trois valeurs sont devenues des marqueurs de notre identité collective.

Nous avons démontré combien la valeur d’égalité entre les femmes et les hommes est devenue valeur collective depuis une trentaine d’années. Le Conseil a soutenu que le droit à l’égalité entre les femmes et les hommes devait être respecté et qu’on ne devait pas y porter atteinte au nom de la liberté de religion. Nous considérons toujours qu’un accommodement qui porte atteinte à l’égalité entre les femmes et les hommes est un accommodement déraisonnable.

Avec la modification de la Charte québécoise qui a suivi cette recommandation, le mot femme a été inclus à la charte pour la première fois depuis sa création en 1975. L’ajout de ce mot ainsi qu’un paragraphe disant que le droit à l’égalité entre les femmes et les hommes est fondateur de la justice et de la paix, intégrés au préambule de la charte, sont selon moi un grand pas en avant, car il s’agit d’un document fondateur de nos libertés et de la philosophie de ce qu’est le Québec.

Pour nous, cela veut dire que le Conseil et le gouvernement sont autorisés à circonscrire le droit à la liberté de religion pour respecter le droit à l’égalité des femmes et des hommes. Nous allons, soyez-en certains, revendiquer et rappeler ce droit en tout temps à toutes les institutions, dont la Commission des droits de la personne qui a malheureusement tendance à oublier cette modification à la Charte, qui a été adoptée unanimement par l’Assemblée nationale.

Quand le gouvernement décide de consacrer une telle valeur, qui est également un droit - le droit à l’égalité des femmes et des hommes - comme modulant une liberté individuelle, il fait des choix politiques. Le gouvernement a la responsabilité de protéger l’intérêt public ou général et l’intérêt individuel ou particulier. Ainsi, le gouvernement dit que l’égalité entre les femmes et les hommes doit moduler les autres intérêts publics.

Comme l’a dit le professeur Charles Taylor : « L’État est l’expression politique d’un peuple, il doit pouvoir trouver un équilibre entre l’intérêt général et les droits des particuliers. » Il revient au législateur et au gouvernement d’exprimer la volonté politique du peuple.

Reconnaissant le droit à la liberté d’expression, le gouvernement des années 1970 l’avait fait avec la Charte de la langue française qui prônait la protection et la promotion du fait français en limitant le droit à la liberté d’expression. (Notamment en anglais).

En ce qui a trait à la deuxième valeur exprimée comme une valeur commune, la neutralité de l’État, il est intéressant de voir comment la valeur d’égalité entre les femmes et les hommes a évoluée concurremment avec la valeur de la séparation de l’Église et de l’État.

La séparation entre l’Église et l’État, qui est un des critères pour qualifier un État de laïque, prévoit la non-mixité des genres. Le gouvernement élu démocratiquement ne dicte pas les lois et les normes et les façons de faire à l’Église catholique ou à toute autre religion. De même que l’Église n’impose pas ses dogmes et croyances au gouvernement et à ses institutions. Comme jadis c’était le cas dans les écoles et les hôpitaux.

Vous vous souvenez peut-être que la mainmise de l’Église sur l’État a été très longue à disparaître. En 1960, la laïcisation - la séparation entre l’Église catholique et l’État - a été précédée du Gouvernement Duplessis qui avait une grande proximité avec l’Église et, de ce fait, était contre les droits des femmes !

L’Église s’opposait à la participation à la vie publique des femmes, principal opposant dans l’obtention du droit de vote des femmes, faisant ainsi du Québec la dernière province à avoir accordé le droit de vote aux femmes.

Lorsque le gouvernement a repris ses droits sur le ministère de l’Éducation, il a rendu, pour la première fois, l’éducation obligatoire pour les filles. Dès lors, les filles sont allées à l’école. C’est alors que le Québec a vu rapidement une croissance de la présence des filles sur le marché du travail.

La même chose s’est produite dans le domaine de la santé. Lorsque le gouvernement a repris le contrôle du ministère de la Santé, on a vu l’égalité des femmes reconnue, notamment le droit à la contraception, le droit à l’autodétermination de son propre corps, le droit à l’avortement. Nous avons vu rapidement apparaître des cliniques d’avortement dans les années 70.

Au niveau social, des changements sont aussi apparus, notamment le droit au divorce pour les femmes et les hommes. Longtemps enclin au droit civil mais enfin épuré par sa réforme de 1981, le Code civil du Québec permettait enfin à la femme une autorité parentale au même titre que son mari.

C’est ainsi, nous le soulignons, qu’à mesure que la séparation de la religion et de l’État s’affirmait, augmentait la progression des femmes vers l’égalité.

Dans notre avis, nous avons recommandé :

    QUE Les représentantes et les représentants ou les fonctionnaires de l’État ne puissent arborer ni manifester des signes religieux ostentatoires dans le cadre de leur travail.

Effectivement, la séparation de l’Église et de l’État est une valeur commune. Il faut que les agentes et les agents de l’État - qui parlent en son Nom - affichent cette neutralité. Je répète que c’est seulement pour les fonctionnaires de l’État. Parce que contrairement à ce que quelques personnes ont voulu nous prêter comme intention, le Conseil n’est pas contre tous les signes religieux, que ce soit une croix au cou ou l’étoile de David ! Ce que nous dénonçons, ce sont les signes ostentatoires, c’est-à-dire, les signes religieux visibles.

Notre recommandation fait suite à la constatation qu’effectivement, la séparation de l’État et la religion est une valeur commune.

Si le Québec d’aujourd’hui est un État laïc de fait, ce n’est pas le fruit d’une longue tradition, comme aux Etats-Unis, où le premier amendement de la Constitution stipule qu’aucune loi établissant une religion ou interdisant la pratique d’une religion ne peut être adoptée par le Congrès.

De façon indirecte, l’affirmation juridique de la laïcité québécoise découle de l’interprétation de la liberté de conscience et de religion. Cette liberté permet à une personne d’exprimer sa croyance, mais elle lui permet aussi de ne pas être forcée d’adhérer à une croyance. En conséquence, l’État, pour respecter cette liberté, a l’obligation de ne pas favoriser une religion. S’il le fait, il crée une pression en faveur d’une religion et les personnes qui n’y adhèrent pas se trouvent, en quelque sorte, forcées de souscrire à une croyance qu’elles ne partagent pas. Pour éviter de brimer ce que nous pouvons appeler la « liberté de non-croyance », l’État doit donc veiller à faire preuve de neutralité. Cette exigence de neutralité vise la mise en place d’un cadre social et juridique où les consciences seront respectées. Nous le répétons, la neutralité de l’État découle de la liberté de religion. Si le gouvernement favorise une religion, il porte atteinte à la liberté de religion par le fait même.

Il faut rappeler que la liberté de religion peut être limitée par les valeurs communes, comme l’égalité entre les femmes et les hommes, et à la limite, comme la neutralité de l’État.

Par exemple, dans le dernier jugement de la Cour suprême du Canada portant sur la liberté de religion, la Cour a confirmé l’importance de l’intérêt public lorsque vient le temps de juger les lois adoptées par les élus. En 2003, l’Alberta a rendu obligatoire la prise de photo pour les personnes détentrices d’un permis de conduire. Les membres de la colonie huttérite Wilson ont contesté cette condition à cause de leurs croyances religieuses, qui leur interdit de se faire photographier.

En 2009, la Cour a réaffirmé qu’il est inévitable que certaines croyances ou pratiques entrent en conflit avec les lois, édictées de façon générale. Aussi, il faut se placer dans la perspective du plaignant, mais aussi dans le contexte d’une société multiculturelle, où existent différentes religions et dans laquelle l’État légifère pour le bien commun.

En terminant, ces exemples illustrent bien quel est le rôle de l’État : agir pour garantir et assurer le respect des valeurs communes tout en respectant les droits et libertés de chacun. L’interdiction pour les fonctionnaires de l’État québécois de porter des signes religieux ostentatoires s’inscrirait clairement dans cette ligne.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 27 septembre 2009

Suggestions de Sisyphe

  • Signez en ligne l’appel de Sisyphe Pour une Charte de la laïcité au Québec.
  • À compter du 15 octobre 2009, visitez le site du Collectif citoyen pour l’égalité et la laïcité (CCIEL).
  • Site de Djemila Benhabib.
  • Site de 2Fik.
  • Site du Conseil du statut de la femme.



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  • Christiane Pelchat, déléguée générale du Québec à Mexico
    Conseil du statut de la femme

    L’auteure a écrit cet article alors qu’elle était présidente du Conseil du statut de la femme.



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