L’ex-députée afghane Malalai Joya effectue une tournée au Canada pour demander le retrait des troupes canadiennes en Afghanistan. Elle dénonce la corruption du régime en place à Kaboul et la présence des seigneurs de la guerre au sein du gouvernement.
Invitée par la Fédération des femmes du Québec et le collectif Échec à la guerre, elle a donné une conférence mardi soir, le 25 novembre, à l’Université du Québec à Montréal. « Nous voulons immédiatement la fin de cette occupation », a-t-elle dit devant quelques centaines de personnes qui l’ont chaleureusement applaudie.
Malalai Joya a expliqué les conséquences de la présence des troupes étrangères en Afghanistan. « Ils ont porté au pouvoir une copie des talibans et mon pays est maintenant un paradis pour les terroristes, a-t-elle affirmé. Les politiques des États-Unis, de l’OTAN et du Canada ont transformé le pays en plaque tournante de la drogue. »
Elle en a profité pour parler de son livre, A Woman Among Warlords, dans lequel elle raconte sa vie dans un contexte de guerre. Elle commence ainsi : « Je viens d’un pays de tragédies qui s’appelle l’Afghanistan. »
Celle que l’on surnomme la femme la plus courageuse d’Afghanistan n’a que 31 ans. Elle a été élue députée avec une forte majorité en 2005, puis elle a été bannie du Parlement deux ans plus tard, parce qu’elle dénonçait les seigneurs de la guerre qui occupent des postes élevés au Parlement, malgré leur lourd passé criminel.
Quand elle prenait la parole, les parlementaires fermaient son micro. Elle n’a jamais pu terminer une intervention. Elle a été menacée de viol dans l’enceinte même de la législature.
Le premier ministre du Canada, Stephen Harper, était à Kaboul quand elle a été expulsée du Parlement. « Il n’a pas levé le petit doigt pour défendre ma liberté de parole », affirme Malalai Joya.
Pour le retrait de l’OTAN
Selon Mme Joya, la présence de l’OTAN dans son pays apporte plus de souffrance que de solution au peuple afghan. « La corruption est partout », dit-elle.
Les gens de sa région lui rapportent que, quand des voleurs et des tueurs sont arrêtés, il arrive que des équipes de reconstruction provinciale, les troupes de l’OTAN, interviennent pour les faire libérer.
« Les tribunaux sont un repère de fondamentalistes. Des femmes ont été aspergées d’acide à Kandahar. Qu’a fait le gouvernement Karzaï ? Il a proposé aux talibans de se joindre à l’administration, déplore-t-elle. Pourquoi le Canada, qui a ses troupes sur place, n’a-t-il pas protesté ? »
La jeune femme s’adresse maintenant aux militaires canadiens et à leur famille. Elle dit reconnaître leur sacrifice, mais estime que les troupes de l’OTAN devraient se retirer dès maintenant. Quand on lui dit que l’Afghanistan risquerait alors de basculer dans la guerre civile, elle répond : « Nous sommes déjà en guerre civile. »
Malalai Joya, qui vit à Kaboul, a été victime de plusieurs tentatives d’assassinat. Elle refuse l’exil afin de continuer son travail sur le terrain, même si elle doit déménager presque tous les jours et qu’elle voit très peu son mari. « La vie d’une femme [en Afghanistan] ne pèse pas plus lourd que la vie d’un oiseau », dit-elle.
Source : Radio-Canada, Nouvelles, le 25 novembre 2009
– Dans la même page : « Aline Gobeil s’entretient avec Malalai Joya. »
Mis en ligne sur Sisyphe, le 25 novembre 2009
Autres lectures
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