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jeudi 3 novembre 2011

Prostitution - Je me suis absentée

par Rebecca Mott, survivante et écrivaine






Écrits d'Élaine Audet



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J’ai fait une pause, parce que mes réserves de force étaient complètement épuisées. Mais je me sens aussi extrêmement bien, et j’ai l’impression d’atteindre un nouveau niveau dans mon travail pour lever le voile sur le commerce du sexe.

Je me sens libre de ralentir, et de me concentrer autant que je peux l’être. Pour l’instant, je peux laisser ma famille derrière moi, et ne pas trop me soucier de son jugement ou de la sentir blessée par mon travail.

Je sais que ma famille ne lit pas ce blog - et c’est une bonne chose, car c’était une censure qui jetait une ombre sur moi.

J’aime ma famille pour qui et ce qu’elle est devenue. J’ai besoin que mon travail soit distinct de cette évolution. Le simple fait de savoir que j’ai leur amour et qu’ils ne me jugent pas me fortifie.

Je peux maintenant me concentrer sur des problèmes plus profonds, au sujet desquels j’écrirai sans doute très bientôt.

Des problèmes comme pourquoi le fait de survivre au commerce du sexe ne se limite pas à une extrémité d’un continuum de violence masculine à l’égard des femmes et des filles. Je veux écrire et explorer ces différences - et parler aussi des liens entre ces violences.

Des problèmes à accepter que beaucoup, sinon l’ensemble des femmes sorties de ce milieu peuvent ne pas afficher les émotions que les autres attendent d’elles. Je veux explorer le fait que plus la torture sexuelle physique et mentale a été grave et a duré longtemps, plus il est probable que les femmes prostituées vont réagir avec torpeur, en s’affichant extérieurement robuste, en éludant ces questions par le rire.

Des problèmes à parler de la réalité d’être dans cette pièce, la réalité d’être rendue invisible sous prétexte que la prostitution organisée hors de vue doit être enjolivée, pour que des hommes puissent toujours s’en tirer avec l’achat et la vente de la classe prostituée.

Des problèmes que pose l’apologie constante de la prostitution vécue à l’intérieur dans les médias, par des soi-disant féministes, dans la haute culture et la culture populaire, par les gauchistes, par toutes les religions et tous les discours politiques et philosophiques des hommes, et par l’ensemble de mon environnement.

Des problèmes à me faire dire de ne pas dire que la classe prostituée est réduite à l’état de marchandise, transformée en sous-hommes – et ce par les mêmes personnes qui défendent une réduction des méfaits. Alors que la réduction des méfaits est un concept qui maintient les personnes prostituées dans le statut de marchandises que l’on rafistole et renvoie en enfer.

Alors je me suis absentée, mais je ne suis pas encore morte…

Version française : Martin Dufresne

Version originale anglaise.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 30 octobre 2011



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Rebecca Mott, survivante et écrivaine

Je suis une écrivaine britannique, survivante d’abus sexuels dans l’enfance et de la prostitution. Une partie de la maltraitance que m’a infligée mon beau-père durant mon enfance a été la violence psychologique de me faire regarder de la pornographie hyperviolente. Combinées à la violence sexuelle qu’il m’infligeait, ces images me faisaient ressentir que je n’avais d’autre valeur que celle de servir d’objet sexuel à un homme et que le sexe était toujours associé à la violence et à la douleur. À 14 ans, je suis tombée dans la prostitution et elle était extrêmement sadique. Je ne m’en suis pas détournée pas car j’éprouvais trop de haine de moi-même pour y reconnaître de la violence et du viol - j’avais l’impression que c’était tout ce que je méritais. J’ai fait de la prostitution entre l’âge de 14 ans à 27 ans et, la majorité du temps, les hommes qui m’achetaient tenaient à m’infliger des rapports sexuels très sadiques. Je me suis habituée à des viols collectifs, du sexe oral et anal violent, et au fait de devoir jouer des scènes de porno dure - cela devint mon existence. J’ai failli être tuée à plusieurs reprises, et fait beaucoup de tentatives de suicide, mais j’ai survécu. Quand j’ai réussi à quitter le milieu, j’ai effacé durant 10 ans la plupart de mes expériences. Ce n’est qu’après avoir dépassé le souvenir des violences de mon beau-père que j’ai trouvé l’espace mental pour me souvenir. Se souvenir de la prostitution est terrible, et je souffre d’un lourd syndrome de stress post-traumatique (SSPT). J’ai créé mon blog pour explorer mon SSPT à titre de survivante à la prostitution, pour réclamer l’abolition du commerce du sexe et pour faire état des conditions terribles de la prostitution vécue à l’intérieur. J’essaie d’écrire de la prose poétique, mais je crois que mon travail est de nature politique.



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