Elle pourrait devenir le premier pays occidental à bloquer cette pollution par crainte de ses effets sur les enfants.
L’Islande pourrait devenir la première démocratie occidentale à bloquer toute diffusion de pornographie sur Internet en vertu de nouvelles propositions radicales.
Des craintes concernant les effets néfastes de la pornographie sur les jeunes ont conduit le gouvernement à préparer des mesures juridiques pour tenter d’arrêter le flot de contenus à caractère sexuel qui atteignent les côtes de l’Islande.
Le ministre de l’Intérieur Ögmundur Jónasson a créé des groupes de travail pour trouver les meilleurs moyens d’endiguer le flot d’images et de vidéos pornographiques en ligne auxquelles les jeunes accèdent au moyen d’ordinateurs, de consoles de jeux et de téléphones "intelligents".
L’étude consacrée au problème par le gouvernement islandais a indiqué que les enfants exposé-es à de la pornographie violente à un âge précoce présentaient des signes de traumatismes similaires à ceux des enfants ayant été physiquement molesté-es.
Les méthodes à l’étude comprennent le blocage des adresses IP porno et le fait de rendre illégale d’utilisation des cartes de crédit islandaises pour accéder à des sites pornographiques.
Une loi interdisant la production et la distribution de pornographie est en place depuis longtemps dans ce pays nordique, mais il reste à la mettre à jour afin de couvrir l’Internet.
Il y a deux ans, le Parlement islandais, dirigé depuis février 2009 par une Première ministre, Madame Johanna Sigurðardóttir , a réussi à faire fermer tous les clubs de danse nue au motif que ces endroits violaient les droits civils des femmes qui y travaillaient et étaient nuisibles à la société.
Cet argument - que la porno viole les droits des femmes qui y figurent ainsi que ceux des enfants qui y sont exposé-es - est la pierre angulaire des nouvelles propositions présentement discutées.
C’est en 2010 qu’on a sonné l’alarme au sujet des effets nocifs du sexe véhiculé par Internet, lorsque le gouvernement a lancé un vaste processus de consultation sur le traitement des affaires de viol par le système de justice.
Cette enquête a donné lieu à une nouvelle consultation à propos de la pornographie, où l’on a entendu des enseignant-es, des agent-es de police et des organisations qui interviennent auprès d’enfants victimes de violence.
Conclusion de ce processus : la nature extrêmement violente du matériel aujourd’hui disponible gratuitement sur le web accroissait l’intensité des agressions sexuelles commises en Islande.
L’étude a également constaté que les enfants exposé-es à la pornographie violente dès leur jeune âge montraient des signes similaires à eux que montrentdes jeunes réellement molesté-es et victimes de traumatismes.
Ces signes comprenaient notamment un isolement croissant et la répétition sur de plus jeunes membres de leur famille ou d’autres enfants des actes visionnés en ligne.
Pour M. Jónasson, du parti des Verts (gauche), la sécurité des enfants doit être « une priorité ».
Il assure que le filtrage de la porno n’est pas une question de censure, ajoutant : « Nous devons être en mesure de discuter d’un bannissement de la pornographie violente, dont nous reconnaissons toutes et tous qu’elle a des effets très néfastes sur les jeunes et qu’elle peut avoir un lien évident avec l’incidence de crimes violents. »
Halla Gunnarsdóttir, conseillère politique du ministre de l’Intérieur, a déclaré que le consensus auquel sont arrivés les experts du monde de l’éducation, les services chargés de l’application des lois et d’autres organismes quant à l’adoption de mesures efficaces la rendait optimiste quant au fait que ces propositions prendraient force de loi, même si une élection générale aura lieu en avril.
« Il existe un fort consensus en Islande », a-t-elle dit.
« Comme cette initiative est soutenue par une foule de spécialistes, allant de spécialistes de l’éducation aux autorités policières et à des intervenant-es pédagogiques, elle a pris beaucoup plus d’ampleur qu’une simple politique d’affrontement de partis.
« En ce moment, nous cherchons les meilleurs moyens techniques pour y parvenir. Mais il est clair que si nous pouvons envoyer un homme sur la Lune, nous devons être en mesure de maîtriser la pornographie sur Internet. »
« Cette décision n’est pas anti-sexe. Elle est anti-violence, parce que de jeunes enfants voient de la pornographie et copient ce qu’ils voient. C’est à ce point que nous traçons la limite.
« Ce matériau brouille pour les jeunes les distinctions entre ce qui est bien et mal.
« Il n’est plus acceptable de continuer à blâmer les parents pour le fait que les enfants voient en ligne des scènes de sexualité explicite, a ajouté Mme Gunnarsdóttir. « Les parents ne sont pas les seuls responsables de la protection de nos jeunes. Ils et elles ne peuvent pas rester constamment auprès de leurs enfants et l’industrie de la porno multiplie les efforts pour approcher les enfants.
« Le temps est fini où les enfants n’utilisaient les ordinateurs qu’à la maison. Ils et elles ont accès à l’Internet dans de nombreux endroits, de bien des façons, y compris par des téléphones intelligents. Nous disons que la protection de nos enfants est une tâche pour l’ensemble de la société. »
L’Islande, qui se dit la plus ancienne démocratie parlementaire au monde, affiche une population de 319 000 personnes, soit un peu moins que celle de Laval.
Il s’agit de la deuxième plus grande île d’Europe après la Grande-Bretagne, et sa position relativement isolée à la périphérie occidentale de l’Europe, juste en dessous du cercle polaire arctique, pourrait faciliter la mise en oeuvre des mesures envisagées.
Ces mesures intéresseront sans doute le Premier ministre britannique David Cameron, qui a déclaré trouver « tout à fait déplorable » que tant d’enfants au Royaume-Uni aient déjà été exposés aux « plus sombres recoins » de l’Internet, un sentiment partagé par Diane Abbott, du Labour Party.
Le Daily Mail a également fait campagne pour un blocage automatique de la pornographie en ligne, qui signifierait que les clients devraient opter explicitement pour l’accès à ces images.
Tout comme en Islande, des commentaires récents des principaux députés du Labour Party, comme Diane Abbott, suggèrent l’émergence d’un consensus politique sur la nécessité de solutions radicale pour faire face à l’emprise croissante de la pornographie sur l’enfance.
Alors que des pays comme la Chine ont également essayé d’éradiquer la pornographie véhiculée par Internet sur leur territoire, le cas de l’Islande reflète la première tentative en ce sens d’un pays démocratique occidental.
Un des livres de référence du mouvement "Stop Porn Culture", est "Pornography : Men Possessing Women" d’Andrea Dworkin, dont le début figure dans "Pouvoir et violence sexiste" (Éd. Sisyphe, Montréal, 2007)
La professeure Gail Dines, auteure de Pornland et autorité mondiale en matière de pornographie, est venue récemment donner une conférence sur la question à l’Université de Reykjavik. Selon elle, « l’Islande a adopté une approche très progressive que n’a tentée aucun autre pays démocratique. »
« Elle examine la pornographie à partir d’une nouvelle perspective : celle du tort qu’elle fait aux femmes qui y figurent et d’une violation de leurs droits civiques.
« Elle étudie également la porno du point de vue des enfants qui voient leur sexualité détournée à un très jeune âge par une imagerie sexuelle brutale. »
Source : "Iceland’s bid to ban web porn : Nation could become first western country to block filth over fears of effects on children", Daily Mail (R.-U.), 13 février 2013.
Autres articles sur le sujet :
– Le blocage de la porno en ligne est « compromis », alors que des documents divulgués montrent un « recul » du gouvernement sur cette initiative.
(Online porn blocks ’at risk’ as leaked documents show the Government ’scaling back’ initiative
– Les banques pourraient bloquer les paiements de sites pornos : On réclame des sanctions contre les entreprises qui refusent de protéger les enfants. (Banks could block porn site payments : Call to hit firms that fail to protect children
Mis en ligne sur Sisyphe, le 14 février 2013