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jeudi 19 septembre 2013

Lettre au ministre Bernard Drainville - Clair, net, définitif : une charte de la laïcité, point !

par Renée Lavaillante, artiste en arts plastiques






Écrits d'Élaine Audet



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Cher monsieur Drainville,

Je suis d’accord avec le principe de l’État laïque, mais je m’interroge beaucoup sur la forme dans laquelle vous l’insérez.

1. Que sont les valeurs québécoises ? Ni l’égalité, ni la laïcité n’étaient des valeurs québécoises dans les années 50. Donc ce ne sont pas des valeurs foncièrement québécoises. En 50-60, j’étais obligée d’aller à la messe, et de me couvrir la tête… Est-ce que les valeurs d’une nation peuvent changer tout seules aussi vite ? Non, ce sont les valeurs universelles qui ont changé, et les pays les aménagent selon leur propre expérience. L’Occident, surtout, adoptera l’égalité homme-femme, et grosso modo, l’Occident, moins les anglo-saxons, cherchera une véritable laïcité.

Mais tout ça va dans une charte des droits, pas des valeurs ! On s’infantilise avec ça… A-t-on idée d’une charte des valeurs norvégiennes, italiennes ? C’est la risée.

Les droits des femmes sont déjà inclus (et peuvent être précisés) dans la charte des droits. Pourquoi ne pas ajouter à celle-ci une clause sur la laïcité, ou bien créer clairement une charte de la laïcité ? Laïcité (sans adjectif) est un terme précis et durable. Pourquoi avoir peur des mots ?

Une charte de la laicité, ou l’inclusion de celle-ci dans la charte des droits, aurait plus d’impact et de réalisme qu’une charte des valeurs, mot édulcoré, romantique, vague.

Les valeurs, aucune charte ne peut toutes les inclure, elles bougent et fuient, d’autres s’ajouteront qui paraîtront essentielles selon les époques et problèmes à traverser, et de plus, certaines sont peu édifiantes, bien que très ancrées, comme la consommation, le libéralisme, l’art d’oublier…. qui, bien qu’elles soient inébranlables et très anciennes, ne figureront certes pas dans cette charte des valeurs. Je ne vois qu’illusions et incomplétude dans une charte des valeurs. Et peut-être démagogie ?

Il s’agit de séparer l’Église et l’État. C’est clair, net et définitif : une charte de la laicité, point.

2. Maintenant, en guise de poutre dans votre œil, si je peux dire, il y a cette géométrie variable, avec votre crucifix chéri… Est-ce qu’un cadavre qui pend sur un instrument de torture n’est pas assez ostenstatoire ? S’il trône au-dessus des gouvernant-es, ça ne veut vraiment rien dire ?

Si on sait qu’il a été mis là pour consacrer le pouvoir de l’Église dans l’État, comment peut-on le conserver, et prétendre, en même temps, à un État laïque ??

En quoi est-ce du patrimoine ? C’est pour moi un souvenir honteux d’un règne honteux. Il me gêne encore plus que les vêtements religieux.

Et il me gêne d’autant plus que ces vêtements et autres signes religieux seront bannis de la fonction publique. Ceci n’est pas la justice et l’équité mais bien les deux poids, deux mesures.

Je pense que ce serait un geste essentiel, élémentaire, et un premier pas vers ceux et celles qui hurlent au martyre en ce moment, que de le retirer. Qu’il n’y ait ni injustice, ni apparence d’injustice.

3. Enfin il y a un pas, il me semble, que vous devriez faire, en temps et lieux, et qui désamorcerait plusieurs tensions : opter pour le long terme, mais sans dérogations. Même chose pour tous et toutes.

Oui, j’ai hâte comme vous de ne plus voir ces signes ostentatoires d’une appartenance supérieure chez les employé-es de l’État. En particulier, après le crucifix, le voile.

Pourquoi toujours le voile ? Ce n’est pas de l’islamophobie, mais disons qu’on s’écarte de la rectitude politique ambiante. C’est que parmi tous les signes apparents, c’est précisément le seul qui soit navrant. Le voile est blessant pour nous toutes.

Je suis de celles qui ont lutté dans les années 70 pour le mieux-être des femmes, et, espérions-nous, de toutes les femmes. Quand je les vois, couvertes, par 30˚, à côté de leurs hommes court vêtus et frais, ça me fait mal, oui, et ça me rappelle combien tous les acquis sont fragiles, et combien les religions sont injustes envers les femmes. La fonction publique ne doit pas entériner cette injustice. Ce signe-là pas plus que les autres, mais c’est vrai que c’est celui-là, par une sorte de blessure rouverte, qui fait déborder le vase et rend les réactions émotionnelles.

Mais malgré cela, je crois, monsieur le ministre, que nous devrions tous et toutes, et vous en premier, opter pour la patience et le long terme. C’est-à-dire, que les personnes portant des signes, actuellement, dans la fonction publique, ont été accueillies avec leurs attributs, et devraient pouvoir conserver leur « droit acquis », ne pas se sentir menacées dans leur travail. Par contre, aucune nouvelle embauche pour les personnes portant des signes, et cela sans possibilité de dérogation, nulle part dans la fonction publique. Avec les années, celle-ci deviendra de plus en plus neutre, mais en douceur. Il me semble que l’État, en plus d’être laïque, doit être un employeur exemplaire… et que changer, après embauche, les conditions de travail des employé-es, n’est pas irréprochable.

Ceci atténuerait sans doute la portée des actuels cris d’orfraie des intégristes, ainsi que de la fronde électoraliste débile qui se dessine dans les mairies.

À vous,

Renée Lavaillante

15 septembre 2013

Mis en ligne sur Sisyphe, le 18 septembre 2013



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