| Arts & Lettres | Poésie | Démocratie, laïcité, droits | Politique | Féminisme, rapports hommes-femmes | Femmes du monde | Polytechnique 6 décembre 1989 | Prostitution & pornographie | Syndrome d'aliénation parentale (SAP) | Voile islamique | Violences | Sociétés | Santé & Sciences | Textes anglais  

                   Sisyphe.org    Accueil                                   Plan du site                       






mardi 24 septembre 2013

Le Conseil du statut de la femme doit pouvoir jouer son rôle dans le débat sur la laïcité

par Catherine des Rivières-Pigeon, professeure de sociologie à l’UQAM et membre du Conseil du statut de la femme






Écrits d'Élaine Audet



Chercher dans ce site


AUTRES ARTICLES
DANS LA MEME RUBRIQUE


« Islamophobie » ou « islamistophobie » ?
La charte des valeurs n’a été ni cachée ni utilisée à des fins électoralistes
Lettre ouverte à Françoise David sur la laïcité
Un islamisme "laïcophobe" très militant
Montrez-moi une lesbienne féministe voilée
Fatima Houda-Pepin : "Je suis libérale et fédéraliste et je suis contre le tchador à l’Assemblée nationale".
Un voile sur les yeux
Charte de la laïcité - Oser penser par soi-même
Non, Monsieur Parizeau
Sans complaisance : Le mythe Jacques Parizeau. La réalité Pauline Marois
Intégrisme islamiste - Le Québec n’est pas une île
Charte des valeurs québécoises - Voir plus loin que le bout du foulard
Lettre au Ministre Bernard Drainville - Le hidjab a quelque chose à voir avec l’inégalité hommes-femmes
Charte des valeurs québécoises - Ni parfaite ni diabolique
Lettre au ministre Bernard Drainville - Clair, net, définitif : une charte de la laïcité, point !
Lettre à Maria Mourani, députée - La laïcité inclusive ou l’aveuglement volontaire
"À Rome, on fait comme les Romains". Pourquoi pas au Québec ?
Je suis "pour" la laïcité proposée par le projet de Charte des valeurs québécoises
Charte des valeurs québécoises - Laïcité : quatre mises au point essentielles
Laïcité et pseudo-laïcité
La laïcité, enfin !
Le SFPQ réitère son appui pour un État laïque
Parce que nos valeurs, on y croit - Document d’orientation
La CSQ souhaite un débat ouvert et rassembleur sur le projet d’une Charte des valeurs
Signes religieux ostentatoires - Des enseignantes en colère écrivent au président de la Fédération autonome de l’enseignement
Pour une laïcité authentique et inclusive







La sortie médiatique de la présidente du Conseil du statut de la femme (CSF) a secoué le Québec. La présidente, et c’était une première, a accusé la ministre Agnès Maltais d’ingérence et s’est offusquée du caractère partisan de la nomination de quatre nouvelles membres ayant affiché des positions en faveur de la laïcité et de l’interdiction de signes religieux ostentatoires dans la fonction publique.

Les propos qui ont été rapportés dans les médias laissaient croire que le Conseil était divisé sur la question de la Charte des valeurs québécoises, et que le Conseil envisageait de faire une étude sur l’impact de l’interdiction des signes religieux dans la fonction publique. La question de la possible ingérence politique a été largement commentée, mais la question de la division du Conseil avant les nouvelles nominations et des études qu’il souhaitait mener ne l’a pas été. En tant que membre du CSF, je souhaite m’exprimer au sujet de ces derniers éléments car les propos qui ont été tenus dans les médias me semblent donner aux Québécoises et aux Québécois une image tronquée de la façon dont se prennent les décisions au sein de cet organisme.

Le Conseil est-il divisé ?

Le Conseil a débattu de la laïcité en 2011 (j’étais déjà membre à cette époque) et est arrivé avec un avis sur la question à la suite de ces débats et, surtout, à la suite de la recherche qui a été effectuée pour constituer cet avis. Depuis, il n’y a eu aucune assemblée des membres portant sur cette question. Les membres du Conseil n’ont donc eu aucune nouvelle occasion formelle de se prononcer sur les questions relatives à la laïcité ou à la Charte des valeurs québécoises. Il est donc prématuré de dire que le Conseil est divisé sur cette question, car le Conseil n’a pas eu l’occasion de se prononcer.

Effectivement, il y a bien eu quelques échanges informels de courriels, avant la sortie du projet de Charte, où des membres ont fait part de questionnements et dit souhaiter savoir combien de femmes seront touchées, et quel serait l’effet d’une telle politique sur les femmes visées. Mais de tels échanges ne permettent de présumer ni de la nature des discussions qui auraient eu lieu en assemblée ni des résultats d’un éventuel vote sur cette question. Après ces controverses affichées sur la place publique, je crains que le Conseil n’ait plus la crédibilité requise pour s’exprimer.

Quelle aurait été la position du Conseil à la suite d’une assemblée des membres abordant cette question avant les nouvelles nominations ? Aurait-il été divisé ? Nul ne peut le savoir. Mon impression - parce que je connais ses membres - est qu’il aurait bien pu arriver à un consensus, car ce qui semble diviser touche surtout au port des signes religieux ostentatoires par l’ensemble de la fonction publique, et qu’il s’agit d’une seule des multiples recommandations formulées dans l’avis de 2011.

L’avis portait sur la laïcité, pas sur les « valeurs québécoises », et il affirmait que la laïcité est un outil pour l’égalité. Donc, peut-être aurions-nous pu arriver à un consensus, car nous ne faisons pas ce débat à des fins partisanes. Les membres du Conseil ont un seul objectif, et il s’agit d’un objectif commun : l’égalité entre les femmes et les hommes. Et nous basons nos avis sur des études sérieuses, comme celles qui ont mené à l’avis de 2011. C’est la raison pour laquelle le Conseil est un « phare », pour reprendre les propos de Mme Maltais.

Les membres parlent en leur nom

Une des particularités du Conseil est que, même si les membres représentent un milieu particulier (le milieu universitaire, dans mon cas), elles parlent en leur nom propre. Et non pas en celui de leur employeur ou de leur institution. Lorsque je siège au Conseil, je ne parle pas au nom de l’UQAM, et le recteur de mon université, ou qui que ce soit d’autre, ne pourrait pas dicter mes prises de position. D’ailleurs, celles-ci ne représentent pas forcément celles de la majorité de mes collègues de l’UQAM. Il en est de même pour l’ensemble des membres.

La représentante du milieu syndical qui a récemment été remplacée, Véronique de Sève, ne parlait pas au nom de la CSN, comme semblaient l’indiquer les médias cette semaine. Elle parlait en son nom et, en ce sens, ses prises de position auraient très bien pu ne pas concorder parfaitement avec celles de son organisation. C’est pour cette raison que les assemblées de membres peuvent mener à des avis solides, souvent appuyés à l’unanimité. Parce que les assemblées sont composées d’un ensemble de membres venant de milieux variés qui sont en mesure de discuter et d’échanger librement, et surtout de réfléchir sur la base d’études effectuées selon les règles de la recherche scientifique.

Cette réflexion commune n’est possible que si les membres parlent en leurs noms propres. Si chacune doit défendre les positions de son institution, il devient difficile de faire évoluer les positions des unes et des autres à la suite des résultats des recherches. Il est donc essentiel, pour le Conseil, qu’il en soit ainsi.

De nouvelles études ?

Les médias ont rapporté cette semaine que « le Conseil était sur le point de mettre en place une étude analysant l’impact, sur les femmes, de l’interdiction du port de signes religieux ». À mon avis, cette information doit être nuancée. Les décisions concernant les études à effectuer sont prises lors de l’assemblée des membres et cette assemblée n’avait pas eu lieu lorsque la présidente s’est exprimée. Peut-être la présidente souhaitait-elle faire cette proposition ; et peut-être que certaines membres lui ont fait part, individuellement, de leur intention de l’appuyer. Il est toutefois important de prendre conscience que la forme d’une telle étude, ainsi que la question sur laquelle elle porterait, devra faire l’objet de discussions.

Je suis certaine que les membres seront favorables à la tenue d’études, le rôle du Conseil étant justement d’en mener. Il faudra toutefois bien cerner l’objectif de celles-ci et réfléchir aux choix offerts. Faut-il regarder les effets individuels d’une politique de laïcité sur les femmes qui sont fonctionnaires et qui portent, aujourd’hui, des signes religieux ? Ou faut-il plutôt analyser les effets collectifs, sur l’ensemble des femmes du Québec, portant ou non des signes religieux, d’une telle politique de laïcité ? La question est ouverte : elle sera complexe et demandera du temps.

Pour que le Conseil puisse jouer son rôle dans le débat sur la laïcité

Je ne sais pas si le Conseil pourra à nouveau s’exprimer sur la question de la laïcité sans qu’il ne soit perçu comme étant instrumentalisé.

Je crois toutefois qu’il est essentiel que cet organisme puisse poursuivre sa réflexion, sur la base d’études sérieuses, comme il l’a fait en 2011 et comme il le fait habituellement.

Donnons la chance au Conseil et à l’assemblée des membres de faire son travail. Nous verrons ensuite s’il est divisé. Donnons-lui la chance de réfléchir au type d’étude qu’il est pertinent d’entreprendre. Le Conseil et l’assemblée des membres qui le compose, doivent pouvoir jouer leur rôle dans ce débat.

Publié dans Le Devoir, le 24 septembre 2013, sauf la dernière partie.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 24 septembre 2013



Format Noir & Blanc pour mieux imprimer ce texteImprimer ce texte   Nous suivre sur Twitter   Nous suivre sur Facebook
   Commenter cet article plus bas.

Catherine des Rivières-Pigeon, professeure de sociologie à l’UQAM et membre du Conseil du statut de la femme



Plan-Liens Forum

  • Le Conseil du statut de la femme doit pouvoir jouer son rôle dans le débat sur la laïcité
    (1/1) 25 septembre 2013 , par





  • Le Conseil du statut de la femme doit pouvoir jouer son rôle dans le débat sur la laïcité
    25 septembre 2013 , par   [retour au début des forums]

    Il s’agit d’une décision déchirante pour toutes les féministes. D’un côté l’argumentation contre ; on s’en prend aux femmes, on ostracise les femmes en les retirant du marché du travail et en les isolant, il s’agit de racisme, de xénophobie, d’islamophobie. De l’autre on parle de laïcité de l’état, du refus de revoir apparaître des signes religieux qui on assujettis tout un peuple si longtemps, une religion catholique qui a tout fait pour garder les femmes dans un statut de mineur incapable de se prendre en main. Il y a aussi le fait que dans le monde, en ce moment même des femmes sont violées, battues, tuées parce qu’elles refusent de porter le voile. Le regard du monde est tourné vers nous et ils attendent de voir ce que nous allons décidé.
    De toute façon quelque soit la décision on nous accusera d’avoir trahit les femmes. Il faudra reconnaître un jour que toutes les femmes n’ont pas les mêmes visions sur la justice et l’égalité et il faudra bien choisir.


        Pour afficher en permanence les plus récents titres et le logo de Sisyphe.org sur votre site, visitez la brève À propos de Sisyphe.

    © SISYPHE 2002-2013
    http://sisyphe.org | Archives | Plan du site | Copyright Sisyphe 2002-2016 | |Retour à la page d'accueil |Admin