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vendredi 1er novembre 2013

Elle marche

par Istina Ntari






Écrits d'Élaine Audet



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Elle marche
Tranquille. Il fait chaud. Elle porte une jupe.
Une jupe blanche, une jupe simple, qui n’est pas transparente et qui arrive aux genoux
Elle n’est pas laide du tout, mais pas canon non plus
C’est une femme ordinaire qui n’a rien demandé
Soudain, elle se retourne
Sur son visage le dégoût a remplacé la sérénité
Quelqu’un l’a pincée
Quelqu’un et pas quelqu’une vous l’aurez deviné
Elle le cherche du regard, il s’est fondu dans la foule
Quelle lâcheté
Elle était bien, elle était zen, se sentait à l’aise avec sa féminité
Un inconnu, un homme, en une seconde l’a ramenée à la réalité
Femme, tu n’es à leurs yeux qu’une chair féconde, un objet

Femme, mais où vont-ils chercher l’audace de tout se permettre avec ton corps comme si c’était un jouet ?
Celui-là disparaît dans la foule et d’un coup
Tous les hommes sont coupables ou suspects
Quelques témoins ont peut-être eu un sourire complice
Mais nulle révolte ne vient sanctionner ce vice
Ce crime ordinaire
À toutes celles qui trouvent que ça commence à bien faire
Pourquoi continuer à se taire ?

Injection quotidienne de notre dose d’humiliations
Pourtant si peu de traces d’indignations
Si peu de volonté d’expression
Et comment faire désormais confiance à la mâle engeance ?
J’ai usé mon cœur à force d’espérances
J’ai trahi mon honneur à force d’indulgence
Plutôt risquer la misandrie
Que la folle passivité de ces êtres tellement conditionnés à êtres rabaissées
Qu’elles ne daignent même plus le remarquer

Femme, prends tes doutes au sérieux quand ils sonnent l’alarme
Femme, un soupçon de bon sens t’éviterait bien des drames
Mais d’un autre côté c’est tellement confortable
D’être un objet chéri, au triomphe délectable
Quand, un homme à tes pieds, tu te sens fatale

Femme, ne tombe pas dans ces pièges, dans ces placards dorés
Car la compagnie de tous nos rêves avortés
De nos désirs brimés, nos innocences violées
Pourrait te rendre cinglée
Depuis le temps que l’humanité avance en foulant du pied nos corps sacrifiés
Depuis le temps que l’histoire est rédigé par la même moitié de l’humanité
Il est plus que temps, femme, de te révolter
On est responsables
De nos mères comme de nos sœurs
Pour nos filles on rêve d’ailleurs
D’un monde sans malheurs qui porterait d’autres couleurs
On nous rend coupables de nos humeurs instables
Cela fait si longtemps que l’on rogne nos propres ailes
Élevées par notre désir de vivre libres
Trop souvent rabaissées à notre rang de femelles
Menaçons l’ordre établi de notre liberté criminelle

Le dos gâché par des chaussures aguichantes
L’appétit rendu nerveux à force de privations délirantes
Tous les espoirs tendus vers la venue de celui qui te rendra charmante
Le prince que tu attends pour remplir ta vie
Comme si
Comme s’ils avaient raison de penser que sans eux tu n’es rien
Comme s’ils étaient les seuls à pouvoir te faire du bien

Femme ! Je voudrais comprendre pourquoi chaque jour qui passe
Le système t’exploite, te trahit, t’insulte et toi
Tu ne dis rien
Tous vos sanglots ravalés me restent en travers de la gorge

Elle marchait, sereine, tranquille, elle n’avait rien demandé
Devant une foule de témoins sa dignité fut offensée
Et rien
Le monde a juste continué de tourner

Mille fois chaque seconde et de mille manières
On porte atteinte à notre intégrité
À chaque coin du monde existe un enfer
Où on avilit notre identité
Toutes par notre féminité reliées
Toutes avons pleuré le deuil de notre liberté
Mais pourquoi se résoudre à l’enterrer ?
Est-ce que nous croyons au sentiment si tôt inculqué
De notre infériorité ?
Toutes les races et classes d’esclaves un jour se sont levées
Mais nous – peut-être est-ce en vertu du privilège de la maternité ?
On se tait
Et le monde continue d’aller comme il va et
À l’Est les petites filles sont assassinées
À l’Ouest y a pas d’âge pour se faire violer
Et les rares femmes intactes s’enferment de plein gré dans des clichés
Pour un jeu de séduction où elles sont sûres de gagner

Pendant ce temps l’autre humanité continue d’avancer
Sur un tapis ô combien moelleux !
Fait de nos corps sacrifiés
De nos amours, de nos espoirs, et des cadavres de nos libertés rêvées

Elle marche.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 3 novembre 2013



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Istina Ntari



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