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jeudi 10 mai 2007 In memoriam 1937-2007 "Femmage" à Monic Nadeau, militante lesbienne féministe
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J’ai rencontré Monic à l’automne 1995. Bien que cette amitié soit relativement récente, elle est instantanément devenue l’une des plus Je suis allée quelques fois à Auclair les visiter, Raymonde et elle, et je l’ai vue à chaque fois qu’elle venait à Montréal pour une assemblée de l’R des centres de femmes, des Cuisines collectives et de la FFQ, groupes où elle était active, sans compter les tables régionales de concertation des femmes, sa solidarité avec la collectivité lesbienne (à qui elle a confié ses archives et donné un beau témoignage dans Mémoires lesbiennes de Line Chamberland, remue-ménage, 1996). Il y a eu aussi son engagement dans les groupes de thérapie Antidote pour les victimes de viol et de violence conjugale qu’elle a animés avec ferveur, cette réussite remarquable l’ayant menée en France pour y partager l’expérience avec des groupes de femmes. Dans une autre vie, Monic a été journaliste et a écrit un recueil de poèmes, Sanglots de rue (les éditions Nocturne, 1956). Puis, elle a quitté Montréal pour s’installer à Auclair où elle a vécu l’essentiel de ses amours et de ses engagements. En 1996, elle revient à l’écriture, dans un numéro de Moebius consacré à la mémoire, avec Sœur Catherine de l’Enfant-Jésus sur un indélébile souvenir d’enfance et, en 2006, renoue avec la poésie. Nombre de personnes ont également pu constater la qualité de sa plume en lisant, au fil des années, ses savoureuses Lettres aux complices des Cuisines collectives. Comment vivre sans toi, ma "gisante", sans ta complicité, ton intensité et cette folie que nous avons partagée si joyeusement et tendrement, jusqu’à la dernière goutte, lors de nos errances au bout de la nuit et de la poésie ? J’ai voulu prolonger ta voix et ton action sur ce site que tu fréquentais, où pourront se rencontrer celles et ceux qui te garderont au chaud dans leur coeur. Élaine Audet, poète et éditrice *** Je l’ai connue du dedans Je suis heureux de partager avec vous toutes et tous le bonheur que ma Une femme de conviction, franche, généreuse et amoureuse de l’amitié Une femme féministe, lesbienne, une femme d’action qui aura su susciter Je suis réellement chanceux, maman, que tu aies été ma mère. C’est un Stéphane *** Adieu Monic Bonjour Monic ma grande Bonsoir Monic ma grande Bonne nuit Monic ma grande Dors bien Louky Bersianik, poète et écrivaine *** Femme d’élégance du cœur Quand je l’ai rencontrée pour la première fois, au milieu des années 60, au cœur de la Révolution tranquille, Monic était l’une des plus brillantes journalistes dans le domaine des arts et spectacles, à la radio et dans la presse écrite. Ses interviews pertinentes, costaudes et provoquantes aussi bien que ses critiques de théâtre et de télévision avaient le don de brasser la cage et de susciter le débat. Rebelle, rassembleuse, dotée d’un charisme immense, Monic fut une figure médiatique du temps avant de faire équipe, à la radio de Radio-Canada, avec la « tribu » de l’auteur-réalisateur Robert Blondin qui croyait furieusement à l’âme humaine et à la force collective pour émerger de nos désespérances et bâtir un projet de société à la mesure de nos aspirations. C’était aussi, au cours de ces années 60 et 70, l’époque de « Faites l’amour et non la guerre » : une idéologie à laquelle Monic allait adhérer dans sa totalité ! Ouverte aux courants philosophiques et psychanalytiques, la nouvelle réalisatrice allait nous offrir une série radio inoubliable, Les héros de mon enfance... à l’écoute (au-delà du paraître !) du cheminement des créateurs et artistes du Québec. Poète au quotidien, retirée volontaire du brouhaha urbain et de l’univers turbulent des « stars », Monic sera toujours habitée par cette « belle folie » qui consiste à refaire le monde entre l’apéro et le gigot aussi bien qu’à titre de militante à la FFQ et au Centre des femmes du Témiscouata. Amie fidèle, femme d’élégance du cœur, elle se donnait encore, il n’y a pas si longtemps, des airs de dalaï-lama pour mieux entretenir l’humour et l’amour de la vie dans son sillage. Monic... je t’aime ! Raymonde Bergeron, une chum au-delà de la mort *** Lutter contre la pauvreté des femmes Monic est arrivée au Centre des Femmes du Témiscouata en 1991. Elle est arrivée avec la force de ses connaissances et de son engagement à la cause des femmes et motivée pour faire sa part dans la lutte contre la pauvreté des femmes. Déjà quelques Cuisines collectives étaient démarrées à Montréal et Monic voulait reproduire cette expérience en région. C’est ainsi qu’elle à été une pionnière au Témiscouata pour démarrer les Cuisines Collectives de Dégelis en collaboration avec le Centre des Femmes du Témiscouata. On peut résumer son passage aux Cuisines Collectives de Dégelis en disant qu’elle y a été des plus dévouées, elle n’a pas compté son temps et a fait sa large part de bénévolat. Elle était très convaincante lorsqu’elle sollicitait du financement pour son organisme et savait comment parler à certains bailleurs de fonds. Elle était habituellement indignée par ce qu’elle considérait la bêtise humaine, par exemple, elle en laissait peu passer à ses consœurs de travail du Centre des Femmes quand elle trouvait leur attitude peu féministe ou que ces dernières manquaient d’intérêt à ce sujet, mais elle était très compréhensive avec les participantes aux cuisines collectives. Elle prenait la situation des cuisines à cœur et s’en faisait tellement que quelquefois sa santé s’en ressentait. Monic ne passait pas inaperçu et savait se faire entendre dans tous ses lieux d’implication. Elle a représenté pendant plusieurs années le Centre des Femmes du Témiscouata à la Table de concertation des groupes de femmes de l’est du Québec et, par la suite, après la division de cette Table, à la Table de concertation des groupes de femmes du Bas-Saint-Laurent. Elle s’est, entre autres, fait remarquer par son « indiscipline », soit sa facilité à ne pas se plier à certaines conventions ou exigences qu’on voulait lui imposer. Elle n’était pas gênée aussi de dénoncer les injustices sociales et prenait parti pour les plus démuniEs. Elle avait gardé un caractère jeune et émettait souvent le désir de jouer. Une phrase écrite par elle dans sa lettre aux complices de mai 1993 décrit bien son état d’esprit à ce sujet : « Nous mettrons fin à nos activités régulières par une assemblée où toutes les participantes aux Cuisines collectives de Dégelis viendront grignoter des trempettes en regardant la vidéo du show de Clémence. Parce qu’on a décidé de terminer l’année par un éclat de rire communautaire. Cette journée-là, il n’y aura de place que pour le fun qu’on appelle le droit au plaisir. Un droit chèrement acquis après avoir connu le droit aux sacrifices ». Certaines se rappelleront aussi d’un jeu de drapeau à la Table de concertation des groupes de Femmes du Bas-Saint-Laurent. Comme elle lisait beaucoup, elle nous a fait découvrir plusieurs mots nouveaux. Elle parlait avec passion de l’histoire du féminisme et de plusieurs femmes qui avaient porté ou portaient cette cause. Elle les a fait connaître à ses collègues de travail et aux femmes qui fréquentaient les Cuisines collectives de Dégelis. Globalement, elle se démarquait par sa grande franchise et son langage assez direct. Elle avait une personnalité attachante, en amitié particulièrement, elle savait être charmante et fidèle. Disons qu’elle avait un caractère qui ne laissait personne indifférent... Elle restera dans nos mémoires longtemps... Raymonde Fournier, Centre des femmes du Témiscouata *** Toute une Dame !... J’ai connu Monic au Témiscouata il y a des centaines de lunes déjà. La grande ville était en arrière pour elle. Elle lui avait valu une grande expertise, le savoir des mots, des liens amicaux, une cause au cœur. Monic avait besoin de changer d’air. Le Témiscouata est devenu son territoire d’adoption, cette vallée profonde parsemée de lacs majestueux, ponctuée de montagnes rondes appalachiennes devenues les siennes. Depuis, Monic a contribué à l’avancée de ce coin de pays pour un développement global, incluant mentalités et infrastructures sociales, toujours les femmes en aval. Dans cette trajectoire, nos routes se sont croisées et recroisées, pour une synergie qui toujours s’enrichit. À maintes reprises, Monic a fait figure de première, de pionnière : N’en déplaise à Messieurs Laurence ou Grevisse – Monic a fait partie de l’équipe des grands-mères d’Antidote avec Raymonde, Micheline, Line, Maryse, Marie-Thérèse et Christiane. Ensemble, nous avons conçu la « clause grand-mère », un héritage toujours là pour garder le cap sur un féminisme de racine.
Salut Monic et mille mercis ! Nikole DuBois, Les formations Antidote Monde *** Confiance et respect Tout a débuté l’année 1991, Monic à fait les démarches avec le Centre des femmes pour ouvrir une cuisine à Dégelis. Un soir que j’étais à une réunion, Monic est venue parler de son projet, je me suis dit : "Quelle bonne idée !" Je ne savais pas ce qu’était un centre des femmes et ce qu’on pouvait faire là. Comme je vivais une situation assez difficile à ce moment-là, j’ai rencontré Monic et je me suis dit : "Voilà, j’aimerais travailler avec cette personne-là, elle me fait confiance." On s’est liées d’amitié et on avait beaucoup de respect l’une envers l’autre. J’ai repris confiance en moi, elle m’encourageait toujours positivement à avancer. Elle a tellement donné aux femmes, sa générosité et son écoute ont fait d’elle une personne très spéciale. Par exemple, les ateliers de conscientisation sur l’estime de soi, Antidote affirmation, ont été donnés aux Cuisines collectives par des personnes ressources du Centre des femmes. Elle voulait que les femmes sortent de leur isolement, surtout celles à faible revenu, pour qu’elles et leurs familles puissent manger tout au long du mois. Elle participait à des réunions et à des tables de concertation toujours à la recherche de projets pour les femmes et à chercher des subventions pour que les cuisines continuent. Elle a donné beaucoup de son temps, mais quand il nous arrivait des bonnes nouvelles, elle était récompensée pour ses efforts. Parfois, elle criait très fort, mais elle avait un coeur d’or. À sa retraite, elle a donné sa place à une autre femme qui allait dans la même direction qu’elle. Elle savait que les cuisines vivraient encore longtemps. Les dix années pendant lesquelles j’ai travaillé avec Monic ont passé très vite. Je garde d’elle un souvenir inoubliable. Je revois encore ses yeux rieurs. Je ne te dis pas adieu, mais au revoir, Monic Anne-Marie Leblanc, Cuisines collectives de Dégelis *** Habitée par le passé Monic, Te vois en rêve, dressée sur ton âne, haranguant les foules, prouvant noir sur blanc que tous les crétins de la terre devraient disparaître... Te vois, hurlant de rire, à une farce - franchement drôle - décrivant une improvisation entre Français et Québécois. Te sens si tant habitée par le passé. Te sens comme un roc qui s’effrite en galets déjà doux. Te sens si absente parfois que je compatis à ta dérive. Te sens si présente parfois que j’en ai le vertige. Ta présence dans ma vie est de l’ordre de l’ouragan, du vent d’est, du gros mouton sur la mer. Je t’aime ôbaleinerorqualepeucommune. Marie-Thérèse Forest, Table de concertation des groupes de femmes de la Gaspésie et des Îles. Mis en ligne sur Sisyphe, le 3 mai 2007. Les personnes qui voudraient ajouter leur témoignage pourront le faire en cliquant sur "commenter l’article" ci-dessous. |