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vendredi 8 juin 2007

Malalai Joya expulsée du parlement afghan
Commentaire

par Gina Whitfield






Écrits d'Élaine Audet



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Malalai Joya, celle qui, parmi les 68 femmes actuellement élues au Parlement afghan, manifeste le plus son franc parler a été suspendue de ses fonctions de députée. Infatigable critique des chefs de tribus et des quelques criminels de guerre au sein du gouvernement Karzai, elle en a été expulsée à la suite à une interview télévisée où elle comparait le parlement à un zoo.

L’expulsion de cette femme au franc parler illustre le caractère superficiel des revendications faites au nom de l’évolution des femmes, depuis l’occupation, et confirmées par les rapports des droits de l’homme sur la persistance de l’inégalité des femmes.

Manifestation de soutien à la députée Malalai Joya (au premier plan) à Khaboul en 2006. Photo : Carol Mann.

On peut pardonner à Monsieur-tout-le-monde au Canada qui n’aurait pas encore entendu parler de Malalai Joya. Après tout, les faits les plus importants rapportés récemment par les médias portaient sur la venue de la coupe Stanley en Afghanistan (avec les grosses têtes de l’ex-NHL, Bob Probert et Dave "Tiger" Williams), sur quelques célébrités venues là pour amuser les soldats et sur les magasins Tim Horton qui ont ouvert pignon sur rue à Kandahar.

Hormis ces informations "approfondies", les Canadien-nes pourraient croire que la femme la plus courageuse d’Afghanistan est comparable à l’une des employées les moins payées de Tim Horton qui distribuerait le café Moka aux soldats... En fait, c’est l’expression qu’emploie Sundancepour promouvoir un documentaire primé, à propos de la carrière courageuse de la plus grande activiste afghane pour les droits des femmes.

Malalai Joya avait un peu plus de 20 ans quand elle a commencé à faire les manchettes en dénonçant la présence de chefs de tribu et des fondamentalistes au sein du Loya Jirga avant les élections de 2005. La jeune féministe, avec les appuis de la population rurale qu’elle avait recueillis, fut élue au Parlement. Elle y continua son combat contre la présence au sein du Parlement de violeurs des droits de la personne, tels que d’anciens commandants et combattants modjaheddins.

En réaction, on lui lança des bouteilles d’eau, on la conspua, on la traita de prostituée en la menaçant de viol et de mort, au sein même du Parlement ! Forcée d’être accompagnée de gardes armés lors de ses déplacements, elle survécut à plusieurs attentats.

Des "libérateurs" notoires des femmes, comme Stephen Harper et George et Laura Bush ont justifié la guerre en Afghanistan par la nécessité de libérer les femmes de l’oppression masculine. Aussi, est-ce scandaleux qu’une femme telle que Joya ait à vivre en danger constant et qu’un parlement démocratique l’ait évincée. (Il faut noter que, à la différence de la constitution canadienne ou américaine, la constitution afghane garantit aux femmes un minimum de 25% de représentation au Parlement).

Mais, naturellement, les architectes de la guerre contre la terreur pensent que le message transmis par Joya s’éloigne vraiment trop des sentiers battus. En avril 2007, par exemple, elle s’est rendue à Los Angeles pour y raconter une histoire rarement entendue jusque-là, en Amérique du Nord :

    Le gouvernement américain a débarrassé l’Afghanistan du régime violent et ultra-réactionnaire des talibans mais plutôt que de se fier au peuple afghan, il nous a fait sauter de la marmite aux flammes et a choisi ses alliés parmi les criminels les plus retors et infâmes de l’Alliance du Nord. Une Alliance où grouillent les ennemis jurés de la démocratie et des droits de l’homme et dont les idées sont aussi noires, diaboliques et cruelles que celles des talibans.

    Pendant que les médias de l’Occident parlent de démocratie et de la libération de l’Afghanistan, l’Amérique et ses alliés criminalisent notre pays blessé, en font une terre où sévissent les guerres tribales et où le pouvoir appartient aux propriétaires de champs de pavots.

On peut comprendre la raison pour laquelle la bureaucratie du gouvernement Karzai et ses supporters de l’OTAN n’ont pas pu contrôler Joya. Mais, l’expulsion de cette féministe au franc parler illustre le caractère superficiel des revendications faites au nom de l’évolution des femmes après l’occupation, revendications confirmées dans les rapports des droits de la personne sur la perpétuelle inégalité des femmes.

Même sans ce dernier outrage fait à Malalai Joya, l’idée d’une politique étrangère féministe du gouvernement Harper est absurde. Après tout, le gouvernement conservateur n’a-t-il pas coupé les fonds destinés aux groupes qui réclament l’égalité, supprimé le programme national des garderies et réduit le rôle de Condition féminine Canada ? Et, au cas où nous ne nous en souviendrions pas, le ministre des Affaires étrangères a lui-même, impunément, fait référence à une de ses collègues au Parlement en la traitant de "chienne" et ce, au sein même de la Chambre des Communes.

C’est parce qu’elle avait dit la vérité qu’on a chassé Malalai Joya du parlement afghan et il est improbable que le gouvernement Harper proteste contre cette attaque flagrante à l’égalité et à la participation des femmes. Il est plus probable que les manipulateurs d’information à Ottawa vont continuer à organiser des séances de photos sans importance avec d’autres joueurs de hockey retraités et à remettre le sort des femmes afghanes entre les mains des imbéciles d’un gouvernement auquel l’OTAN accorde son support.

Source : Rabble, 24 mai, 2007.

Traduction : Sylvie Miller

Mis en ligne sur Sisyphe, le 28 mai 2007.

Autre article important : « Malalai Joya et le courage de la vérité », par Carol Mann, chercheuse en sociologie



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Gina Whitfield

Gina Whitfield est détentrice d’une maîtrise en sociologie et en études sur l’équité de l’Université de Toronto (OISE). Militante féministe et photographe, elle collabore à la revue Seven Oaks Magazine.



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