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mardi 9 décembre 2014 Mon genre, ton genre, mais quel genre ?
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En France, tout le monde ou presque se jette à corps perdu dans la polémique sur le genre, mais personne, jamais, ne parle tout à fait de la même chose. Je le réalise une fois de plus ce matin en écoutant, sur France Inter, François Ozon présenter son dernier film dont le personnage principal est un travesti. Avec Augustin Trapenard, il parle donc de genre et de féminité. Ozon dit s’intéresser aux femmes car elles restent un mystère, aussi, parce qu’il ne fait pas un cinéma d’action et « qu’on attend des hommes, plus de l’action ». « On » c’est qui ? L’action aux hommes et la sensibilité aux femmes ? Ozon pense questionner le genre, oui mais de quelle façon, quand il nous ressert les clichés habituels d’hommes qui - et ce quelle que soit leur orientation sexuelle - pensent le genre d’un point de vue masculin. Dans « Jeune et jolie », déjà, il met en scène une très jeune femme qui se prostitue comme on irait le dimanche après-midi faire un tour en forêt, sans que jamais, elle ne nous dise pourquoi. Pourtant, la question de la prostitution des jeunes est un sujet de société particulièrement inquiétant, qui relève plutôt de la protection de l’enfance en danger et de la situation des femmes que d’une romance éthérée et non problématisée. Mais revenons au genre. La manifpourtous dénonce une diabolique « théorie du genre », qu’elle instrumentalise dans le seul but de maintenir les privilèges de genre, c’est-à-dire la domination masculine sur les femmes. Ses partisanEs ont bien compris que le seul danger en réalité est l’égalité femmes-hommes ; elles et eux tiennent à maintenir des familles traditionnelles avec une répartition des rôles bien établie qui implique des femmes soumises. Pour la France réactionnaire, résister à la « théorie du genre », c’est se battre en réalité contre le féminisme et ses combats pour l’égalité et pour un autre projet de société. Les théories queers, les gays, les trans et plus généralement le mouvement LGBT parlent en somme bien moins d’égalité entre les femmes et les hommes que de confusion des genres. Théoriquement, c’est intéressant d’abolir les genres, d’explorer le champ des possibles et de tacler (s’attaquer à ) les frontières entre les sexes biologiques et les constructions sociales des genres féminin et masculin. Mais n’est-ce pas un peu comme vouloir devenir champion cycliste avant même d’avoir retiré les petites roues du tricycle ? Depuis le temps que les théories queers existent, ne faut-il pas se demander à qui elles servent en réalité quand personne dans ces mouvements ne travaille sérieusement sur la domination masculine ? Confrontées à la réalité sociale de nos sociétés hyper-genrées qui entretiennent volontairement les stéréotypes sexistes pour inférioriser et asservir les femmes, ces théories ne servent pas à grand-chose. D’ailleurs, les gays qui n’ont que le mot genre à la bouche le dissocient parfaitement des luttes féministes et rendent bien trop souvent mauvais service aux femmes, avec leurs représentations hypersexistes et hypersexualisées des femmes. Leurs icônes, égéries, marraines préférées sont toujours des femmes dignes des couvertures de Playboy. Une vraie femme, à leurs yeux, est souvent une femme-clichée, mode, sexe et glamour, affublée de talons hauts, maquillée et à moitié nue, sinon, c’est une lesbienne, et les lesbiennes, ils s’en moquent assez. En réalité, les gays n’ont pas commencé le moindre travail de déconstruction des stéréotypes sexistes. Ce qui les intéresse, c’est de ne pas être, eux, limités à leur sexe ni au genre, et de pouvoir s’approprier quand ils le souhaitent, et sous leur contrôle, les caractéristiques dites « féminines ». En revanche, savoir ce que les femmes – féministes – pensent de la « féminité » comme construction et contrainte sociales ne les intéresse pas le moins du monde. Respecter les différences entre les sexes, ne pas en déduire de supériorité ni d’infériorité, ne pas les hiérarchiser et donc déconstruire les genres sociaux et leurs assignations, rien de tout ceci n’a véritablement été exploré. Dans le domaine des Études de genre, sont volontiers niés : – Les effets de la domination masculine à l’œuvre dans les sphères universitaires, intellectuelles et médiatiques. Comment croire, dans ce cas, que les droits et libertés des femmes ne soient pas lésés ? Quels sont les liens entre les Études de genre et les représentations queers hypersexualisées des femmes, valorisant les rapports de domination/soumission, la prostitution et autres fantasmes masculins, à la plus grande satisfaction des très vaillantes et lucratives industries du sexe ? – Les combats féministes contre des discriminations et violences spécifiques, pour l’égalité et pour la promotion d’autres valeurs de vie en société. Si les féministes ont longtemps été solidaires des LGBT et le sont encore, le plus souvent, l’inverse n’est pas vrai, ces derniers/dernières ne s’investissent pas ou très peu pour les droits des femmes et n’hésitent même plus à les mettre en péril, en particulier dans les domaines qui relèvent de l’appropriation de leur corps (GPA/prostitution…). À l’extrême, des trans-activistes, dans les pays anglo-saxons mais également chez nous, s’autorisent à interdire violemment à des féministes de prendre la parole et même à organiser des conférences non mixtes. Alors parler de genre, du genre, quel genre, ton genre, mon genre ? Il est urgent de revenir aux fondamentaux et de définir des priorités utiles. En tant que féministe, parler du genre reste et restera, tant que la situation des femmes ne se sera pas améliorée, à peu près partout sur cette planète (éducation, salaires, santé, violences, violences conjugales, viols, féminicides, etc.), parler de l’abolition de la domination masculine, un point c’est tout. * Merci à l’auteure pour cet article publié d’abord sur son site Irréductiblement féministes, le 3 novembre 2014. Mis en ligne sur Sisyphe, le 22 novembre 2014 |
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