À la suite de la polémique qui ne cesse d’enfler en France sur la soi-disant « théorie » du genre, depuis quelques années, et de l’intervention récente du pape François, un rappel historique et sociologique me paraît important.
Tout d’abord, il n’existe aucune « théorie » du genre. Ce terme est une construction médiatique et politique à des fins purement électoralistes en cette période pré-présidentielles (et à d’autres moments également).
Le genre n’est pas une théorie, il est une réalité sociale. Le champ de recherche sur le genre est lié à l’histoire et aux études de genre. Il analyse comment les événements historiques ont un impact sur les femmes de manière différente des hommes et comment les différences sexuelles ont été perçues et mises en place dans différents lieux et à différentes époques, dans l’idée que ces différences sont socialement construites. La question du genre étudie aussi les hommes.
Que ce soit à partir de Le deuxième sexe de Simone de Beauvoir (1949) aux travaux historiques récents comme Histoire de la virilité d’Alain Corbin, Jean-Jacques Courtine, Georges Vigarello (2011), en passant par Joan W. Scott, Gender and the politics of history (1990), Judith Butler avec le mouvement Queer aux États-Unis (années quatre-vingt-dix), ou encore les travaux d’historiennes et sociologues comme Michelle Perrot, Michèle Riot-Sarcey, Colette Beaune, Françoise Thébaud etc., sans oublier l’anthropologue Margaret Mead, L’un est l’autre (1948), les études sur le genre ou >i>Women’s Studies dans les pays anglo-saxons, ne sont pas un effet de mode mais un travail de recherche transdisciplinaire de longue date.
En 1935, Margaret Mead distingue pour la première fois le rôle social et l’appartenance sexuelle avec la notion de rôle sexué à partir de ses travaux de recherches sur des sociétés anciennes en Océanie, où elle constate une organisation sociale avec les femmes qui travaillent à l’extérieur et les hommes qui restent à la maison pour s’occuper des enfants.
Dans les années cinquante aux États-Unis, le genre est perçu comme une construction sociale et non pas d’origine biologique comme le sexe. C’est le genre qui assigne un sens aux différences sexuelles.
Le genre induit un rôle social suivant le sexe auquel on appartient, qu’on soit un homme ou une femme.
Ainsi, la confusion faite entre genre et sexe me paraît très préjudiciable. Les études sur le genre n’ont jamais prôné de changer le sexe des petits garçons ou des petites filles ?!... comme le prétendent les mouvements intégristes religieux, à des fins idéologiques. Non, les travaux sur le genre et la différence sexuelle ne demandent à personne de devenir homosexuel.le, transgenre ou transsexuel.le… mais ils font le constat d’une diversité dans l’appropriation sociale et genrée que peut faire un individu de son sexe, masculin ou féminin.
Les études sur le genre entrent aussi dans une perspective d’égalité hommes/femmes et c’est sans doute la pierre d’achoppement pour les opposant-es à une soi-disant « théorie » du genre ou plus clairement aux études de genre, et qui défendent autant qu’ils le peuvent les rôles sociaux traditionnels masculin/féminin (cf. les récentes manifestations en France contre « Le mariage pour tous »).
Je déplore le manque de mise en perspective et de sérieux scientifique dans les interventions très médiatisées des uns et des autres qui, visiblement méconnaissent le sujet ou bien s’arrangent pour le détourner idéologiquement. Or, le genre n’est pas une idéologie mais une réalité construite socialement.
Aussi, je suggère à tous ceux et celles qui pensent « mauvais genre » de s’interroger sur leur « mauvaise foi » …
Élisabeth Campagna-Paluch, Docteure en Études Féminines, spécialité Sociologie, Université Paris VIII-Saint-Denis