Chaque jour je te dis adieu
et bonjour d’un même souffle
chaque matin lorsque le bateau
quitte le port je me jette à l’eau
Plus je m’approche de l’infime
de l’infini point de bascule
plus le possible s’échappe
sous mes pas trop impatients
Les mots à double tranchant
entre doute et espérance
percent le désir dans le vif
la tache aveugle du rêve
Intemporelle j’aurais tant voulu
entraver la dévastation
le viol du voleur de vie
vider le puits mortel du souvenir
Sous ta dictée délire au feu nourri
inconscient vif des poètes du cri
je voulais saisir rires et larmes
mots solitaires à l’abri des marges
L’amour de toi m’a pour ainsi dire
coulée dans la poésie
déportée à la crête du mouvement
lame de fond définitive
Tu as fait irruption en moi
m’as tout donné en un éclair
laissée cratère à ciel ouvert
vide avec la plénitude à vivre
Certains matins le silence
porte une douceur à fleur de peau
les mots lus avant de dormir
y poussent racine espace musique
Je me tiens au plus près du bord
dans le silence sa calligraphie
et ses avalanches de plomb
entre l’aile et l’arc mains tendues
Je persiste à voir des signes
à inventer une langue au mutisme
de ce qui n’a plus de mots
au cristal du cri enfoui sous le froid
Parfois une perte peut dévaster
ou le large emporter plus loin
dans la démesure de la parole
l’espace pleine mer de ton être
S’il n’y avait tes mots
je croirais avoir rêvé
tes mots de feu dans le déluge
diluvien incendie du dedans
Que sait-on de l’instant précis
où la vie se joue – rien
sinon la brûlure vive de l’éclair
tout désormais à faire
De toutes les conjugaisons
la plus exigeante resterait toujours
d’accorder patience et passion
l’hibernation au cœur du printemps
Mis en ligne sur Sisyphe, le 6 janvier 2017