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samedi 8 avril 2017 Identité de genre autodéclarée, droits et sécurité des femmes
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Vendredi le 31 mars 2017, à l’émission Medium Large, Christian Vanasse a livré un billet à l’emporte-pièce au sujet de ce qu’il a appelé "la guerre des toilettes", un litige croissant aux États-Unis concernant l’accès aux toilettes et aux vestiaires des femmes, que revendiquent des hommes qui disent "s’identifier" au féminin. Invité au "Lavage de la semaine" de cette émission de Radio-Canada, l’animateur-humoriste a caricaturé comme "des super-conservateurs" les critiques de cette demande d’accès masculin. Si le format de l’émission impose un traitement expéditif des enjeux abordés, on peut tout de même espérer un portrait qui n’induise pas les gens en erreur. Contrairement à ce qu’a répété Vanasse dans son coup de gueule, il n’y a pas que des "ultraconservateurs" qui résistent à la revendication de réduire à une "identité de genre" autodéclarée certaines mesures de protection des femmes et de compensation de désavantages systémiques réels. Au moment où des projets de loi comme C-16 "déboulent" à toute vitesse dans le paysage juridique canadien, il me semble nécessaire que Radio-Canada fasse entendre, entre autres, les féministes qui signalent les risques pour les femmes de perdre des acquis récents si n’importe qui peut se dire telle et s’imposer en toute légalité dans certains champs. C’est déjà le cas, par exemple, pour les maisons d’hébergement destinées aux femmes sans-abri ou victimes de violence conjugale, les compétitions d’athlétisme différenciées selon le sexe, les programmes pour compenser une sous-représentation des femmes, comme ceux qu’instaurent certains partis ou établissements d’enseignement, les prisons pour femmes où se présentent déjà des violeurs et assassins d’épouses, etc. Vanasse ne nous l’a pas dit, mais l’affrontement actuel - résolu cette semaine en Caroline du Nord - porte en fait sur le célèbre "Title IX", un statut fédéral étasunien qui établit en loi le financement de telles mesures de redressement du sexisme. Et les conservateurs sont plutôt ceux qui tiennent à mettre fin à ces mesures pro-femmes. Ils exigent notamment que l’autorité en cette matière soit dévolue à l’échelon étatique, comme ils viennent de le faire pour saccager le financement de l’organisme Planned Parenthood, une ressource d’information favorisant les droits procréatifs des femmes. Cette contradiction entre un faux universalisme tout-inclusif et des mesures nécessaires de protection des femmes et de leurs droits est un enjeu qu’ont déjà exploré les tribunaux canadiens lors de poursuites intentées pour "discrimination" dans le cas de ressources réservées (Kimberly Nixon c. Vancouver Rape Relief & Women’s Society). La Cour suprême du Canada a alors reconnu le droit à la sécurité des femmes comme facteur justifiant le maintien d’un accès sexospécifique. Il est facile de faire des gorges chaudes, voire de s’indigner, du non-accès d’hommes se disant transgenres à des toilettes et vestiaires de femmes. Mais si l’autodéclaration est le critère suffisant aux yeux de la loi (comme le propose le projet de loi canadien C-16), comment des femmes peuvent-elles savoir qu’un inconnu entrant dans leurs locaux " s’identifie comme femme" ? N’importe quel agresseur pourrait le prétendre. N’est-il pas normal que des femmes tiennent à des espaces réservés, à une privauté, surtout dans une culture du viol que l’on commence à peine à dénoncer ? D’ailleurs, si c’est vraiment la peur d’être agressés par d’autres hommes qui pousse les hommes se disant transgenres vers les locaux de femmes, n’est-ce pas plutôt face à ces agresseurs présumés qu’il faut intervenir, et les toilettes pour hommes qu’il faut rendre sécuritaires ? Si on ne le fait pas, c’est qu’elles le sont déjà : il n’existe pas de cas documentés d’hommes se disant transgenres agressés dans ces locaux. Par contre, c’est malheureusement un fait que les vestiaires et salles de toilette de femmes ont toujours été et demeurent des lieux de chasse pour les agresseurs sexuels. L’offre même de toilettes autorisées aux femmes dans des lieux publics a dû être conquise de haute lutte en Occident à la fin du XIXe siècle, et il existe une foule de pays où les femmes doivent encore se retenir d’utiliser des latrines communes à cause des violeurs qui y rôdent systématiquement. Je ne m’attends pas à ce que M. Vanasse se soit documenté à ce sujet, mais je trouve désolant de le voir passer sous silence ou assimiler à un ultraconservatisme les voix des personnes les plus menacées dans ce dossier, sans même mentionner la solution qui semble évidente : la création d’une troisième catégorie de locaux, neutre, qui éviterait d’imposer aux femmes la présence d’hommes dans des lieux où elles sont particulièrement vulnérables. Aux États-Unis et au Royaume-Uni, le financement des équipes sportives et des établissements d’enseignement pour femmes est déjà à la merci de poursuites intentées au nom du concept fumeux de l’identité de genre, soit le "sentiment" d’être de l’autre sexe. Il me semble important qu’une tribune aussi écoutée que Medium Large ne lance pas ses auditrices et auditeurs sur une fausse piste en éclipsant cet angle du dossier. On trouvera un traitement plus détaillé de ces enjeux dans un texte de la blogueuse Meghan Murphy : "Le projet de loi C-16 – Le débat sur l’identité de genre ignore la perspective féministe". Vanasse a terminé sa prestation en applaudissant au slogan apposé par le lobby de l’identité de genre sous le logo H/F des toilettes pour femmes rendues accessibles aux hommes qui le souhaitent : "We don’t care". Some do, monsieur, some do…, et leurs voix doivent aussi être entendues si l’on veut empêcher la liquidation de certains droits. – À lire : 1. "La violence masculine est le problème et les ’transfemmes’ s’y livrent aussi", sur Sisyphe. Mis en ligne sur Sisyphe, le 4 avril 2017 |
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