|
samedi 28 octobre 2017 Une culture d’agression
|
DANS LA MEME RUBRIQUE Nos gouvernements doivent reconnaître les féminicides À propos de l’impunité des artistes criminels, réflexions autour du cas de Roman Polanski en France Quand les « besoins » sexuels des hommes, même très dangereux, sont plus importants que la dignité et la sécurité des femmes. La Coalition féministe contre la violence envers les femmes (CFVF) rencontre l’ONU Des hommes appuient #Etmaintenant "Vous venez d’insulter une femme, votre bite va se désintégrer dans les trois jours" #EtMaintenant, un geste de solidarité avec toutes les femmes harcelées ou agressées Violences contre les femmes - Refuser la connivence et la léthargie masculines #NOUSTOUTES - Fait-on confiance aux femmes ? Colloque "Patriarcat : prostitution, pédocriminalité et intégrismes" La culture du viol est dévastatrice pour notre société et l’avenir de nos enfants "Le sous-financement des maisons d’hébergement pour femmes : facteur aggravant de la marginalisation des femmes immigrantes au Québec", une étude de l’IRIS La prostitution et la culture du viol sont indissociables Le courage des femmes brisées À Justin Trudeau - Pourriez-vous "bousculer les tabous" au Canada aussi ? La solidarité avec les victimes d’agressions sexuelles est incompatible avec l’ambiguïté Agressions sexuelles - Le consentement pour les Nuls Violence sexuelle dans les universités : une culture à changer URGENCE ! Les femmes et les filles victimes de violences sexuelles attendent toujours Ghomeshi - Pourquoi retournent-elles auprès des agresseurs ? Lettre à Jean - Nous, #OnVousCroit Des musiciens super ne sont pas nécessairement des gens super Agressions sexuelles - Invitation aux ministres qui souhaitent que les femmes dénoncent Pour mes petites soeurs de Val-d’Or Nous joignons notre voix à celle des femmes autochtones réclamant justice Peut-on battre une femme en réunion impunément dans la République française ? Colloque "Les émotions au coeur de nos interventions" En première à Montréal : "Aftermath" d’Andrea Dworkin Les agressions sexuelles... brisent des vies Ni silence ni pardon : l’inceste, un viol institué - Interview de Melusine Vertelune Nouvelle loi sur le viol en Californie : silence n’est pas consentement Viol - La campagne "Stop au déni" Le manifeste des mères survivantes Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes : Message de Phumzile Mlambo-Ngcuka, Directrice exécutive d’ONU Femmes Culture du viol dans la danse - Le Sacre du printemps "Les crimes d’honneur : de l’indignation à l’action" - Pour la sécurité des femmes avant tout L’affaire Guy Turcotte, un cas qui n’est pas unique Les violences sexuelles sont un problème de société et de santé publique Viol - Dans un party près de chez vous Le viol de Steubenville - C’est de la masculinité qu’il s’agit "One Billion Rising" - Danser contre la violence (masculine) ou riposter ? Le mouvement masculiniste - dit "des droits des hommes" - ment à propos des femmes Viol en Inde - La prostitution, gage de non-violence envers les femmes ? Le viol a une fonction France : Un mois, quatre familicides « Et les hommes, eux ? » Propos sur la masculinité et les tueries de masse Drame de Newtown - Pourquoi refusons-nous de parler de la violence et de la masculinité en Amérique ? Les meurtres de Newtown - Dire l’indicible De la misogynie au meurtre : une perspective féministe sur la fusillade du Connecticut Nous n’avons plus les moyens du patriarcat et de sa violence Violence - L’AFEAS lance sa campagne Opération Tendre la main (OTM) La nuit et le danger (1979) La rue la nuit, femmes sans peur Le Southern Poverty Law Center désigne les masculinistes comme organisations haineuses Un sauf-conduit pour violer Affaire Shafia - Pour que la mort de Rona, Zainab, Sahar et Geeti ne soit pas vaine Affaire Shafia - La conspiration du silence Un guide pour soutenir l’aide professionnelle aux victimes de harcèlement sexuel au travail Daniel Welzer-Lang et le masculinisme à Nancy La violence contre les femmes : une pandémie mondiale Mon action féministe : resituer le sexe dans le harcèlement sexuel et le viol Journée internationale pour l’élimination de la violence contre les femmes et Polytechnique 1989 Violence conjugale - « Comment aider Marie ? » Take Back our Walk - Ne laissons pas les industriels saloper notre lutte "Slutwalk" - Au sujet des défilés de féministes-en-sous-vêtements L’ "homme debout" (Nelly Arcan) - Inceste, honte et mépris Pourquoi nous n’avons pas participé à la "Slutwalk" (marche des salopes) strasbourgeoise du 1er octobre 2011 Lettre ouverte des Black Women’s Blueprint aux organisatrices de la "slutwalk" (marche des "salopes") Victime d’un pédophile - Je ne peux pas vivre avec ce que mon bourreau m’a fait Verdict odieux pour viol et prostitution d’une adolescente de 14 ans à Carpentras Verdict au procès de Guy Turcotte - Le risque réel de la normalisation de la violence au Québec Attentats en Norvège - Le massacre des Innocents Une femme inconsciente ne peut consentir à des relations sexuelles En France, être maire, sénateur, membre d’un parti politique et condamné pour agressions sexuelles, c’est possible ! Cour suprême du Canada - Il n’y a pas consentement à une relation sexuelle lorsqu’une femme est inconsciente "On est des salopes, pas des féministes !" Où ma relation avec la “Slutwalk” passe un mauvais quart d’heure La "marche des salopes" ("slutwalk") n’est pas la libération sexuelle Violence conjugale - Quand la prison devient une solution de rechange Lorsque la prison devient une solution de rechange M. P. acquitté des viols commis contre Anne, son employée Le contrat sexuel - Contrat… ou trahison ? Culpabilisation des victimes d’agression sexuelle et de violence conjugale L’AVFT lance un appel à soutien pour une femme violée par son employeur Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes La rue, la nuit, femmes sans peur ! Le 24 septembre 2010, faites du bruit ! Affaire Polanski - C’est bon, on a compris. Il n’y a rien de mal à abuser d’une fillette, pourvu qu’on soit un réalisateur célèbre La mort tragique d’Aqsa Parvez - La face meurtrière de l’extrémisme islamique L’AFEAS s’oppose à l’affaiblissement de la Loi sur le Registre des armes à feu Le pape Benoît XVI a imposé le silence sur les crimes sexuels de prêtres et d’évêques La Loi de la Nation, la première violence contre les femmes FNAC - Violence machiste sous le sapin Victime d’inceste et de la théorie du syndrome des faux souvenirs Il y a 48 000 viols de femmes par an en France ! Les femmes victimes des conflits armés Loubna Al Hussein, condamnée au Soudan pour port de pantalon Affaire Polanski - Ne laissons pas banaliser le viol d’enfants L’affaire du violeur Polanski - Refuser d’oublier Femmes en danger Le "dépit amoureux" selon Frédéric Mitterrand Nous soutenons Ségolène Royal, présidente de la région Poitou-Charentes Tueries de masse au masculin, victimes au féminin Au machisme bien-pensant, les Chiennes de garde montrent les dents ! Moi j’s’cap ! Réponse de la rappeuse au rappeur (Orelsan) La photo de Cathy Gauthier - Voir la femme qui souffre Les proches invité-es à dénoncer les cas de violence conjugale Si ça tue, c’est surtout pas de l’amour De nombreuses ressources pour les hommes au Québec et au Canada Pourquoi des organisations nient-elles la responsabilité de l’islam dans les violences faites aux femmes ? Taux de pauvreté et femmes autochtones assassinées - L’ONU demande au Canada de soumettre un rapport France - La violence conjugale tue : 166 femmes au moins en 2007 Témoignage - Moi, la femme de personne La violence faite aux femmes... C’EST ASSEZ ! Une minute de silence de trop ! Plutôt crier que faire silence ! Les femmes, la paix et la sécurité Des violeurs dans les rangs de l’armée Violence - Rassemblement suivi d’une marche de nuit non mixte à Paris Réplique du Dr Michel Dubec aux critiques de son livre Le Plaisir de tuer Une critique des pages sur le viol du livre "Le Plaisir de tuer" Agressions sexuelles - L’importance d’apprendre aux filles à se défendre Le Dr Michel Dubec impose la censure d’une critique de son livre "Le Plaisir de tuer" Crimes d’honneur : une affaire de famille Lettre de protestation contre les propos et l’attitude d’un chanteur Déclaration de la Marche Mondiale des Femmes pour la Journée internationale contre les violences faites aux femmes Tuerie de Virginia Tech - La célébrité au bout du fusil Hommes, porno et prostitution - Dossier Il faut criminaliser la propagande haineuse contre les femmes Le refus de réglementer les jeux vidéos et ses conséquences Jeux vidéo - Qui va faire feu le premier ? Étude de l’Institut de la statistique du Québec sur la violence conjugale : le directeur répond aux critiques La proposition de « loi-cadre contre les violences faites aux femmes » du CNDF (Collectif national pour les droits des femmes) est inacceptable La violence serait-elle devenue un jeu de société ? La violence domestique comme torture - Une guerre de basse intensité contre les femmes ? (1er de 3 articles) La violence serait-elle devenue un jeu de société ? Tuerie de Virginia Tech - La célébrité au bout du fusil Crime et pacifisme Le groupe Amnistie Internationale UQAM souligne la semaine internationale des femmes Le Regroupement des CALACS refuse la décision du Barreau dans le dossier de Me Bureau LE VIOL ou La vengeance au bout du phallus !... Injustice pour une femme violée Maya et le viol sacré Agressée sexuellement, trouve-t-on de l’aide ? Quand le droit des femmes de dire NON sera-t-il inviolable ? Pourquoi tous contre une ? Viol collectif ou profilage racial ? "Écorchées", un roman déchirant sur les femmes en prison Les effets psychodynamiques de la violence (2e de 3 articles) Grandir dans la proximité de la violence : des adolescent-es racontent la violence familiale Logiques sociales de la violence domestique et de la torture (dernier de 3 articles) Si Amnesty international savait parler aux hommes Propos méprisants et haineux envers des femmes au bar "Chez son père", à Québec La Fondation Scelles s’inscrit désormais dans une dimension européenne Refuges pour femmes violentées 2003-2004 Anniversaire de Columbine : quelles leçons en a-t-on tirées ? L’AVFT en campagne contre la loi sur le délit de dénonciation calomnieuse Viol-Secours : un quart de siècle au service des femmes Violences conjugales : le chiffres en Europe Pourquoi on a défiguré le mot "victime" Affaire Cloutier : les préjugés qui restent Essai d’explication de la violence masculine à l’égard des femmes Sida, la dernière violence faite aux femmes Contre la violence, Opération Tendre la main Violence sexuelle et conjugalité La Journée internationale d’action contre la violence faite aux femmes Vagins bulldozés Violences - Les femmes pour cibles Violences mâles Les politiques du ministère de l’Education nationale en France concernant les violences sexuelles et sexistes - 1995-2003 Les mots du viol Un tribunal reconnaît aux femmes le droit à s’organiser entre elles Il n’est pas suffisant pour nous, en tant qu’hommes, de ne pas être violents Non à toutes les violences contre les femmes - ONU et AI Le machisme tue tous les jours L’homicide conjugal au féminin, le droit au masculin Une fillette de 12 ans jugée responsable de son viol les meurtriers Viol d’enfant : des tribunaux sous influence Lettre ouverte aux député-es de l’Assemblée nationale du Québec Conjoints agresseurs et stratégie masculiniste de victimisation Face aux conjoints agresseurs… La danse avec l’ours Limites et risques de l’intervention psychologisante auprès des batteurs de femmes Conjoints agresseurs et victimisation- témoignages |
Introduction du livre de Richard Poulin, sociologue, paru récemment chez M éditeur.
Pourquoi des hommes agressent-ils sexuellement des femmes, des enfants ou d’autres hommes ? Pourquoi des hommes payent-ils pour des relations sexuelles ? Pourquoi consomment-ils de la pornographie ? Pourquoi battent-ils leur compagne ? Pourquoi tuent-ils leur conjointe et leurs enfants, ou exclusivement leurs enfants ? Pourquoi prennent-ils les armes pour massacrer leurs collègues d’étude, de travail ou des gens à l’église, à la mosquée, à la synagogue, ou encore tirent-ils de façon aléatoire sur des cibles qui leur sont inconnues ? Pourquoi sont-ils des meurtriers en série à caractère sexuel ? Les histoires de crimes dits conjugaux, qui sont en fait des crimes très majoritairement masculins, ponctuent l’actualité de façon récurrente. Les comptes rendus dans les médias sur les cas de harcèlement sexuel comme ceux faisant état d’agressions sexuelles en font tout autant. On s’émeut lorsqu’il est question de crimes haineux, mais les viols et les meurtres de femmes ne sont pas vus comme des crimes de haine, et la pornographie échappe à la caractérisation de propagande haineuse à l’égard des femmes. Non, la pornographie relèverait tout simplement de la liberté d’expression (en fait, au mieux, elle serait du ressort de la liberté de commerce. Pourtant, la propagande haineuse est criminalisée par de nombreux États, ce qui s’avère une entorse à la liberté d’expression. Et la prostitution de millions de femmes n’émeut guère les gens qui défendent la pornographie en tant que liberté. Pour beaucoup, la prostitution serait une activité comme une autre, un simple travail, relèverait d’un choix individuel rationnel, et rien ne devrait interdire le droit des hommes à user des femmes soumises à leur service sexuel. Toute une industrie mondiale a été développée au profit des prostitueurs, ce qui a engendré le développement de la traite des femmes et des enfants à des fins de prostitution et le tourisme dit sexuel. La prostitution est devenue banale dans de nombreux pays. Elle est légale dans les bordels, les vitrines ou les zones de tolérance de certains pays comme l’Allemagne, les Pays-Bas, la Suisse et ailleurs, largement tolérée par d’autres pays qui engrangent des devises étrangères sur le sexe des femmes, comme la Thaïlande, la Corée du Sud et ailleurs. Certes, tous les hommes ne deviennent pas des prostitueurs. Or, lorsque la prostitution est une industrie comme une autre, alors le nombre d’hommes qui payent pour l’accès sexuel au corps d’une femme ou d’un enfant augmente de façon importante. Si, au Canada, environ 11% des hommes ont eu des relations sexuelles tarifées et, en France, environ 12,5%, aux Pays-Bas, c’est désormais 60% des hommes, en Allemagne, c’est 66%, et au Cambodge, haut lieu de tourisme pédocriminel, c’est 65%. Déjà en 1995, 75% des% Thaïlandais avaient payé pour du sexe. En Suède, en 1998, soit avant l’adoption d’une loi pénalisant les prostitueurs et criminalisant les proxénètes, environ 13% des hommes étaient des prostitueurs occasionnels ou réguliers, en 2013, ils n’étaient plus que 8,5%. Pénaliser les prostitueurs n’affecte qu’une minorité d’hommes (sauf dans les pays qui ont depuis des dizaines d’années normalisé l’industrie de la prostitution), tandis que légaliser et légitimer cette industrie affecte la société dans sa totalité. Dans ces sociétés, il apparaît normal que les femmes soient au service sexuel des hommes, que leur destin en soit un de soumission aux besoins et au plaisir du « premier » sexe. Beaucoup d’hommes dissocient le sexe de l’affectivité. C’est évidemment le cas des prostitueurs. C’est ce que de nombreux hommes apprennent dans la pornographie. C’est ce que certains pratiquent violemment en agressant sexuellement leur partenaire ou une inconnue. Cette dissociation est l’un des traits de la masculinité dans une société patriarcale. En février 2012, Dominique Strauss-Kahn, l’ancien directeur du Fonds monétaire international (FMI), est interrogé par la police française dans le cadre d’une investigation sur un réseau de prostitution dans l’affaire dite du Carleton de Lille. Il est mis en examen pour « proxénétisme aggravé en bande organisée ». L’ancien patron du FMI était accusé d’être la tête pensante d’un petit réseau de prostitution dédié à ses besoins. Il est finalement relaxé. N’était-il pas, selon ses avocats, qu’un client « de la prostitution dans une fête ‘gauloise’ » avec « une bande de potes qui ont fait la fête » et qui se sont adonnés à « une balade un peu virile et canaille » ? Quoi de mal à cela ? En 2011, Nafissatou Diallo, une femme de chambre travaillant à l’hôtel Sofitel de New York, porte plainte pour agression sexuelle, tentative de viol et séquestration contre Dominique Strauss-Kahn, alors directeur du FMI. La plainte n’est pas retenue au criminel, la victime manquant de crédibilité aux yeux du procureur de la poursuite. En 2015, Marcel Aubut se voit obligé de démissionner de son poste de président du Comité olympique canadien à la suite d’allégations de harcèlement sexuel portées par des employées dudit comité. En 2114, neuf femmes ont accusé Jian Ghomeshi, un animateur vedette de CBC/Radio-Canada, de violence et d’agression sexuelle. Il a finalement été acquitté. En 1997, le tueur en série Robert Pickton est arrêté pour tentative de meurtre, puis rapidement relâché, car sa victime n’était qu’une jeune femme prostituée toxicomane, donc une personne non crédible aux yeux des forces de l’ordre et de la justice. Par la suite, des dizaines de femmes ont payé de leur vie cette indifférence. En 2014, deux députés du Parti libéral du Canada, Massimo Pacetti et Scott Andrews, sont suspendus à cause d’allégations de harcèlement sexuel. En 2016, c’est au tour de Gerry Sklavounos, député du Parti libéral du Québec, d’être la cible d’allégations d’agression sexuelle. Bertrand Charest, l’ancien entraîneur de l’équipe féminine nationale junior de ski alpin, a été accusé d’avoir agressé sexuellement 12 athlètes d’âge mineur ; sa fédération sportive aurait détourné les yeux et peut-être même étouffé l’affaire. Il a été reconnu coupable de 37 des 57 chefs d’accusation. Les exemples pourraient être multipliés. Des hommes en situation de pouvoir abusent de leur pouvoir. Ces hommes ont l’habitude de se faire obéir et de profiter d’autrui. Ils ne sont pas les seuls à le faire, tant s’en faut, car beaucoup d’hommes harcèlent et agressent sexuellement les femmes, mais leur impunité est grande, même si le mouvement des femmes a commencé à la fissurer. Soulignons qu’au Québec, une femme sur trois a été victime d’au moins une agression sexuelle depuis l’âge de 16 ans. En conséquence, le nombre d’agresseurs sexuels est très important, trop important pour que leurs gestes soient considérés comme des cas isolés résultant d’actes posés par des individus méprisables, sans empathie pour autrui, et profiteurs. Car cela relève d’un système, d’une culture d’agression. En riposte aux nombreux actes de harcèlement et d’agression non dénoncés – ce qu’a mis en lumière l’affaire Gomeshi – voit le jour le mouvement #AgressionNonDenoncee, lancé par la Fédération des femmes du Québec sur Twitter. C’est le pendant francophone de #BeenRapedNeverReported. Selon l’Enquête sociale générale sur la victimisation de 2014, on estime que le taux de dénonciation des agressions sexuelles est seulement de 5%. On assiste aussi à une mobilisation dans les universités d’étudiantes dénonçant la « culture du viol » au sein des doctes institutions. Il s’ensuit un certain nombre de manifestations et une sensibilisation de la population. Grâce à ces actions et à la suite de scandales à répétition, les choses ont commencé à bouger. Le silence complice des autorités a été ébranlé. En effet, les criminels sexuels bénéficient d’une relative impunité. En 2014, selon Statistique Canada, sur 633 000 agressions sexuelles déclarées par sondage, il n’y a eu que 12 663 agressions déclarées par la police, malgré 20 735 plaintes. Il y a eu 9 088 inculpations, 3 752 poursuites et seulement 1 814 condamnations, ce qui est très peu eu égard aux agressions subies. Le scandale est tel que plusieurs gouvernements au Canada ont décidé qu’il fallait réévaluer l’ensemble des plaintes dites non fondées qui ont été laissées de côté par les forces de l’ordre. Ainsi, la Police provinciale de l’Ontario a annoncé que 4 000 rapports d’enquête reliés à des cas allégués d’agressions sexuelles seront révisés. Au Canada, 19 % des dossiers ouverts, entre 2010 et 2014, par les forces policières étaient jugés sans fondement. Au Nouveau-Brunswick, ce nombre atteint 32 %. Au Québec, 21 % des plaintes pour agressions sexuelles portées à l’attention de la Sûreté du Québec, de 2009 à 2014, ont été rejetées. Pourquoi l’immense majorité des viols ne se terminent-ils jamais par une sanction ? Le viol serait-il un crime presque ordinaire ? Certes, tous les hommes ne violent pas. Toutefois, lorsque les agresseurs sexuels bénéficient d’une impunité, lorsque leurs victimes sont responsabilisées des crimes subis ou qu’elles sont décrédibilisées par un système inique, les vannes sont alors grandes ouvertes… Le harcèlement sexuel et le viol en tant que dispositif de subordination et d’intimidation d’un sexe au profit de l’autre sont un moyen utilisé consciemment ou non, en temps de guerre comme en temps de paix, par les hommes pour se sentir supérieurs, pour mettre à leur place les femmes, pour montrer qui règne et qui doit se soumettre. De 40 à 50% des femmes des pays de l’Union européenne auraient subi des avances sexuelles non désirées, des contacts physiques ou d’autres formes de harcèlement sexuel au travail. Aux États-Unis, 83% des filles âgées de 12 à 16 ans auraient subi une forme ou une autre de harcèlement sexuel dans les écoles publiques. Des estimations prudentes suggèrent que 20 000 à 50 000 femmes auraient été violées pendant la guerre de 1992-1995 en Bosnie-Herzégovine, alors qu’approximativement 250 000 à 500 000 femmes et filles ont subi le même sort lors du génocide rwandais de 1994. En Sierra Leone, de 50 000 à 64 000 femmes vivant dans des camps de personnes déplacées à l’intérieur de leur pays auraient été sexuellement agressées par les combattants entre 1991 et 2001. Dans l’est de la République démocratique du Congo, au moins 200 000 cas de violences sexuelles, la plupart commises contre des femmes et des filles, ont été enregistrés depuis 1996 : les chiffres réels sont certainement plus élevés encore. Violences dites domestiques ou conjugales, agressions sexuelles, meurtres, féminicide (comme celui de Ciudad Juárez par exemple), les femmes sont les principales cibles des violences masculines. Une étude menée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), à partir d’interviews de 24 000 personnes dans dix pays différents, montre une prévalence de violence « conjugale » masculine. Elle affecterait de 15 à 70 % des femmes interrogées selon le pays. Ce n’est donc pas sans raison que le mouvement autonome des femmes a mis beaucoup de ses énergies à combattre la violence masculine. On a assisté au cours des deux dernières décennies au retour en force de la femme-objet. Outre la marchandisation de la sexualité (ainsi que de la maternité), le diktat des apparences (beauté associée à l’obligation du toujours-jeune), la sexualité performative, les transformations corporelles (chirurgie plastique, entre autres), etc., posent des questions non seulement sur les rapports sociaux de sexe, mais également sur le rapport au corps. Sans compter les phénomènes d’hypersexualisation et de sexualisation précoce qui font des jeunes filles des objets sexuels à convoiter dans une société où, paradoxalement, la pédophilie reste l’un des derniers tabous. De ce point de vue, quel est le bilan de la « libéralisation » sexuelle ? N’assistons-nous pas à une contre-révolution sexuelle ? Pornographie, prostitution, traite à des fins d’exploitation sexuelle, tourisme de prostitution ont d’ailleurs connu une croissance sans précédent à l’échelle mondiale depuis la décennie 1990. Les jeunes femmes et les filles, qui constituent 98 % des cas de la traite à des fins d’exploitation sexuelle, sont les proies et les hommes prostitueurs et proxénètes. Tous les hommes ? D’une certaine façon oui, comme groupe dominant ; d’une autre non, certains s’identifiant à la lutte pour l’égalité des femmes remettent en cause des facettes de la masculinité. Cependant, tous, d’une façon ou d’une autre, ont des privilèges liés à la domination patriarcale et à la perpétuation de la division sexuelle du travail. Dans certains pays, les femmes sont juridiquement inférieures. Elles sont soumises, violées, achetées et vendues, répudiées, excisées, lapidées, tuées pour l’honneur… Victimes de la traite à des fins d’exploitation sexuelle – des millions de victimes par année – et de la traite à des fins de mariage forcé, notamment dans les pays comme l’Inde et la Chine où les pratiques patriarcales ont créé un déficit de femmes à marier. Bref, elles sont victimes d’une « économie vaginale » industrialisée et mondialisée. Le trafic des femmes à des fins d’exploitation domestique et de travail forcé, y compris au Canada – ce qui est bien documenté dans le cas des Philippines –, permet aux États d’origine ou « émetteurs » d’engranger des devises fortes servant à payer leur dette. La mondialisation capitaliste actuelle se caractérise par une féminisation des migrations (48 %), due en partie à la traite des femmes et au trafic des migrantes. L’effondrement des sociétés bureaucratiques de l’Est a généré une véritable paupérisation des femmes de ces pays qui, désormais, constituent un cheptel pour les industries mondialisées du sexe. L’idée de la domination masculine s’impose toujours dans nos sociétés et la sexualité n’échappe pas à cette règle. Les violences, qu’elles soient sexuelles ou non, commises par les hommes puisent en grande partie leur origine dans certains clichés sur les droits des hommes dans le domaine des rapports sociaux de sexe. Il y a aussi ce qui a été nommé la « culture du viol ». Sous cette expression se cache la banalisation des viols. Que ce soit dans l’art, dans la publicité ou encore dans la fiction (les mythes, la pornographie, les romans, le cinéma, etc.), les scènes de viol sont très répandues. La culture du viol est alimentée par les différentes idées reçues en matière de viol et de violences sexuelles. « Une femme qui dit non veut en fait dire oui ou finira par dire oui » puisqu’elle découvrira ce qu’est une bonne relation sexuelle avec un vrai mec ! Comment les membres d’un jury pourraient-ils croire qu’un père qui assassine ses enfants âgés de trois et cinq ans, à l’arme blanche, en les frappant à 46 reprises, est criminellement responsable ? Largement présent dans notre société, le sens commun veut que, tacitement, un tel homme ne puisse agir que sous le coup de la folie et, en toute justice, il faut le faire soigner plutôt que de l’enfermer en prison. Le jury a déclaré Guy Turcotte non criminellement responsable de ses crimes. Il a pu recouvrer sa liberté d’un établissement psychiatrique, après un séjour de 46 mois, ce qui a scandalisé beaucoup de gens. La Couronne a fait appel du jugement. Elle considère que Guy Turcotte a tué ses enfants de sang-froid pour se venger de sa femme qui l’avait quitté pour un autre homme. Cette allégation doit être prise au sérieux et explorée plus à fond. La folie est souvent retenue pour expliquer les meurtres qui se produisent dans le cadre familial. Pourtant, cette violence s’inscrit dans un contexte social et culturel spécifique. Aussi, l’affaire Turcotte n’est-elle pas un cas isolé ou unique. Aux États-Unis, 74% des femmes assassinées par leur partenaire le sont après une séparation ou un divorce. Ces hommes estiment que leur partenaire est leur propriété. Des hommes, qui craignent de ne pouvoir obtenir la garde de leurs enfants, prennent des mesures létales pour que personne ne l’obtienne. En 1997, à L’Ancienne-Lorette, Serge Vachon a poignardé sa femme et abattu par balle leurs deux enfants âgés d’un et de huit ans, après avoir pris connaissance que sa femme envisageait de divorcer. En 2003, Jacques Picard a assassiné sa femme et leurs deux enfants. Encore une fois, il s’agit d’une situation où la femme voulait quitter son mari. De façon caractéristique, les hommes qui tuent leurs proches sont persuadés que les membres de leur famille leur appartiennent, qu’ils ne peuvent pas avoir une vie indépendante d’eux. L’anecdote suivante est révélatrice de cet état de fait. Après avoir enduré pendant des années les violences physiques et psychologiques de son mari, une femme décide de demander le divorce. Lorsque le mari reçoit les formulaires officiels du divorce, il se rend au lieu où sa femme travaille et la tue de plusieurs coups de feu. Il se suicide ensuite. Plus tard, les policiers retrouvent les formulaires du divorce sur le tableau de bord de son véhicule. Il est écrit en grosses lettres sur la première page : « Il n’y a pas eu de divorce. » La violence brutale et meurtrière frappe des milieux comme la famille, le travail ou l’école. Pourtant, ces milieux évoquent d’abord et avant tout la sécurité, le réconfort ou l’épanouissement personnel et intellectuel. Pas la violence. Or, depuis une trentaine d’années, ils ont été le théâtre d’un nombre croissant de tueries sanglantes. À partir des années 1980, mais surtout des années 1990, on a assisté à une hausse très importante du nombre de meurtres de masse (trois victimes et plus), ce qui fait régulièrement les manchettes. Les hommes constituent la très grande majorité des tueurs et la majorité des tueries se produisent dans le milieu familial. Contrairement à la croyance populaire, le tueur (conjoint et père) pense, organise et mène à son terme l’action destructrice. Ce n’est pas un acte impulsif, bien que, fréquemment, il y ait un événement déclencheur comme une séparation ou un divorce. Cependant, il peut s’écouler plusieurs jours, semaines ou mois avant que l’individu passe à l’acte. L’action meurtrière se manifeste brutalement, comme dans un excès de rage. Elle apparaît pour ceux qui la subissent ou ceux qui y sont extérieurs comme un excès incompréhensible, une déflagration inattendue et maladive. Cette violence est pourtant chargée de sens. L’appropriation patriarcale de l’autre constitue un élément fondamental de cette dynamique. « Tu m’appartiens, donc tu n’appartiendras à aucun autre », « Mes enfants m’appartiennent, aucune autre personne ne les aura, surtout pas toi, ma femme », s’écrient ces hommes qui tuent leur partenaire ou leurs enfants. La violence du meurtrier constitue une mise en valeur de soi-même, une manifestation de sa puissance égotique, de sa domination et de son appropriation de l’autre, lesquelles, soudainement, sont minées par un acte d’indépendance de la part de la conjointe, qu’il faut impérativement punir en la tuant ou en tuant ses enfants. Alors, les discours qui installent la violence du côté de la seule psychologie des tueurs (« rien ne laissait présager un tel acte de folie ») ne s’intéressent guère aux significations sociales sexistes desdites violences. Ils refusent de nommer cette violence, qui est masculine, et, de ce fait, ils l’occultent. Aussi, ces meurtres apparaissent-ils incompréhensibles ; dès lors, ils ne peuvent être que des actes de folie. La banalité de la violence masculine, qui est multiple et trop souvent létale, est mondiale et frappe les femmes et les filles des sociétés du centre du capitalisme comme des sociétés de la périphérie, les États démocratiques comme les dictatures. La pratique massive des viols pendant les guerres n’est pas l’apanage d’un peuple, d’une nation, d’une ethnie ou d’une religion en particulier, mais bien de l’ensemble des armées et des milices. Les viols sont une arme de guerre visant à terroriser et à soumettre les populations tout en montrant qui domine et qui doit s’incliner. En outre, la mise en fonction de lieux de « repos » au profit des guerriers qui occupent un territoire, y compris au profit des soldats censés faire régner la paix comme les Casques bleus, exige la soumission de dizaines de milliers ou plus de femmes et de filles qui sont enfermées dans des bordels mis à la disposition des hommes de troupe. Ce qui exige l’organisation d’une traite des femmes et des filles à des fins de prostitution puis permet le développement ultérieur du tourisme de prostitution comme le montre l’histoire récente de la Corée du Sud, de la Thaïlande, des Philippines, de la Bosnie-Herzégovine, etc. Ce n’est pas une culture nationale, ethnique ou religieuse en particulier qui est la cause de cette violence, de cette soumission des femmes au plaisir masculin, mais bien une culture patriarcale, qui leur est commune, une culture d’agression. L’idée de réunir certains de mes textes pour composer ce livre et ainsi contribuer à nourrir la réflexion sur la culture de l’agression à l’égard des femmes a pris naissance en Espagne dans le cadre d’une conférence internationale portant sur le thème Hombres trabajando para la erradicación de la prostitución (Hommes œuvrant à l’éradication de la prostitution) organisée, en octobre 2016, par la Comisión para la Investigación de Malos Tratos a Mujeres de Madrid. Interviewé à la veille de la conférence internationale par Irene Hernández Velasco du quotidien El Mundo, qui m’a questionné longuement sur les motivations des hommes qui payent pour l’accès au sexe des femmes, j’ai pris le taureau par les cornes et changé le contenu de ma conférence pour l’axer sur cette question difficile. Au regard du succès de ma conférence, dû au fait que l’assistance cherchait des réponses à cette question, j’ai eu le sentiment qu’il était nécessaire de poursuivre la réflexion. Les enquêtes sur les prostitueurs montrent que c’est Monsieur tout le monde qui paye pour du sexe. Il est issu de toutes les classes sociales de la société. À l’évidence, la prostitution est organisée en fonction de toutes les bourses, c’est-à-dire en fonction de la capacité de payer des prostitueurs. Soldats, miliciens, touristes, hommes d’affaires, politiciens, écrivains, festivaliers, policiers, juges, prêtres, médecins, sportifs professionnels, partisans d’une équipe, immigrés, nationaux, salariés… les prostitueurs sont aussi bien des adolescents que des vieillards, des électriciens que des télé-évangélistes, des courtiers que des membres des forces d’interposition pour la paix. Certains sont à la tête d’États ou dirigent des institutions internationales importantes. D’autres contestent l’ordre établi : les terroristes du 11 septembre 2001 auraient, la veille de l’attentat, voulu se payer des femmes prostituées, selon le Boston Globe. Des organisations politiques de la gauche, y compris de la gauche radicale, s’évertuent à faire de la prostitution une activité banale, un métier comme un autre. Et ses partisans qui prétendent militer pour les droits des femmes vont au bordel se payer du « bon temps » et consomment allégrement de la pornographie. Partout où des hommes ont des raisons de séjourner en nombre est organisée une offre sexuelle pléthorique : événements sportifs, congrès, festivals, lieux touristiques, conférences internationales, sommets, etc. En fait, plus un milieu est étranger, si ce n’est hostile au féminin, plus il célèbre la prostitution. C’est notamment le cas des armées et des milices, des milieux sportifs et du monde des affaires. En même temps, ce n’est pas Monsieur tout le monde qui paye pour du sexe, car beaucoup d’hommes se refusent à exploiter le sexe d’autrui. Ceux qui payent sont des hommes dissociés, capables de disjoindre sexe et affectivité, de trouver du plaisir à dominer – c’est vraisemblablement ce qui les fait jouir –, à se voir supérieurs à la femme qui accepte, selon la somme payée, de faire ce qu’exige le prostitueur. Ces hommes n’ont rien à faire de l’humanité de la personne qui leur est sexuellement soumise. Elle est là pour cela. C’est une « pute », une « salope », une « moins que rien » qui a choisi de faire ce qu’elle fait et qui, en conséquence, mérite son sort. En outre, comme le soutient Claudine Legardinier, « c’est dans la circulation des femmes, transformées en objets sexuels tarifés, que se construisent les liens entre hommes et leurs manifestations de fraternité ». Quel homme d’affaires québécois n’a pas amené ses clients à un bar de danseuses nues ? Et, en Allemagne, au bordel ou à l’eros center ? Ces lieux dédiés à la suprématie masculine (et donc à la solidarité entre les hommes) sont souvent les endroits où se concluent les contrats en toute confraternité. Les prostitueurs comme les violeurs retirent aux femmes leur part d’humanité. Ils se grandissent en prouvant qu’ils ne sont pas une femme, c’est-à-dire un être à prendre. Ils se grandissent aussi entre eux, dans une concurrence mêlée de partage et de camaraderie. Dans les cercles du pouvoir et des affaires, les femmes sont des signes extérieurs de la réussite. Elles sont, en conséquence, utilisées pour valoriser les hommes, qui se croient importants, afin de mettre en valeur leur prestige pitoyable. L’idée de publier ce livre tient également au fait que, ces derniers mois, la société québécoise a connu une forte mobilisation dénonçant la culture du viol. Cette culture pèse d’un poids extrêmement lourd sur les femmes, sur leur autonomie et leur capacité d’agir en toute liberté. Les hommes, y compris ceux qui ne violent pas et ne payent pas pour des relations sexuelles, profitent de la situation en ayant une liberté beaucoup plus importante que celle des femmes. Ils ne sont pas socialement terrorisés. Ils tirent parti d’une situation qui leur est favorable, d’une situation de privilégiés. Le système social construit les femmes en objets de désir, non en sujets de parole. Ce qui importe aux yeux des prostitueurs c’est que les femmes ne tiennent pas compte de leurs propres désirs, de leurs exigences et de leurs sentiments personnels. Dans les bordels, seul le prostitueur est libre. Il est libre de circuler, de soupeser, de sélectionner, d’imposer sa volonté. Il est libre d’exprimer son mépris, ses fantasmes, de réaliser ses perversions ; il est libre de contaminer, de rendre malade. N’est-ce pas là une violence ? Une violence avalisée par plusieurs États et par tous les bien-pensantes pour qui la prostitution est une activité comme une autre ! Pour les personnes prostituées, ce sont règlements draconiens, contrôles tous azimuts, cadences, amendes, réprimandes, endettement. Ce sont également les prostitueurs qui leur lèvent le cœur, qui leur font mal, qui les prennent de haut, qui les traitent comme des objets à prendre et à jeter après usage… Pour décrypter la culture d’agression caractéristique de nos sociétés, nous avons choisi de mettre en évidence trois domaines qui, à première vue, peuvent sembler marginaux, bien qu’en fait, ils se retrouvent au cœur d’une dynamique explicative de certaines des masculinités sociales. La première partie du livre est consacrée à la prostitution et à sa mondialisation : traite à des fins d’exploitation sexuelle et tourisme de prostitution. Entre autres, elle met en évidence le fait que cette industrie a été déployée au profit des hommes et plus elle est banalisée, plus le nombre de clients-prostitueurs augmente et, par conséquent, plus l’« offre » de personnes prostituées doit elle aussi augmenter. Elle est née de la violence – ce que montre la prostitution pour les militaires à différentes époques historiques – et engendre sans cesse différents types de violence. Cette partie du livre tente de donner des éléments de réponse à la question de l’utilisation par des hommes des personnes prostituées. Si dans certaines sociétés, cela concerne de 10 à 13 % des hommes, dans d’autres, cela touche plus de 60 % des hommes. La deuxième partie concerne l’influence de la pornographie, sa dynamique, la pornographisation du tissu social et des imaginaires sociaux ainsi que l’hypersexualisation. Pourquoi les hommes consomment-ils aussi massivement de la pornographie ? Quels sont les messages et les codes de cette industrie ? En quoi nourrit-elle la culture du viol et de l’agression ? La dernière partie est consacrée aux meurtres en série et de masse. Pourquoi ces activités létales sont, pour l’essentiel, masculines ? Qu’est-ce que cela révèle sur les rapports sociaux de sexe et sur les masculinités ? En mettant en évidence les aspects sexistes et racistes de ces activités, en axant l’analyse non sur les tueurs, mais sur leurs victimes – elles sont trop souvent ignorées –, cela permet d’éclairer le fait que ces meurtres constituent la mise en œuvre d’idées racistes et sexistes, motivée par un désir d’appropriation. On s’attaque aux personnes plus faibles que soi et on leur fait payer son envie de pouvoir. Ce pouvoir renvoie à une conception de la masculinité qui s’avère mortifère. Le silence est imposé aux femmes. Autour d’elles, il existe une véritable conspiration d’oreilles bouchées. Ce silence confère aux hommes une impunité importante pour leurs actes violents de dégradation, d’exploitation et d’agression. Briser le silence complice, tel est l’apport exceptionnel du mouvement contre la culture du viol. Aider à briser le silence et à réfléchir sur ces masculinités qui exploitent, agressent, violent et tuent, tel est l’apport de ce livre. Téléchargez ce texte. Mis en ligne sur Sisyphe, le 23 octobre 2017 |
http://sisyphe.org | Archives | Plan du site | Copyright Sisyphe 2002-2016 | |Retour à la page d'accueil |Admin |