Faire société entre femmes. La sororité est-elle possible ?
Ma soeur « je te rejette et je t’implore ».
Faire société, c’est considérer que la vie est plus facile à plusieurs.
Même les arbres se soutiennent entre eux.
Introduction
Dans les années 1970/80, aux meilleurs moments du Mouvement des femmes, le terme sororité, qui ne date pas d’hier, ni d’avant-hier, semble, avoir trouvé un moment d’épanouissement signifiant. Il circulait dans les groupes informels de paroles de femmes au même titre qu’amitié choisie, amour, famille d’affinité et de luttes. Ces groupes étaient non mixtes et cultivaient la proximité et l’échange de paroles. Depuis, l’utilisation du terme est tombée de l’usage commun. Il continue de cheminer sous le manteau et revient sur le devant médiatique de façon cyclique, mais plus généralement, il ne se rencontre que dans des groupes restreints de femmes. Il est porté par quelques irréductibles volontaristes qui continuent à revendiquer son utilisation de façon incantatoire. Ce terme semble pourtant être en recherche d’incarnation, car au regard de ce qu’on souhaiterait vouloir lui faire porter, et en premier, la solidarité, la bienveillance entre femmes a bien des progrès à faire. C’est au point qu’il paraît, aujourd’hui, impossible de penser écrire une ode à cette sororité, dans une France toute vouée aux droits de l’Homme universel.
Avant d’analyser pourquoi la sororité se trace un chemin si difficile, essayons de comprendre sur quels terrains et dans quelles circonstances, elle apparaît et s’évanouit. Pourquoi rencontre-elle tant de difficultés à trouver vie. La question se pose ; est-ce une utopie, un objectif impossible ?
Dans les années 1970/80, la renaissance du mot « sororité » représentait une tentative politique voulant faire échos au terme Fraternité du triptyque républicain prétendument universel ; c’est-à-dire englobant les femmes et les hommes. On savait alors que ce n’était pas une réalité. Il y a entre les frères et les soeurs une histoire qui pèse du mauvais côté pour les femmes ainsi qu’une réalité socio-culturelle faisant obstacle. La Liberté et l’Égalité qui précèdent la Fraternité dans la formule républicaine n’étant pas exactement réalisées dans les faits, faire vivre la sororité était une gageure.
Sororité
De même que l’Histoire et la fraternité ne naissent pas en 1789, la sororité a, elle aussi, fait son chemin avant les années 1970/80, prenant des significations diverses. Le terme provient du latin soror, qui signifie soeur ou cousine, autrement dit, une femme de la famille. En latin médiéval, il était utilisé dans les communautés religieuses de femmes (nonnes, soeurs cloitrées…), mais il n’a perduré dans ce sens que jusqu’au XVIe siècle.
Organisation sociale et religieuse qui se protège
Sous son aspect formel, il a désigné le principe d’un groupe de « soeurs », doté d’une organisation sociale qui se protège par une forme de marginalisation. Il s’inscrit cependant dans les règles de la société globale et mixte, telle qu’elle se vit. Cela vaut particulièrement pour les communautés et congrégations religieuses depuis le Moyen âge. Ces femmes sont placées sous la protection et l’autorité des hommes, même si dans cet espace fermé, elles trouvent une forme de liberté et d’accès à une culture que l’extérieur leur dispute ou leur interdit*.
Sororité laïque - Solidarité, Écoute
Plus près de nous, le contenu du terme sororité des années 1970/80 n’avait plus de connotation religieuse mais présentait un caractère ambigu en ce sens qu’il contenait une forme de compagnonnage choisie, une écoute compassionnelle, une volonté de protection (non mixité des groupes) et une ambition politique. C’est-à-dire qu’il se chargeait de l’histoire qui a précédé en tentant de résoudre ses contradictions : faire vivre ensemble à la fois, solidarité dans un groupe de femmes constitué, protection contre l’extérieur, et revendication politique impliquant de participer à la vie sociale et de s’inclure dans une société peu favorable. L’aspect politique revendiqué nous ramène à la Fraternité de 1790. Pendant la révolution française, l’égalité « universelle » affichée, ainsi que la citoyenneté et la fraternité ne concernent pas vraiment les femmes, quoi qu’en disent les universalistes.
*Note
Que disent l’histoire et la géographie ? En Inde : La sororité est décrite comme le fait d’une communauté de femmes (prostitués sacrées) qui exclut les hommes entiers. Avant 1940 : Dans le scoutisme féminin le concept de sestralité (terme formé à partir de sister) avait été développé Dans les années 1970 : Le terme sororité a été utilisé par les féministes françaises pour traduire le terme anglais sisterhood que les mouvements féministes américains avaient fabriqué en réaction au terme ’brotherhood’ (fraternité). Il est aussi l’expression de la solidarité entre femmes. La sororité désigne les liens entre les femmes qui se sentent des similitudes, des affinités, des vécus semblables, dus au fait qu’elles partagent la même condition féminine, qu’elles ont le même statut social. C’est justement cette dernière condition qui pose problème dans son fonctionnement à long terme car le statut social n’est pas le même pour toutes. Le terme sororité désigne également des groupes de femmes, tel qu’ils se sont développés dans les universités américaines. Le terme anglais ’sorority’ correspondant a été développé en opposition au groupe masculin « fraternity ». Le terme fraternity se traduit plus comme confrérie. A l’image de ces confréries médiévales de solidarité et d’entraide. Ainsi le terme français sororité qui désigne des groupes de femmes pourrait aussi bien se traduire « consorie ». Ainsi, plus communément, aux USA, sororité désigne l’esprit de solidarité et d’entraide ponctuelle, propre aux associations ou aux résidences d’étudiantes.
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