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vendredi 26 octobre 2018 Voile "islamique"/voile des nonnes et croix : une fausse comparaison religieuse pour dissimuler un vrai racisme sexuel
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Le voile "islamique", arme politique Les débats sur le voile sont régulièrement relancés, que ce soit à travers l’école, l’ex-salariée de la crèche Baby-Loup, l’UNEF et sa représentante voilée ou autres burkinis. Pourquoi une telle sensibilité, une telle hystérisation lorsque la question du voile se pose ? Tout d’abord parce qu’il est l’arme politique la plus efficace des intégristes musulmans. L’évolution de l’UNEF en est une des plus belles illustrations. La laïcité est alors brandie comme bouclier par les uns, même lorsqu’elle n’est pas concernée (comme le problème des burkinis sur les plages). En face, elle est tordue par les islamistes et leurs soutiens qui considèrent la laïcité française comme un obstacle. Mais le fond des crispations n’est pas là. La laïcité n’est qu’une conséquence. Le cœur du problème, ce qui touche au plus profond, est la signification réelle du voile et la conception que nous avons de la moitié de l’Humanité : les femmes. Si les intégristes invoquent la spiritualité auprès du grand public, elle n’en a jamais été la justification auprès des musulmans. Le Coran n’est pas qu’un livre religieux. C’est aussi un livre politique, social et juridique. Concernant l’héritage par exemple, le Coran autorise la femme à obtenir une part équivalente à la moitié de celle d’un homme. Ce fut éminemment progressiste à l’époque de la Révélation : une ère où la femme n’avait pas d’existence juridique. En cela, le Coran fut une révolution. Seulement, 1400 ans se sont écoulés. L’Humanité a évolué. Cette conception de l’héritage, véritable progrès au VIIe siècle, serait une régression au XXIe. Que ce soit à l’époque de la Révélation ou aujourd’hui, a-t-on déjà avancé l’argument du spirituel pour justifier cette différence sexuée dans l’héritage ? Non, jamais. Les arguments ont toujours été sociaux et économiques. Aujourd’hui aussi, personne ne clamerait son désir d’appliquer la demi-part aux musulmanes en invoquant sa spiritualité pour être plus proche de Dieu. Le voile, rien à voir avec la spiritualité ni la laïcité C’est la même chose pour le voile. Les trois versets qui l’abordent vaguement n’ont jamais évoqué la spiritualité. En dehors des cinq prières quotidiennes, le voile n’est pas un vêtement religieux et n’a jamais été un objectif en soi. Cela concerne uniquement les mœurs dans la gestion sociale de la cité arabique du VIIe siècle : protéger la femme musulmane de l’offense (Coran, sourate 33 verset 59). Aujourd’hui, par l’acceptation de l’interprétation extrémiste de l’islam, le "voile" n’est plus un moyen correspondant à des circonstances précises de l’Arabie du Moyen-Age. Il a été transformé dans sa forme matérielle (le voile des islamistes n’est pas celui du Coran qui n’a jamais évoqué la dissimulation des cheveux, du visage ou du cou) et dans sa signification. C’est un attribut vestimentaire qui a pour vocation de marquer l’infériorité d’un groupe humain, les femmes. Il n’a de raison d’être que pour hiérarchiser l’Humanité, stigmatiser et discriminer sa moitié féminine. C’est la définition du racisme. La religion n’est qu’un prétexte, un vernis posé par les intégristes pour être brandi à la société. Présenter le voile comme un signe religieux offre l’avantage de déplacer le débat du sexisme et de l’égalité des sexes vers la laïcité. Cela permet de "sanctuariser" le voile au nom de la liberté religieuse. Cette position a été celle des islamistes dès la première affaire de ce type dans un collège de Creil en 1989. L’État a fait le choix de les écouter, plutôt que de chercher à s’informer, et est allé tout droit où les islamistes voulaient l’amener : la laïcité. Le vrai terrain du voile, celui du sexisme et du patriarcat, est impossible à défendre dans un pays comme la France. En tant qu’oppresseurs, les intégristes ne peuvent défendre l’indéfendable. En revanche, le terrain de la laïcité leur permet de ne plus avoir l’image d’oppresseurs mais d’opprimés, celle de "musulmans" persécutés par une société "islamophobe" qui restreindrait la liberté religieuse. Il est ainsi bien plus aisé de revendiquer une laïcité "ouverte" ou "inclusive" plutôt qu’un sexisme "ouvert" ou un patriarcat "inclusif". Ce renversement permet, par exemple, à ce vêtement raciste et discriminant de ne pas être une des cibles de la Déclaration Universelle des Droits Humains visées par son article 1 mais, au contraire, de bénéficier de sa protection en tant que "manifestation de sa religion" par l’article 18. Le voile "islamique" comparé à celui des nonnes pour en dissimuler le sexisme ou le racisme sexuel L’emballage religieux du racisme sexuel permet également aux islamistes, et à leurs soutiens "idiots utiles", de toujours comparer le voile à des signes d’autres religions pour en dissimuler le sexisme et toujours orienter le débat vers le terrain qu’ils ont choisi, quitte à trahir l’islam. Le voile est ainsi régulièrement comparé à celui des nonnes et à la croix chrétienne. Or, ils n’ont rien en commun. Mais quoi de mieux que des symboles chrétiens qui parlent à tous les français pour donner au voile un semblant de religiosité et diviser le camp laïque ? Ce camp sait se montrer uni face à l’intégrisme catholique. Mais, par l’efficace stratégie victimaire et d’inversion des rôles des islamistes, ce même camp se retrouve divisé face à l’intégrisme musulman et oublie la véritable signification du voile. Selon les islamistes, leur voile s’adresse à toutes les musulmanes, quels que soient leur âge et leur vie. Tout au moins, à celles qui "se respectent" et ont de la "pudeur"… Le voile des nonnes Le voile des nonnes, lui, ne s’adresse pas à toutes les catholiques, et encore moins à toutes les chrétiennes. Comme sa dénomination l’indique, il s’adresse… aux nonnes. Le voile, la cornette ou la guimpe entourant le visage des religieuses catholiques ont plusieurs significations. Elles appartiennent à un ordre religieux régi par des règles ecclésiastiques (le régulier) en dehors du temps et de la société (le séculier). Cette ordination est rendue visible par leurs habits monastiques, dont le voile est un des éléments, qui en sont les uniformes : "L’habit est un signe de consécration, de pauvreté et d’appartenance à une famille religieuse déterminée" (1). Dans cette déclaration de Jean-Paul II, la "famille religieuse" n’est pas la famille catholique pour la distinguer des autres religions. C’est le synonyme d’"ordre religieux". On ne dit d’ailleurs pas d’une femme entrant dans les ordres qu’elle "met le voile" mais qu’elle le prend. "Prendre le voile" signifie entrer au couvent. Ce voile est le symbole du mariage des religieuses avec Dieu et Jésus-Christ. Cette pratique est sans doute l’héritage des vestales romaines (prêtresses de Vesta, vouées à la chasteté pendant les trente années de leurs fonctions). Elles côtoyèrent les premiers chrétiens qui, eux-mêmes, étaient d’anciens adorateurs des Dieux romains. Depuis le début, le voile des religieuses catholiques a la même fonction que celui des vestales romaines d’antan : se distinguer des femmes laïques. Les nonnes vivent presque en autarcie. C’est un choix de vie au sein d’une communauté qui a fait vœu de célibat, de chasteté sexuelle (corollaires de leur mariage symbolique) et de pauvreté pour se consacrer à la prière. Leur voile symbolise aussi le sacrifice de s’être retirées du monde (pas de mariage, pas d’enfants, peu de vie sociale autre qu’avec les nonnes) pour montrer leur dévouement total à Jésus-Christ. L’uniforme monastique étant uniquement spirituel sans aucune connotation sexuelle, et Dieu supposé être partout, ces religieuses sont toujours voilées, même lorsqu’elles sont entre elles. Le voile des intégristes musulmans, instrument de racisme sexuel Le voile prescrit par les intégristes musulmans est-il comparable ? Absolument pas. Une correspondance esthétique ne signifie pas une équivalence philosophique et idéologique. Les islamistes n’ont jamais prescrit le voile pour des raisons spirituelles. Il ne signifie en rien un engagement religieux, ne demande pas l’abstinence sexuelle, ni la pauvreté, ni le célibat, ni de vivre en autarcie. Il n’existe pas de couvents où devraient vivre les musulmanes et dont le voile serait l’uniforme. Aucune d’entre elles ne considèrent être mariée au Prophète Mohamed ou à Dieu, un mariage spirituel dont le voile serait le symbole. Le voile islamiste, quelles que soient sa forme et sa longueur, est uniquement prescrit pour des raisons racistes et sexistes : considérées comme des objets sexuels sources de toutes les tentations, les femmes devraient cacher leur corps, y compris leurs cheveux, le cou, les bras, etc., pour ne pas exciter la libido de ces morts de faim que seraient les hommes. Il n’est pas question d’apprendre aux hommes à se contrôler. C’est à la femme de prendre les mesures nécessaires pour "se respecter" et ne pas être victimes de ses bourreaux potentiels. Autrement dit, pour éviter les érections de pénis et des troubles dans la société, les femmes devraient se bâcher. La moindre mèche de cheveux qui dépasserait sera considérée comme tentatrice. Leur inversion classique des rôles par la culpabilisation se joint à la séduction pour amener les femmes à accepter elles-mêmes le voile, en le présentant comme un vêtement de "pudeur" et de respectabilité. Il devient à la fois une forme de valorisation, de protection patriarcale, de punition et de discrimination. Tout tourne autour de la sexualité, de la culpabilité et du contrôle du corps des femmes. Il a été créé pour ça. Il est prescrit pour cela par les religieux dans la totalité des pays musulmans, la totalité de leurs livres et de leurs prêches. Il n’a jamais eu d’autre signification. La religion est bien un prétexte. Ainsi, et contrairement aux nonnes, ce voile ne se porte pas dès le réveil le matin et ne s’ôte pas forcément le soir avant de se coucher. Tout comme le christianisme, l’islam considère que Dieu serait partout et verrait tout. Or, en présence de sa famille, de son éventuel mari, d’autres femmes ou seule, une musulmane voilée l’enlève. En présence d’enfants mâles, qu’ils soient ou non de sa famille, elle se dévoile également puisqu’ils ne sont pas sexuellement actifs. En revanche, elle porte le voile lorsqu’elle risque de croiser tout homme pouvant théoriquement avoir des relations sexuelles avec elle. Une aberration théologique Nous sommes bien loin du spirituel et du voile des nonnes. Cette instrumentalisation de l’islam par les islamistes à des fins sexistes et politiques peut être vue comme une aberration théologique. Toujours prompts à accuser de blasphème ceux qui les critiquent (par leur usage du terme "islamophobie"), et tout embrumés par leur fanatisme et leur sexisme, les intégristes ne réalisent pas que le voile porte le blasphème aux nues. Revendiquer le vêtement le plus raciste et sexiste que l’homme ait inventé, laisser croire qu’il est religieux, le faire passer du rôle de moyen circonstanciel à un objectif en soi universel et intemporel, au point d’en faire quasiment le 6ème pilier de l’islam, c’est ce que les religieux appellent une "innovation". En islam, l’innovation est une des pires choses qui soit, un blasphème impardonnable. Voile "islamique" non comparable à la croix chrétienne Pire encore, en tentant de comparer le voile à la croix chrétienne pour dissimuler sa véritable raison d’être, et en lui attribuant une dimension spirituelle qu’il n’a jamais eue, les islamistes en ont fait un objet idolâtre. Tout d’abord, depuis quand la croix serait-elle un outil de "pudeur" réduisant la personne qui le porte à un objet sexuel devant être caché pour ne pas susciter l’excitation d’autrui ? La croix n’a aucune fonction de régulation des rapports entre les sexes ni de chosification et d’infériorisation des femmes. Son port et sa signification concernent femmes ET hommes. Une chrétienne et un chrétien prient devant une croix où Jésus est représenté crucifié. Dans les moments importants, ils peuvent tenir une petite croix comme un objet fétiche, un porte bonheur. Cette croix symbolise le martyr de Jésus qui se serait sacrifié pour sauver l’humanité. Le voile matérialise-t-il un symbole spirituel équivalent ? Non. Il n’y a pas d’équivalent de la croix en islam car cette religion rejette toute forme d’idolâtrie. S’attacher à des symboles matériels tels que les statues, les images (si un musulman est islamiquement touché par un dessin…) ou tout autre objet est considéré comme un pêché. En cela, revendiquer le voile comme un symbole religieux et, pire encore, faire croire que c’est une obligation religieuse pour en réalité contrôler leurs pulsions sexuelles, va à l’encontre du message originel que ces musulmans prétendent vouloir incarner. Ils sont blasphémateurs. Voile des nonnes non imposé aux femmes laïques sous peine de mort N’ayant rien en commun avec le voile des nonnes et la croix, les conséquences n’ont aussi absolument rien à voir. Au niveau international, il n’existe aucun régime autoritaire catholique qui impose le voile des nonnes à toutes les femmes, comme c’est le cas pour le voile islamiste en Iran, en Arabie Saoudite ou avec DAESH. Aucune police des mœurs chrétienne pour vérifier que toutes les catholiques portent bien un voile ou une croix. Il n’y a jamais eu la moindre femme égorgée par des intégristes catholiques parce qu’elle aurait refusé de porter le voile des nonnes, comme des musulmanes ont été égorgées dans les années 1990 en Algérie parce qu’elles refusaient de se voiler. Il n’existe aucun lobby promouvant le voile des nonnes pour expliquer à quel point ce voile serait formidable, comme il existe des associations telles que Lallab pour le voile islamiste. Aucune chrétienne n’est insultée parce que traitée de "pute" par un intégriste chrétien parce qu’elle ne serait pas voilée ou ne porterait pas une croix autour du cou. Aucune pression d’un membre d’une famille catholique envers sa sœur, son épouse ou autre, pour la "convaincre" de se couvrir du voile des nonnes, n’a jamais été recensé. Il n’existe aucune menace de l’enfer ni de théorie sur les "bienfaits" de la cornette ou de la guimpe brandies par des prédicateurs chrétiens pour inciter les chrétiennes à faire le "libre choix" du voile. Par conséquent, il n’y a pas le moindre livre ou prêche faisant la promotion du voile des nonnes, face aux milliers de livres, conférences, prêches, chaînes satellitaires, etc. faisant la promotion du voile islamiste. Il n’y a ainsi aucune pression psychologique sur les catholiques qui ne se voilent pas. Puisque le voile des nonnes concerne un ordre régulier, aucun aménagement n’est demandé à la société, aucune revendication politique, aucun acte prosélyte. Nous n’avons jamais vu une chrétienne faire pression sur son employeur pour imposer un voile de nonne. Aucune femme catholique n’a refusé d’être auscultée par un médecin homme en raison de sa "foi". Plus grave encore, il n’y a jamais eu de petites filles bâchées par le voile des nonnes pour les habituer au sort sexuel qui les attend. Aucun parent catholique n’a jamais imposé ce voile à sa petite fille. A-t-on déjà vu des fillettes de 4, 10, ou 14 ans se présenter à l’école couvertes du voile des nonnes ? Il n’y a jamais eu la moindre affaire de voile catholique dans aucune école française. Les élèves chrétiens ne se sont jamais présentés à l’école avec des croix visibles de plusieurs dizaines de centimètres sur la tête ou même sur la poitrine. Ils n’ont jamais eu de difficultés non plus à les ôter ou les dissimuler sur demande des enseignant-e-s. Pourquoi ? Parce que la croix est un signe religieux qui concerne la laïcité. Le voile islamiste est un signe sexiste qui, s’il est enlevé par la jeune fille, serait de "l’impudeur". Mettre son voile dans son sac n’a pas la même signification ni les mêmes conséquences sexuelles que dissimuler sa petite croix sous son pull. En résumé, le voile des nonnes étant destiné uniquement aux nonnes, dont le nombre est très limité, il n’y aura jamais de prolifération dans la société ni de revendication dans ce sens. Ainsi, nous ne verrons jamais une nonne voilée représenter un syndicat étudiant tel que l’UNEF… Voile "islamique" : uniforme politique Puisque le voile islamiste n’est pas comparable au voile des nonnes, pourquoi les musulmanes voilées refusent de le remplacer par autre chose ? Après tout, l’important pour les islamistes est de cacher le corps des femmes, que ce soit avec un voile ou autre chose. Par exemple, la représentante de l’UNEF ou l’ex-salariée de la crèche Baby-Loup auraient pu cacher les mêmes parties de leurs corps en portant une casquette ou un bonnet pour les cheveux, un foulard ou un bandana pour le cou et un pull pour le reste. Un compromis qui leur aurait permis de respecter leurs "convictions religieuses" sans pour autant afficher leur radicalité et ainsi mieux correspondre, tout au moins en apparence, à l’image du syndicat pour l’une et au règlement intérieur pour l’autre. Mais non, pour elles c’est le hijab et rien d’autre, car le voile est bien plus qu’un fétichisme vestimentaire masochiste. C’est un uniforme politique : s’exhiber, être reconnue, identifiée en tant que musulmane et faire la promotion de sa foi. Le théologien Frère Musulman Youssef Al-Qaradhawi, comme tous les autres prédicateurs islamistes, en explique les raisons ainsi : "[Le vêtement de la musulmane] ne doit pas ressembler à ce que portent spécialement les mécréantes, les juives, les chrétiennes et les idolâtres. L’intention d’imiter ces femmes est interdite en Islam qui tient à ce que les musulmans se distinguent et soient indépendants dans le fond et dans la forme. C’est pourquoi il a ordonné de faire le contraire de ce que font les mécréantes dans plusieurs domaines." (2) Il ne cite aucun texte religieux pour appuyer son propos. C’est normal. L’interdiction de s’habiller à l’occidental pour se distinguer n’existe dans aucun verset du Coran. Le port du voile de la militante de l’UNEF et de l’ex-salariée de Baby-Loup est bien un acte politique, peu importe leurs propos. Ce sont bien les musulmanes qui, par leurs voiles, doivent assumer la responsabilité de distinguer l’ensemble des musulmans. Les hommes, eux, n’ont pas l’obligation de se différencier des "mécréants, des juifs, des chrétiens et des idolâtres". En Europe et dans nombre de pays musulmans, seule une partie des hommes salafistes le désirent par leur imitation vestimentaire de ce qu’ils croient être les habits des compagnons du Prophète. Le reste des islamistes, c’est-à-dire l’écrasante majorité, a troqué les vêtements orientaux pour les jeans, les costumes cravates et les bermudas. En France, il suffit d’observer la tenue des représentants des Frères Musulmans : de Tariq Ramadan à Marwan Muhammad en passant par les responsables de l’UOIF, tous sont habillés à l’occidental. En revanche, leurs militantes féminines appliquent l’injonction des "savants" en portant le voile par distinction. La différence entre la dispense des hommes et l’obligation des femmes est encore plus flagrante à la plage… "L’obligation religieuse" est bien une invention pour servir de prétexte à la lutte politique et à la promotion du sexisme. Quant aux "foulards de nos grands-mères" invoqués par les relativistes, là aussi ce n’est pas comparable. Un voile peut être porté à l’église, en général une mantille qui peut laisser transparaître les cheveux. C’est l’héritage d’un passage du Nouveau Testament qui explique aussi en partie le voile des nonnes. Ni Dieu, ni Jésus, ni l’un des apôtres ne l’ont recommandé, ni même évoqué. Seul Saint Paul l’a fait en s’adressant aux Corinthiens (1ère épître aux Corinthiens, chapitre 11 versets 3 à 13) : "Je veux pourtant que vous sachiez ceci : le chef de tout homme, c’est le Christ ; le chef de la femme, c’est l’homme ; le chef du Christ, c’est Dieu. Tout homme qui prie ou prophétise la tête couverte fait affront à son chef. Mais toute femme qui prie ou prophétise tête nue fait affront à son chef ; car c’est exactement comme si elle était rasée. Si la femme ne porte pas de voile, qu’elle se fasse tondre ! Mais si c’est une honte pour une femme d’être tondue ou rasée, qu’elle porte un voile ! L’homme, lui, ne doit pas se voiler la tête : il est l’image et la gloire de Dieu ; mais la femme est la gloire de l’homme. Car ce n’est pas l’homme qui a été tiré de la femme, mais la femme de l’homme, Et l’homme n’a pas été créé pour la femme, mais la femme pour l’homme. Voilà pourquoi la femme doit porter sur la tête la marque de sa dépendance, à cause des anges. (…) Jugez par vous-mêmes : est-il convenable qu’une femme prie Dieu sans être voilée ?" Le christianisme est la seule des trois religions monothéistes à prescrire le voile par des arguments strictement religieux. Le sexisme et le patriarcat exprimés et associés au voile sont inspirés de l’Ancien Testament (Genèse 24:65 et Nombres 5:18). Une coutume elle-même héritée de la plus haute antiquité dont la première trace est une loi assyrienne qui imposait le voile aux femmes mariées pour les distinguer des prostituées. Comme pour le Coran, ce sujet judaïque fut source de multiples débats depuis toujours. Leurs exégètes, enfants de leur temps, interprétèrent ces textes dans un sens patriarcal voire misogyne. La tradition juive a enfanté un nombre incroyable de lois dans un domaine qui s’appuie sur deux versets seulement. Aujourd’hui, seules les intégristes juives se voilent la tête ou portent une perruque au quotidien. De plus, en dehors d’Israël, leurs prescripteurs n’en ont jamais fait une arme politique et prosélyte contre les sociétés laïques pour étendre leur idéologie. Le voile dans l’ancien Testament : non prescrit pour préserver la libido masculine Le Coran affirme également la supériorité de l’homme sur la femme (sourate 4 verset 34). Mais elle n’est pas associée au voile. Les deux versets de la Torah et le passage de l’épître de Paul aux Corinthiens sont aussi les seuls à préciser le voilement de la tête des femmes, contrairement au Coran. Et dans le cas de Paul, cette dissimulation est uniquement prescrite pour la prière, pas pour le quotidien. Paul était un homme de son temps, une époque patriarcale où le voile relevait de la coutume. De plus, un temple de Vesta existait à Corinthe depuis des siècles. Côtoyer des religieuses voilées était culturellement une évidence pour les habitants. Son épître était de circonstance et ne faisait qu’entériner l’usage tout en y apportant un souffle religieux qu’il voulait chrétien, en s’inspirant aussi des deux versets de la Torah (livre qu’il avait étudié pendant des années avant de devenir le disciple du Christ). Comme ce n’est pas une prescription divine, et qu’elle ne concerne que les moments de prière, l’Église a eu du mal à imposer le voile au quotidien pour les chrétiennes laïques (c’est à dire n’appartenant pas à un ordre religieux). Au début de l’ère chrétienne, il était le symbole de la femme pieuse et soumise à son mari. Mais cela évolua dès le Moyen-Age. Les femmes issues des grandes familles aristocrates et marchandes contournaient cet aspect du patriarcat en portant un voile qui pouvait être transparent et en laissant dépasser des chignons. Même les reines de France, épouses des représentants de Dieu sur terre selon l’Église, n’étaient pas voilées. Si l’Église incita à porter le voile au Moyen-Age, elle n’en fit jamais une règle indépassable pour les laïques. Ce n’est qu’en 1917 qu’elle rendit son port obligatoire dans les lieux de culte. Une obligation disparue depuis 1983. Les seules catholiques à s’en être toujours coiffées jusqu’à aujourd’hui sont les religieuses. Il ne symbolise pas la soumission aux hommes comme souhaité par Saint Paul puisqu’elles restent célibataires, vivent entre elles et sont peu en contact avec le monde extérieur. Il symbolise la soumission à Dieu et à Jésus-Christ, comme abordé plus haut. Paul n’a pas prescrit le voile pour préserver la libido masculine. Il n’était pas porté en fonction de la présence ou non d’hommes. Sa raison d’être n’était pas sexuelle mais signe de piété religieuse et de sujétion aux hommes. Si le Nouveau Testament avait au départ validé la coutume du voile par imprégnation du patriarcat ambiant, les islamistes d’aujourd’hui affirment reprendre la même coutume antique entérinée par Paul mais jamais validée par le Coran. L’intérêt est de relativiser leur position par comparaison avec la Bible. Ils reconnaissent ainsi qu’ils militent pour le sexisme et le patriarcat. Ils y ont en plus ajouté leur obsession sexuelle dont seraient responsables les femmes. Le foulard de Grace Kelly n’est pas un hijab Au quotidien, dans leurs formes et leur signification, ce sont bien des foulards, pas des voiles, que portaient les femmes catholiques françaises jusqu’au milieu du XXe siècle. En milieu rural, ils étaient portés depuis toujours pour des raisons pratiques, notamment pour le travail à la ferme et dans les champs. Plus largement, ils étaient portés par habitude culturelle sans aucune connotation religieuse et encore moins sexiste. "Nos grands-mères" pouvaient porter un foulard un jour et pas le lendemain. Il pouvait ne rien laisser voir des cheveux le lundi et être transparent le mardi. Il était porté à l’extérieur, pas à l’intérieur du domicile, qu’un homme soit présent ou pas. Le foulard de Grace Kelly (exemple régulièrement avancé par les islamistes pour relativiser leur obsession sexuelle) n’a ainsi rien à voir avec le hijab, le niqab ou la burqa. De plus, comme les relativistes le précisent, cela concernait "nos grands-mères"… Avancer un argument rétrograde, un passé où les femmes avaient peu de droits, pour défendre le voile islamiste, ce n’est pas très judicieux mais c’est cohérent. Le voile "islamique" n’est donc pas l’équivalent du voile des nonnes, de la croix ou de la kippa, car il n’est pas un signe religieux. Si nous souhaitons effectuer des comparaisons, cela doit se faire avec d’autres signes discriminants. Aucun racisme ne peut être accepté au nom de la "liberté religieuse". Amener la question du voile sur son véritable terrain, celui du sexisme, permet de mieux le mesurer. L’enjeu laïque sera moins central, le débat plus pertinent et constructif. Ce fut la lourde erreur de la loi de mars 2004 sur les signes religieux à l’école. Elle aurait dû aborder le voile comme un signe discriminant, une forme de racisme, sans entrer dans des considérations religieuses. En le classant comme signe religieux, le législateur a pris une position théologique, a "excommunié" tous les musulmans et toutes les musulmanes qui ne reconnaissent pas le voile ainsi, a galvanisé les islamistes et a déplacé le débat sur un terrain inadéquat. Ne persistons plus dans cette erreur. Au nom de l’égalité entre les Êtres humains et de la lutte contre toute forme de racisme, nous ne devons jamais oublier ce que signifie réellement le voile. Notes 1. Jean Paul II, Vita Consecrata 25, cité par Moreau Régis, Guide de lecture des textes du concile Vatican II, la réforme de l’Église - Tome 2, Artège éditions, 2013. Publié d’abord sur le blog de l’auteur et sur Sisyphe avec son aimable autorisation. D’autres articles sur le blog de l’auteur : https://naembestandji.blogspot.com Mis en ligne sur Sisyphe, le 13 septembre 2018 |
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