Le 10 août 2021, Le Devoir rapportait que le Regroupement des événements majeurs internationaux (RÉMI) refuse d’appliquer une des recommandations de la Commission spéciale sur l’exploitation sexuelle des mineures, celle de rendre les subventions gouvernementales aux festivals conditionnelles à la mise en place de mesures pour lutter contre cette exploitation.
Selon le RÉMI, l’exploitation serait marginale et l’événement problématique serait le Grand Prix de la Formule Un, qui n’est pas membre du RÉMI.
Dans cet article, Christine St-Pierre, députée libérale et ex-vice-présidente de la Commission l’a bien souligné : « Montréal est une plaque tournante en raison, entre autres choses, de la vigueur du secteur touristique et des milliers de touristes qui participent à ces événements ». Ces événements attirent nombre d’acheteurs-abuseurs et Montréal est d’ailleurs surnommée « la Bangkok de l’Occident ».
RÉMI ET CM : même déni
Le RÉMI n’est, malheureusement, pas le seul organisme qui résiste à faire diminuer ce fléau. Au mois de mai 2021, le Conseil des Montréalaises (CM) a émis son Avis sur la traite des femmes à des fins d’exploitation sexuelle pendant le Grand Prix de Formule 1 du Canada(1). Cet avis défend rigoureusement les positions des tenantes de la légalisation totale de la prostitution. Panique morale, médiatisation sensationnaliste, manipulation des données à l’aide de mythes et d’anecdotes, manifestations alarmistes : voilà comment le CM qualifie les nombreuses dénonciations des groupes de femmes quant à l’augmentation de l’exploitation sexuelle lors du Grand Prix !
Pourtant, ces dénonciations s’appuient sur des données sérieuses et étayées par de nombreux groupes de femmes, dont des survivantes de la prostitution. Pour le Conseil, ces dénonciations ne visent qu’à « soulever l’indignation et à susciter des réactions émotives » réitère-t-il le plus sérieusement du monde !
Pour le CM, les dénonciations font partie des nombreuses offensives des abolitionnistes contre les adeptes de la prostitution !
Sans embarras, il reprenait les arguments éculés de ces adeptes : « l’accès aux soins de santé, la décriminalisation totale du travail du sexe afin de contrer la violence, et l’amorce d’un changement dans l’opinion publique par rapport au « travail du sexe ».
Soulignons que les soins de santé sont accessibles à toutes et à tous au Canada et que la violence est inhérente à la prostitution. Rappelons que la décriminalisation totale de la prostitution ne peut enrayer la violence complètement et les pays qui l’ont légalisée ont vu la situation des femmes prostituées se détériorer, ainsi en est-il en Allemagne(2).
Lorsque le Conseil parle de l’intérêt des « travailleuses du sexe » qui militent pour un changement au sein de l’opinion publique, il traduit leur désir de la décriminalisation totale de la prostitution comme s’il en était leur porte-parole.
La véritable violence est au cœur même de l’échange, du manque de désir des femmes prostituées pour les acheteurs-abuseurs qui achètent le consentement de celles-ci. Un consentement guidé par des besoins de base, non libre et non éclairé quoiqu’on en dise. Sinon, pourquoi 90% d’entre elles luttent-elles pour sortir de ce milieu ?
Cet avis du CM n’a aucunement tenu compte de la Loi sur la protection des collectivités et des personnes victimes d’exploitation votée en décembre 2014 par le fédéral. Comme si les acheteurs-abuseurs n’étaient pas criminalisés et surtout concernés. Une loi qui protège les femmes comme le déclarent plusieurs féministes et les survivantes de la prostitution.
On remarque surtout que les protagonistes de la prostitution sont absents, soit les clients-abuseurs et les proxénètes. Sans compter que la parole de toutes les femmes qu’on prostitue est tue !
Cet avis et le refus du RÉMI de reconnaître l’exploitation sexuelle des filles et des femmes lors des grands événements et de participer à la refréner sont décevants.
TOUS les événements d’envergure génèrent une augmentation de l’exploitation sexuelle. Ce qu’a fini par admettre le CM. La participation de tous les acteurs est essentielle : législateurs, municipalités, policiers et organismes.
Notes
1. Le Conseil des Montréalaises, « Avis du Conseil des Montréalaises sur la traite des femmes à des fins d’exploitation sexuelle pendant le Grand Prix de Formule 1 du Canada, 2021 Lire ici
2. Ingeborg Kraus, « Situation en Allemagne, 17 ans après la dépénalisation du proxénétisme - Discours de la Dre Ingeborg Kraus à l’assemblée Nationale de Paris, le 24. mai 2018, Trauma and Prostitution, 2018 : Lire ici