| Arts & Lettres | Poésie | Démocratie, laïcité, droits | Politique | Féminisme, rapports hommes-femmes | Femmes du monde | Polytechnique 6 décembre 1989 | Prostitution & pornographie | Syndrome d'aliénation parentale (SAP) | Voile islamique | Violences | Sociétés | Santé & Sciences | Textes anglais  

                   Sisyphe.org    Accueil                                   Plan du site                       






jeudi 27 novembre 2003


Micheline Dumont et Louise Toupin
Chroniques plurielles des luttes féministes au Québec

par Élaine Audet






Écrits d'Élaine Audet



Chercher dans ce site


AUTRES ARTICLES
DANS LA MEME RUBRIQUE


Manifeste du Front Féministe
Confondre le sexe biologique et le genre nuit aux droits des femmes
L’intersectionnalité : Les invectives grotesques et les procès d’intention !
Les mille et une façons de tuer une femme
Pour un féminisme universaliste
Fées cherchent Île Oasis
L’universalisme est inhérent au féminisme
Contre le racisme des bons sentiments qui livrent les femmes au patriarcat oriental
Les filles, ne baissez pas les bras !
La Ville de Québec a dévoilé quatre plaques commémoratives en hommage à des femmes ayant marqué son histoire
Qu’est-ce qu’une femme ?
La sororité est-elle possible ?
L’intersectionnalité dévoyée : le cheval de Troie des islamistes
Le système patriarcal à la base des inégalités entre les sexes
#8mars - Les "étincelles" de Sophie Grégoire Trudeau
Désolée, vous n’êtes pas égales
Élaine Audet et Micheline Carrier, récipiendaires du Prix PDF QUÉBEC 2016
Vous avez dit "mauvais genre" ?
Lorraine Pagé trace un tableau de la situation des femmes dans le monde
Sexisme politique, sexe social
Révolution féministe : site féministe universaliste et laïc
Il faut abolir les prisons pour femmes
Le féminisme islamique est-il un pseudo-féminisme ?
Pour un féminisme pluriel
Cachez-moi ce vilain féminisme
Féminisme - Le Groupe des treize veut rencontrer la ministre à la Condition féminine Lise Thériault
Combattre le patriarcat pour la dignité des femmes et le salut du monde
Martine Desjardins parle du Sommet des femmes à Montréal
Banaliser la misogynie, c’est dangereux
Féminisme - Faut-il faire le jeu du "Diviser pour régner" ?
Je suis blanche et vous me le reprochez !
La pensée binaire du féminisme intersectionnel ne peut que mener à l’incohérence
Lutter contre la pauvreté des femmes et la violence des hommes envers elles
"Du pain et des roses" - Le 26 mai 1995, une grande aventure débutait
Portrait des Québécoises en 2015 - L’égalité ? Mon œil !
Je plaide pour un féminisme qui n’essaie pas de s’édulcorer
La Maison de Marthe, première récipiendaire du Prix PDF Québec
Ensemble, réussir la 4ième Marche Mondiale des Femmes ! Tant que toutes les femmes ne seront pas libres, nous resterons en marche !
Des "Déchaînées" aux genoux du patriarcat !
L’intervention féministe intersectionnelle – Troquer un idéal pour une idéologie trompeuse ?
Ce que révèle l’alliance de certains musulmans avec la droite réactionnaire
Au cœur de la division du mouvement féministe québécois : deux visions
Désaccord sur le virage de la Fédération des femmes du Québec
Féminisme islamique - Quand la confusion politique ne profite pas au féminisme
États généraux du féminisme - Des sujets importants écartés : "De qui ou de quoi avons-nous peur ?"
PDF Québec est lancé ! - Une voix pour les droits des femmes
États généraux et FFQ - Un féminisme accusateur source de dissension
Ignorer et défendre la domination masculine : le piège de l’intersectionnalité
Comment les hommes peuvent appuyer le féminisme
Le féminisme contemporain dans la culture porno : ni le playboy de papa, ni le féminisme de maman
Refuser d’être un homme. Pour en finir avec la virilité
Les micro-identités et le "libre choix" érigé en système menacent les luttes féministes
La misogynie n’a pas sa place dans le féminisme
L’écriture équitable - La féminisation des textes est un acte politique
Réfutation de mensonges au sujet d’Andrea Dworkin
Une éducation féministe donne de meilleurs fils
"Rien n’a encore pu me détruire" : entretien avec Catharine A. MacKinnon
France - La mainmise des hommes sur le monde de la radio
États généraux sur le féminisme au Québec/FFQ - Des exclusions fondées sur des motifs idéologiques et des faussetés
Le mouvement des « droits des hommes », la CAFE et l’Université de Toronto
Mensonges patriarcaux - Le mouvement des « droits des hommes » et sa misogynie sur nos campus
Féministes, gare à la dépolitisation ! Les féminismes individualiste et postmoderne
"Les femmes de droite", une oeuvre magistrale d’Andrea Dworkin
"Je suis libre", une incantation magique censée nous libérer des structures oppressives
Trans, queers et libéraux font annuler une conférence féministe radicale à Londres
« Le féminisme ou la mort »
"Des paradis vraiment bizarres" - "Reflets dans un œil d’homme ", un essai de Nancy Huston
Quand les stéréotypes contrôlent nos sens
"Agentivité sexuelle" et appropriation des stratégies sexistes
Cessons de dire que les jeunes femmes ne s’identifient pas au féminisme !
Un grand moment de féminisme en milieu universitaire
Beauté fatale. Les nouveaux visages d’une aliénation féminine
Résistance au sexe en contexte hétérosexuel
La CHI - Un humour dégradant et complice de l’injustice sociale
"Heartbreak", une autobiographie d’Andrea Dworkin
Hockey, suicide et construction sociale de la masculinité
Polémique sur l’enseignement du genre dans les manuels scolaires en France
Le "Gender" à l’américaine - Un verbiage qui noie la réalité du pouvoir patriarcal
2011-2015 - Un plan d’action pour un Québec égalitaire
NousFemmes.org
L’égalité inachevée
Journée internationale des femmes 2011 - Briser le silence sur toutes les formes de sexisme
En France et ailleurs, 2010, une mauvaise année pour les femmes
Ce qu’est le féminisme radical
Polygamie - Le Comité de réflexion sur la situation des femmes immigrées et “racisées” appuie l’avis du CSF
Il y a trois ans, mon cher Léo...
La Fédération des femmes du Québec représente-t-elle toutes les femmes ?
Tout est rentable dans le corps des femmes... pour ceux qui l’exploitent
Incessante tyrannie
Comment le patriarcat et le capitalisme renforcent-ils conjointement l’oppression des femmes ?
Égalité ou différence ? Le féminisme face à ses divisions
Le "gender gap" dans les Technologies de l’information et de la communication
La Marche mondiale des femmes dix ans plus tard
Azilda Marchand : une Québécoise qui fut de tous les combats pour les femmes !
Les hommes proféministes : compagnons de route ou faux amis ?
Prostitution et voile intégral – Sisyphe censuré par le réseau féministe NetFemmes
Regard sur l’égalité entre les femmes et les hommes : où en sommes-nous au Québec ?
Féminisme en ménopause ?
Ce n’est pas la France des NOBELS !
Écarter d’excellentes candidates en médecine ? Inadmissible !
Trois mousquetaires au féminin : Susan B. Anthony, Elizabeth Cady Stanton et Matilda Joslyn Gage
La question des privilèges - Le réalisateur Patric Jean répond à des critiques
Lettre à Patric Jean, réalisateur de "La domination masculine", et à bien d’autres...
Une grande féministe, Laurette Chrétien-Sloan, décédée en décembre 2009
Le travail, tant qu’il nous plaira !
Comme une odeur de misogynie
La patineuse
Invasion du sexisme dans un lycée public
Magazines, anorgasmie et autres dysfonctions
"Toutes et tous ensemble pour les droits des femmes !"
Cent ans d’antiféminisme
MLF : "Antoinette Fouque a un petit côté sectaire"
Des femmes : Une histoire du MLF de 1968 à 2008
Qui est déconnectée ? Réponse à Nathalie Collard
Manifeste du rassemblement pancanadien des jeunes féministes
Pour une Charte des droits des femmes
Andy Srougi perd sa poursuite en diffamation
La lesbienne dans Le Deuxième Sexe
Le livre noir de la condition des femmes
La percée de la mouvance masculiniste en Occident
Procès du féminisme
Humanisme, pédocriminalité et résistance masculiniste
Une critique des pages sur le viol du livre "Le Plaisir de tuer"
Mise au point sur la suspension d’un article critiquant le livre du Dr Michel Dubec
Pour éviter de se noyer dans la (troisième) vague : réflexions sur l’histoire et l’actualité du féminisme radical
L’égalité des femmes au Québec, loin de la coupe aux lèvres !
Je suis féministe !
Écoféminisme et économie
Poursuite contre Barbara Legault et la revue "À Bâbord !" - Mise à jour
Biographie de Léo Thiers-Vidal
Vivement le temps de prendre son temps !
Séances d’information pour le projet d’une Politique d’égalité à la Ville de Montréal
Florence Montreynaud fait oeuvre d’amour et de mémoire
Magazines pour filles, changement de ton !
Un 30e anniversaire de la JIF sous la fronde conservatrice
L’égalité des femmes au Québec est-elle plus qu’une façade ?
Colloque sur Antigone
Prostitution et trafic sexuel - Dossier principal sur Sisyphe.org
Golf : "Gentlemen only, ladies forbidden" ?
Méchant ressac ou KIA raison ?
Dégénération de "Mes aïeux", un engouement questionnant
Les « Gender Studies », un gruyère confortable pour les universitaires
Réflexions "scientifiques" du haut du Mont Grey Lock
Madame, s’il vous plaît !
Annie Leclerc, philosophe
Des arguments de poids...
Pour hommes seulement
Andrea Dworkin ne croit pas que tout rapport sexuel hétéro est un viol
Peau d’Âme ou Beautés désespérées ?
Réflexions et questionnement d’une féministe en mutation
Mais pourquoi est-elle si méchante ?
Le concours « Les Jeudis Seins » s’inscrit dans le phénomène de l’hypersexualisation sociale
Aux femmes qui demandent - sans plus y croire - justice. Qu’elles vivent !
Jeux olympiques 2006 : félicitations, les filles !
7e Grève mondiale des femmes - Le Venezuela donne l’exemple
Évolution des droits des Québécoises et parcours d’une militante
2005, l’année de l’homme au Québec
Mes "problèmes de sexe" chez le garagiste !
Brèves considérations autour des représentations contemporaines du corps
OUI à la décriminalisation des personnes prostituées, NON à la décriminalisation de la prostitution
"Femmes, le pouvoir impossible", un livre de Marie-Joseph Bertini
L’AFEAS veut la représentation égalitaire à l’Assemblée nationale du Québec
Elles sont jeunes... eux pas
Dis-moi, « le genre », ça veut dire quoi ?
Quand donc les hommes ont-ils renoncé à la parole ?
Déconstruction du discours masculiniste sur la violence
Les hommes vont mal. Ah bon ?
La face visible d’un nouveau patriarcat
Quelle alternative au patriarcat ?
Le projet de loi du gouvernement Raffarin "relatif à la lutte contre les propos discriminatoires à caractère sexiste et homophobe" est indéfendable
L’influence des groupes de pères séparés sur le droit de la famille en Australie
Victoires incomplètes, avenir incertain : les enjeux du féminisme québécois
Retrouver l’élan du féminisme
Le droit d’éliminer les filles dans l’oeuf ?
Des nouvelles des masculinistes
Masculinisme et système de justice : du pleurnichage à l’intimidation
Nouvelle donne féministe : de la résistance à la conquête
Les masculinistes : s’ouvrir à leurs réalités et répondre à leurs besoins
Nouvelles Questions féministes : "À contresens de l’égalité"
S’assumer pour surmonter sa propre violence
Sisyphe, que de rochers il faudra encore rouler !
Coupables...et fières de l’être !
Un rapport de Condition féminine Canada démasque un discours qui nie les inégalités de genre
De la masculinité à l’anti-masculinisme : penser les rapports sociaux de sexe à partir d’une position sociale oppressive
Les courants de pensée féministe
Quelques commentaires sur la domination patriarcale
Qu’il est difficile de partir !
Deux cents participantes au premier rassemblement québécois des jeunes féministes
Le féminisme : comprendre, agir, changer
Le féminisme, une fausse route ? Une lutte secondaire ?
À l’ombre du Vaaag : retour sur le Point G
L’identité masculine ne se construit pas contre l’autre
Les hommes et le féminisme : intégrer la pensée féministe
La misère au masculin
Le Nobel de la paix 2003 à la juriste iranienne Shirin Ebadi
Hommes en désarroi et déroutes de la raison
Le « complot » féministe
Christine de Pisan au coeur d’une querelle antiféministe avant la lettre
Masculinisme et suicide chez les hommes
Le féminisme, chèvre émissaire !
L’autonomie de la FFQ, véritable enjeu de l’élection à la présidence
Les défis du féminisme d’aujourd’hui
Les arguments du discours masculiniste
Nouvelle présidente à la FFQ : changement de cap ?
La stratégie masculiniste, une offensive contre le féminisme
Le discours masculiniste dans les forums de discussion







Les éditions du Remue-ménage continuent à faire œuvre de mémoire en publiant La Pensée féministe au Québec (1), une volumineuse anthologie de textes sur les multiples luttes menées par les féministes québécoises de 1900 à 1985. Ce formidable travail de recherche est l’œuvre de l’historienne Micheline Dumont et de la chercheuse Louise Toupin. Il s’agit là d’un ouvrage de référence indispensable à qui veut connaître le parcours ininterrompu du mouvement féministe au Québec depuis près d’un siècle.

L’ouvrage, illustré par une iconographie riche et variée tirée des publications et des archives féministes, est divisé en trois parties : le féminisme et les droits de la femme (1900-1945), le féminisme comme groupe de pression (1945-1985) et le féminisme comme pensée radicale (1969-1985). Chaque partie possède sa propre introduction et conclusion. Le livre est également doté d’un précieux index des noms, des revues et des associations ainsi que d’une imposante bibliographie. Chaque article est précédé d’une courte introduction qui permet de le situer dans le contexte où il a été écrit.

Chacune des deux premières périodes comporte un chapitre sur le féminisme, le droit à l’instruction, le droit au travail, les droits civils et civiques, les questions reliées au droit criminel et les droits sociaux. La deuxième période comporte en plus un chapitre sur l’engagement et la représentation politique. La dernière période chevauche la précédente à partir de 1969 lors de l’émergence du féminisme radical. Celui-ci se démarque par rapport aux groupes de pression réformistes de l’époque, qui refusent de se dire féministes et réclament un réaménagement législatif plus équitable sans remettre en question les causes de la violence et de l’inégalité engendrées par un système fondé sur la subordination des femmes dans tous les domaines.

Dans la troisième partie intitulée « Le féminisme comme pensée autonome », on peut lire des textes sur la ré-appropriation du corps, la violence, le viol, la pornographie, le travail invisible, la remise en question du système hétérosexuel, la marginalisation des Québécoises, le féminisme dans l’action communautaire et le pouvoir, la politique et le pacifisme.

Découvertes et approfondissement

Bien qu’un ouvrage de ce genre ne puisse éviter les répétitions, il faut surtout souligner la présence de nombreux textes inédits, moins connus ou oubliés de femmes autonomes et de militantes inlassables comme Idola Saint-Jean, créatrice d’associations et de publications féministes, Éva Circé-Côté, fondatrice de la Bibliothèque municipale de Montréal et journaliste à l’hebdomadaire bilingue Le Monde ouvrier sous le pseudonyme de Julien Saint-Michel ou d’une poète et journaliste remarquable comme Fernande Saint-Martin dont on reproduit plusieurs textes parus dans Châtelaine.

« La place à laquelle la femme aspire n’est pas la place de l’homme comme certains faux prophètes le proclament avec un manque total de compréhension et de savoir, mais la sienne propre […] », écrit Idola Saint-Jean dans un texte qui répond aux antiféministes de tous les temps. Éva Circé Côté, pour qui le mariage représente une forme d’esclavage et de servage, appelle les femmes à la grève pour la rémunération des tâches domestiques, comme Lucile Durand (Louky Bersianik) les conviera plus tard à la grève des ventres pour conjurer le péril nucléaire. Pour sa part, Fernande Saint-Martin défend avec brio le célibat des femmes, l’autonomie et la non-mixité des groupes féministes.

De nombreux textes montrent que la lutte des femmes pour le contrôle de leur corps est une lutte politique, de là l’importance encore aujourd’hui de défendre le droit à l’avortement libre et gratuit, sans cesse remis en question par le pouvoir patriarcal pour garder sa mainmise sur les femmes. On trouve également d’excellents textes dénonçant la pornographie, le viol et les différentes formes de violence envers les femmes.

Sur l’importante question de la prostitution, on s’étonne toutefois de voir que les auteures n’aient choisi, dans la section consacrée au féminisme radical, que deux textes qui entérinent la notion de « travail du sexe » et sa décriminalisation totale. N’y avait-il donc à l’époque aucun texte présentant une position critique du système prostitutionnel et de l’impunité du couple client-proxénète qui font des femmes de simples marchandises ?

Perspectives

Dans l’épilogue, Micheline Dumont et Louise Toupin font la synthèse des trois périodes et essaient de décrire la nouvelle conjoncture féministe de 1985 à nos jours. Elles se demandent si aujourd’hui nous n’avons pas affaire « à une grille de lecture ’radicale’ de la réalité, née d’une conjoncture de contestation sociale et de remise en question de toutes les valeurs culturelles occidentales, plaquée sur la réalité d’une autre époque, issue d’une conjoncture néolibérale et conservatrice au plan social ? » Elles concluent en se demandant s’il n’est pas anachronique pour les féministes de continuer à déterminer leurs actions à partir d’une analyse radicale de la réalité.

Il y a fort à parier, si c’est ce qu’elles ont en tête, que relativiser les revendications féministes, au nom de la conjoncture, n’entraîne à plus ou moins brève échéance un recul important pour les femmes et l’augmentation de l’iniquité, de la violence et de la discrimination à leur égard. Comme nous l’a enseigné, à travers l’histoire, l’expérience des femmes dans les luttes pour le socialisme, le communisme ou la libération nationale, les valeurs patriarcales et les stéréotypes sexuels doivent être combattus séparément, sur leur propre terrain, sous peine de renaître sans cesse de leurs cendres. La plus grande force de l’anthologie est d’ailleurs de nous rappeler, page après page, l’importance de la solidarité entre femmes et la nécessité de poursuivre la lutte tant dans l’intimité de nos vies que dans la sphère publique.

Certains articles viennent à point clarifier le sens du terme « féminisme radical » qui, contrairement à ce que ne cessent de répéter les médias et les antiféministes, n’est pas synonyme d’extrémisme mais de « prendre les choses par la racine », « remonter aux causes ». Le terme est apparu en 1969 lors de la fondation du Front de libération des femmes du Québec (FLFQ). Il caractérise les groupes autonomes de femmes, non-mixtes, qui mettent l’accent sur l’analyse du patriarcat comme oppression spécifique des femmes, et la priorité donnée aux luttes pour y mettre fin.

En 1982, dans un article consacré au féminisme radical, Micheline Carrier écrivait dans Le Devoir : « Autonomes sur le plan économique, libres de mettre en chantier leurs aspirations personnelles et de puiser à des sources variées leur nourriture affective, intellectuelle et spirituelle, les femmes n’auront plus guère de motifs d’acheter la paix et d’accepter que se perpétue le colonialisme sexuel, pierre d’assise de la domination masculine (2). »

Titre et critères de sélection

Micheline Dumont et Louise Toupin ont défini leurs critères de sélection par le choix « de cibler avant tout des militantes, ces femmes engagées dans l’action concrète, qui parlent et écrivent à partir d’une pratique relevant d’un champ du féminisme ». Elles disent avoir « voulu privilégier des textes de féministes ’terrain’ par opposition aux analyses d’observatrices de l’extérieur. » (p. 24)

Pourquoi alors avoir autant donné la parole à des journalistes qui sont par définition des "observatrices extérieures" ? Pourquoi avoir écarté les créatrices et les intellectuelles dont le « terrain » féministe de lutte est l’écrit ? Le titre de l’ouvrage ne prête-t-il pas à confusion puisque, en réalité, il n’illustre que la dimension pratique de la pensée féministe, en laissant de côté tout son foisonnement théorique ainsi que le combat pour féminiser la langue et faire du « je » féminin le sujet de la fiction, du verbe et du changement ?

Aucun extrait des textes, publiés avant 1985, par Louky Bersianik, Madeleine Ouellette-Michalska (3), Nicole Brossard, pour ne nommer que celles-là, ne figure dans l’anthologie. Aucune trace non plus des écrits de Nicole Laurin-Frenette, de Jeanne Lapointe ou de Suzanne Lamy et Irène Pagès qui, dans Féminité, subversion, écriture (1983), regroupaient des communications présentées dans les ateliers d’études féministes illustrant la vitalité et la profusion des écrits de femmes comme mode d’expression autonome remettant en question l’ordre patriarcal (4).

Louky Bersianik a elle-même publié dans La Main tranchante du symbole (5) des extraits de l’Euguélionne (1976) et des textes féministes comme Les Agénésies du vieux monde (1980) et Ouvrage de dame (1982). Même chose pour Nicole Brossard qui a regroupé dans La Lettre aérienne (1985) des textes importants pour la mémoire féministe et lesbienne (6).

En dépit de ces lacunes, La Pensée féministe au Québec est un livre essentiel qui fait le pont entre les diverses étapes de la lutte féministe et permet aux plus jeunes de se documenter sur ces femmes audacieuses et courageuses qui ont osé défier l’ordre patriarcal, affirmer leur autonomie et réclamer le droit d’être des citoyennes à part entière.

Notes

(1) Micheline Dumont et Louise Toupin, La Pensée féministe au Québec/anthologie 1900-1985, Montréal, Remue-ménage, 2003.
(2) Ibid., p. 493. Micheline Carrier, « Ce féminisme qu’on dit radical », Montréal, Le Devoir, 13 juillet 1982.
(3) Suzanne Lamy et Irène Pagès, Féminité, subversion, écriture, Montréal, Remue-Ménage, 1983.
(4) Madeleine Ouellette-Michalska, Les Échappées du discours de l’œil, Montréal, Nouvelle Optique, 1981 et Typo, 1990.
(5) Louky Bersianik, La Main tranchante du symbole, Montréal, Remue-Ménage, 1990.
(6) Nicole Brossard, La Lettre aérienne, Montréal, Remue-ménage, 1985.

Mis en ligne sur Sisyphe le 18 novembre 2003



Format Noir & Blanc pour mieux imprimer ce texteImprimer ce texte   Nous suivre sur Twitter   Nous suivre sur Facebook
   Commenter cet article plus bas.


Élaine Audet

Élaine Audet a publié, au Québec et en Europe, des recueils de poésie et des essais, et elle a collaboré à plusieurs ouvrages collectifs. Depuis 2002, elle est l’une des deux éditrices de Sisyphe.
Ses plus récentes publications sont :
 Prostitution - perspectives féministes, (éditions Sisyphe, 2005).
 La plénitude et la limite, poésie, (éditions Sisyphe, 2006).
 Prostitution, Feminist Perspectives, (éditions Sisyphe, 2009).
 Sel et sang de la mémoire, Polytechnique, 6 décembre 1989, poésie, (éditions Sisyphe, 2009).
 L’épreuve du coeur, poésie, (papier & pdf num., éditions Sisyphe, 2014).
 Au fil de l’impossible, poésie, pdf num., (éditions Sisyphe, 2015).
 Tutoyer l’infini, poésie,pdf num., 2017.
 Le temps suspendu, pdf num., 2019.

On peut lire ce qu’en pensent
les critiques et se procurer les livres d’Élaine Audet
ICI.



    Pour afficher en permanence les plus récents titres et le logo de Sisyphe.org sur votre site, visitez la brève À propos de Sisyphe.

© SISYPHE 2002-2003
http://sisyphe.org | Archives | Plan du site | Copyright Sisyphe 2002-2016 | |Retour à la page d'accueil |Admin