| Arts & Lettres | Poésie | Démocratie, laïcité, droits | Politique | Féminisme, rapports hommes-femmes | Polytechnique 6 décembre 1989

| Prostitution & pornographie | Syndrome d'aliénation parentale (SAP) | Voile islamique | Violences | Sociétés | Santé & Sciences | Textes anglais  



                   Sisyphe.org    Accueil                                                         







jeudi 12 février 2009
Lettre à Marie-France Bazzo - L’honnêteté aurait bien meilleur goût

Madame Marie-France Bazzo
Télé-Québec
info@bazzo.tv

J’ai écouté les échanges sur Polytechnique et les féministes à votre émission ("Les féministes se sont-elles approprié les événements de Polytechnique ?"), jeudi soir, et j’en suis restée bouche bée. Quelle malhonnêteté ! J’espère que vous ne prétendez pas faire de l’information sérieuse, je préfère considérer votre émission comme un simple divertissement. Vous invitez des gens à déblatérer sur le dos des féministes sans avoir le courage d’en inviter une pour donner son point de vue.

Relisez la lettre de Marc Lépine, que je joins à ce message. Remplacez le mot "féministes" par le mot "Noirs" et les 14 jeunes étudiantes qu’il a tuées, en les séparant des garçons, par 14 étudiants noirs (peu importe le sexe) qu’il aurait séparés des étudiants blancs. Ne croyez-vous pas que la communauté noire aurait été justifiée de se sentir visée par un criminel qui tue 14 personnes noires en criant "j’haïs les Noirs" ? Ne croyez-vous pas que cette communauté aurait été justifiée d’analyser ce geste comme du racisme ? Croyez-vous que ses membres auraient eu tort de se sentir meurtris par ce drame et qu’ils auraient enterré l’événement en décidant de ne plus jamais en parler ? Pourquoi les féministes, contre lesquelles le tueur de 1989 a dirigé sa haine, en l’exprimant clairement par écrit et de vive voix, devraient-elles faire semblant de ne pas être concernées par ce drame, de ne pas "le prendre personnel", de nier son caractère politique ?

Vous n’avez jamais imaginé que des féministes puissent souffrir, même 20 ans plus tard, à cause de ce drame, elles qu’on charge de tous les maux ? Tout le monde est censé avoir été bouleversé et blessé par ce crime, mais les féministes ne l’auraient pas été, elles ? Avez-vous seulement comparé les propos de plusieurs hommes, qui justifiaient le crime de Marc Lépine, aux propos excessifs de quelques féministes qui exprimaient une colère et une peine légitimes ? Les féministes n’ont pas récupéré ce drame, elles l’ont analysé et ont cherché à en comprendre le sens. Mais des hommes, qu’on appelle masculinistes, l’ont récupéré, eux, et mènent depuis 20 ans une guerre contre les femmes et les féministes qu’ils rendent responsables de tous leurs problèmes, comme le faisait Lépine, et parfois avec les mêmes mots. Si vous en doutez, je peux vous transmettre les courriels que je reçois toutes les semaines, et notamment ceux que j’ai reçus depuis deux jours. (Voir cette rubrique, si vous avez l’honnêteté de vous informer). Sinon, continuez de croire à un fou furieux et à un crime inexplicable. C’est tellement plus facile et plus rassurant.

En écoutant votre émission, je pensais à la regrettée Hélène Pedneault qui a longtemps collaboré à votre émission de radio. Vous n’avez visiblement rien appris à son contact, vous n’avez pas su tirer profit de sa grande générosité, de son intelligence, de ses analyses si justes et clairvoyantes, de son aptitude à comprendre la société, les êtres humains, et oui, les féministes, qui sont aussi des êtres humains. Il convient de le rappeler, car certains et certaines semblent l’oublier.

Je ne doute pas que, si vous recevez deux ou trois lettres comme la mienne, vous prétendiez que LES féministes vous sont "tombées dessus" ou ont occupé tout l’espace de parole.

Micheline Carrier,
éditrice d’un site féministe radical, c’est-à-dire qui cherche à comprendre et à analyser les racines ou causes de la condition des femmes et non à se faire croire que tout est gagné.

 Lire "Polytechnique - Impressions en forme de malaise".

Mis en ligne sur Sisyphe, le 12 février 2009



Partagez cette page.
Share



Commenter ce texte
modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par un administrateur du site.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Ce formulaire accepte les raccourcis SPIP [->url] {{gras}} {italique} <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

*    Nous suivre sur Twitter ou en créant une alerte Sisyphe dans les Actualités de Google.

© Sisyphe 2002-2014




Chercher dans ce site
Lire les articles de la page d'accueil


LES AUTRES BRÈVES
DE CETTE RUBRIQUE


lundi 2 décembre
Paris, 6 décembre : gardons la mémoire des 14 femmes assassinées par un anti-feministe !
samedi 30 novembre
un cri un chant des voix
mercredi 6 décembre
PolySeSouvient
vendredi 2 décembre
6 décembre 1989 - Familles et survivantEs attendent toujours la réalisation des promesses électorales libérales quant au contrôle des armes ... et invitent le public à envoyer un message à Trudeau et Goodale
vendredi 5 décembre
La CLES souligne l’entrée en vigueur de la Loi sur la protection des collectivités et des victimes d’exploitation
vendredi 5 décembre
CSF - Journée nationale de commémoration et d’action contre la violence faite aux femmes - Agir ensemble pour que ça cesse !
mardi 2 décembre
Deux spectacles pour le 6 décembre - "En souvenir d’elles" à la Salle Claude-Champagne (OUM) et "Quatorze voix unies..." au Théâtre Outremont
vendredi 28 novembre
Chaire Claire-Bonenfant - S’unir contre la violence faite aux femmes
jeudi 27 novembre
Encore féministes ! Paris, samedi 6 décembre à 19h : commémoration du massacre anti-féministe à la Polytechnique de Montréal
mardi 25 novembre
Condition féminine Canada - 16 jours d’activités contre la violence faite aux femmes








Lettre à Marie-France Bazzo - Un féminisme nouveau qui ne serait pas féministe
13 février 2009, par Élaine Audet
Lettre à Marie-France Bazzo - L’honnêteté aurait bien meilleur goût
13 février 2009, par Rhéa Jean



Lettre à Marie-France Bazzo - Un féminisme nouveau qui ne serait pas féministe
13 février 2009, par Élaine Audet   [retour au début des forums]

Bonjour Marie-France Bazzo,

Vous avez choisi de donner la parole à Catherine Fol qui prétend parler au nom d’un nouveau féminisme qui ne serait pas féministe ! Si vous aviez le moindre souci d’objectivité, vous auriez pu inviter une de ces jeunes féministes qui ont entre 15 et 35 ans et ne partagent pas les vues de Catherine Fol ni de Nathalie Provost.

Manifeste des jeunes féministes "Toujours rebElles" 2008

500 jeunes féministes originaires d’un bout à l’autre du Canada participent à une rencontre non-mixte

Vous auriez pu aussi inviter Catherine Bergeron, soeur d’une des victimes, Geneviève Bergeron, ou Jean-François Larivée, conjoint d’une autre jeune femmes assassinée, Maryse Laganière, qui, contrairement à vos invités, n’a pas craint de nommer à juste titre le sexisme et le laxisme comme causes du massacre : "Oui, nous sommes une société sexiste. Nous pensions que nous ne l’étions pas. Nous pensons encore que nous ne le sommes pas. Tant que nous n’en prendrons pas conscience, nous le resterons." Dans ce texte, lu lors de la commémoration de 1994, Jean-François Larivée ajoutait : "Il y a beaucoup d’erreurs dans ce drame. Beaucoup trop. Et si l’erreur, c’était d’être femme ? D’être toujours le bouc émissaire de toutes les frustrations ? [...] Le laxisme, c’est de laisser circuler des propos haineux au nom de la liberté de parole. De combien de propos haineux envers les femmes l’assassin des 14 victimes avait-il nourri son esprit malade ? " .

Également, l’une des 19 féministes que Marc Lépine regrette de n’avoir pas eu le temps d’abattre, notamment la journaliste Francine Pelletier.

Une seule et même phrase domine depuis 1989. LES féministes auraient dit qu’en chaque homme sommeille un Marc Lépine. Connaissez-vous la source de cette phrase utilisée pour bâillonner les féministes ? Personnellement, je n’ai pu en trouver la provenance dans aucun document ou moteur de recherche. Avant de la répéter ad nauseam, peut-être faudrait-il minimalement vérifier les sources. Cette affirmation anonyme peut-elle être plus importante que la lettre du tueur ?

En tant que journaliste, écrivaine et éditrice, j’ai gardé tous les articles parus à chaque commémoration de Poly. Vous auriez intérêt à vous informer si vous voulez continuer à être crédible. À la suite du massacre, la majorité des médias ont surtout donné la parole à des hommes et à des antiféministes comme Roch Côté.

Une attitude aussi injuste me peine de la part d’une personne qui possède un tel talent de communicatrice. J’imagine que l’approbation masculine est plus importante que la vérité et mène plus loin dans l’échelle sociale.

Élaine Audet
Écrivaine et éditrice du site Sisyphe et des éditions Sisyphe

[Répondre à ce message]

Lettre à Marie-France Bazzo - L’honnêteté aurait bien meilleur goût
13 février 2009, par Rhéa Jean   [retour au début des forums]
Une autre réaction à la discussion de Bazzo.tv

Excellente réplique ! J’ai également envoyé ma réaction le 12 février à Bazzo.tv.
La voici :

Que l’on n’ait pas invité de féministes pour cette discussion sur le féminisme
et Polytechnique démontre bien la mauvaise foi et l’entreprise de backlash
anti-féministe qui a cours dans notre société, y compris dans une émission
comme la vôtre. Il est facile de "tirer" sur les féministes quand elles ne sont
pas là pour se défendre.

Que certaines féministes aient pu avoir des propos exagérés, sûrement. Mais
pourquoi dénigrer pour autant le mouvement ? Il y a des souverainistes qui ont
dit des conneries : doit-on pour autant, à l’instar de Sarkozy, dénigrer la
raison d’être de ce mouvement ?

Les rapports hommes-femmes seraient maintenant égaux et le féminisme aurait
atteint ses buts ? Il semblerait bien que nous ne vivons pas dans le même
monde. Dans le monde dans lequel je vis, les femmes sont plus pauvres que les
hommes, les femmes doivent être jeunes, belles et sexy pour attirer
l’attention, les femmes continuent à être abusées sexuellement et à devenir
prostituées, les femmes très scolarisées font encore peur aux hommes, et ce
sont les femmes qui, dans la plupart des ménages, continuent à avoir la responsabilité principale des
enfants et de la maison, en dépit de leur carrière. De plus, le Québec et les
pays occidentaux n’échappent pas à la problématique du trafic des femmes.
Enfin, dans le reste du monde, on retrouve des femmes excisées, répudiées,
battues impunément, analphabètes, ayant un statut de mineures aux yeux de la
loi, etc. etc.

Le féminisme n’aurait plus sa raison d’être ? Que seraient les carrières de
Mesdames Bazzo et Fol sans le féminisme ? Il n’a plus sa raison d’être alors
que des jeunes filles de 12 ans se sentent obligées d’être disponibles sexuellement pour "faire partie de la gang"
 ? Il n’a plus sa raison d’être alors qu’il reste tant à faire, ici comme
ailleurs ?

Certaines féministes d’origines étrangères sont très surprises lorsqu’elles
arrivent ici et entendent des personnes affirmer que le féminisme n’a plus sa
raison d’être. Elles sont à la fois choquées du manque de solidarité des gens
envers les femmes des pays du Sud et surprises de notre aveuglement collectif
devant les inégalités qui persistent toujours au Québec.

Cela dit, ce ne sont pas particulièrement "les étudiants de sexe masculin de Polytechnique", ni
"tous les hommes" qui exploitent les femmes ou qui sont sexistes : mais nier
qu’il y ait exploitation des hommes sur les femmes et inégalité entre les sexes
dans notre société est un non sens. C’est un peu comme s’il fallait arrêter de
dire qu’il y a du racisme et arrêter de combattre le racisme sous prétexte que
vous, moi et la plupart de nos amis ne sommes pas racistes. C’est un peu à ça
que ressemblait votre discussion : un groupe de personnes favorisées qui ne
vivent pas la problémetique du sexisme de façon frappante dans leur propre vie
(précisons qu’il n’y avait que deux femmes sur les sept personnes, si on inclut
l’animatrice) et qui se permettent de dire que la question est réglée
socialement. Cette discussion m’est apparue beaucoup plus simpliste que le
mouvement féministe, en dépit de ce que les intervenants ont pu dire.

Rhéa Jean, Montréal

[Répondre à ce message]

http://sisyphe.org | Archives | Plan du site | Copyright Sisyphe 2002-2016 | |Page d'accueil |Admin