samedi 6 décembre 2003
Où s’en vont nos services de planning des naissances ?
Montréal, décembre 2003- Le 5 décembre prochain, la clinique de
planning des naissances de l’hôpital Notre-Dame, première clinique de
planning au Québec, fermera ses portes sans justification évidente.
Pourtant cette clinique desservait plus de 4 000 femmes et pratiquait
500 avortements annuellement. Serions-nous encore en train d’assister à
l’effritement des services de planning jugés non prioritaires ou non
désirables par certains directeurs d’établissements ?
Au mois de mai dernier, les professionnel-les de la santé qui
travaillaient à la clinique de planning apprenaient avec stupéfaction
que celle-ci allait fermer ses portes au cours de l’été 2003. Suite à de
nombreux pourparlers, M. Levine, directeur général de la Régie régionale
de Montréal, a réussi à imposer un moratoire sur la fermeture jusqu’à ce
que la Régie trouve le moyen d’assurer le transfert des 500 avortements
et des autres services de planning, tels que les consultations en
contraception, à d’autres établissements et ce, sans coupures de
services pour les femmes.
Les deux seuls établissements qui étaient prêts à absorber ce transfert
important étaient l’hôpital LaSalle et le CLSC des Faubourgs. Mais après
évaluation des besoins financiers additionnels respectifs pour chacun
d’entre eux, c’est l’hôpital LaSalle qui remporta la palme du plus petit
investissement nécessaire. Or, bien que le CLSC des Faubourgs soit
beaucoup plus accessible aux femmes du territoire montréalais, l’hôpital
Notre-Dame a conclu une entente avec l’hôpital LaSalle qui se retrouve
très loin du centre-ville. Les femmes devront donc parcourir un long
trajet en métro et en autobus pour s’y rendre.et en revenir !
Heureusement, des budgets sont prévus pour défrayer les coûts de
transport pour les femmes qui n’en ont pas les moyens.
Cette fermeture est justifiée par les démarches de redressement des
finances de l’hôpital Notre-Dame. Comme chaque département se devait de récupérer un peu d’argent, le département de médecine générale a mis le couteau dans les services de planning qui, dans les faits,
représentaient une part insignifiante de l’ensemble des dépenses
générales du département. Selon le Dr Guimond du Comité vigilance
(Regroupement québécois des professionnel-les de la santé qui
travaillent dans les services d’avortement), « la fermeture sera
considérée comme une grande victoire pour tous les bigots qui croient
que la raison morale, religieuse ou éthique doit primer sur la liberté
de choix des femmes en matière de contraception et d’avortement ».
Selon Martine David, coordonnatrice à la Fédération du Québec pour le
planning des naissances, « Bien que cette fermeture soit très choquante,
nous ne sommes pas surprises. Depuis que nous avons perdu les budgets
protégés en planning dans les années 1980 et que les gouvernements sont engagés dans la lutte au déficit zéro, les cliniques de planning sont
les premières à se voir couper une partie ou la totalité de leur
service. Pourtant, on sait fort bien que l’ensemble des femmes auront
recours aux services de planning tout au long de leur vie sexuelle et
reproductive. » Par ailleurs, même si le gouvernement a investi 2,7
millions en 2001 pour consolider et augmenter l’accessibilité aux
services d’avortement, certains établissements se désengagent
graduellement de l’offre de ce service.
Pour la population, la fermeture de la clinique de planning de l’hôpital
Notre-Dame constitue une perte énorme au niveau de l’expertise au sein
d’un service qui existait depuis plus de 30 ans et qui demeurait, pour
plusieurs femmes, le lieu premier de référence. Il s’agissait aussi d’un
des seuls centres hospitaliers à offrir un service téléphonique
personnalisé pour les rendez-vous en avortement, cinq jours par semaine.
Pour Martine David, « Comme la clinique desservait principalement des
Montréalaises, il serait étonnant qu’une majorité des 500 femmes qui
utilisaient ces services se rendent dorénavant jusqu’à l’hôpital
LaSalle, ce qui risque d’encombrer encore plus les listes d’attente déjà
surchargées à Montréal et d’augmenter l’angoisse des femmes qui devront peut-être attendre plusieurs semaines avant d’avoir accès à un service d’avortement ».
Cette fermeture s’inscrit également dans un contexte de fusion des
établissements et de mouvance vers des services de troisième ligne ultra
spécialisés. En effet, l’hôpital Notre-Dame qui fait partie du Centre
hospitalier universitaire de Montréal (CHUM) au même titre que l’hôpital
St-Luc et l’Hôtel-Dieu, a déjà commencé à délaisser ses services de
première ligne avant même que le CHUM ne revoit de manière globale son mandat. Dans ce contexte, quelle place sera faite aux services de
planning qui sont davantage de l’ordre de la prévention et qui répondent
aux besoins essentiels de base des femmes ?
De son côté, la Régie régionale de Montréal s’est engagée à suivre de
près le dossier du transfert. Pour ce faire, elle a demandé au centre
hospitalier LaSalle de transmettre mensuellement des informations sur le volume d’interruptions volontaires de grossesse, et sur les rendez-vous annulés ou référés à d’autres établissements. Elle restera aussi à l’affût de l’augmentation de la demande dans les services d’avortement offerts à Montréal, notamment au CLSC des Faubourgs et au Centre de santé des femmes et demeurera à l’écoute des besoins des femmes de la région de Montréal dans ce domaine.