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Un titre aguichant mais aberrant !

11 janvier 2009, 01:40, par M. Prevost

Je comprends bien que le titre du documentaire puisse mener à cette confusion, mais je suggère de le lire ainsi : au début l’amour, à la fin le meurtre - que s’est-il passé entre les deux ?

D’abord, tout au long du documentaire, on est très loin de justifier quoi que ce soit. On peut aborder un crime de plusieurs façons : tenter de le justifier en est une, mais le comprendre, l’expliquer en est une autre. Comme je le disais, entre l’amour et la mort violente, il existe une trame d’événements que l’on gagne à démystifier. C’est à mon sens ce que font les rares meurtriers (et leurs proches) appelés à témoigner dans ce film.

Ce qui frappe l’esprit quand on écoute ces récits, c’est que les perpétrateurs sont, après coup, surpris d’eux-mêmes : ils n’auraient jamais pensé en arriver là. Ceci à mon sens révèle, premièrement, toute la perte de contrôle que vivent ces hommes. D’une certaine façon, ils s’échappent à eux-mêmes.

Mais ce que cela nous dit, deuxièmement, c’est que contrairement à ce qu’une certaine théorie féministe soutient, il est particulièrement étranger à la nature d’un homme qui entre en relation avec une femme de vouloir la dominer "parce qu’elle est femme". Sauf les psychopathes, l’écrasante majorité des hommes entrent dans une relation sérieuse avec l’espoir à la fois candide et infiniment normal de fonder un couple durable et sain. La violence et ultimement, le meurtre, sont les seuls outils, extrêmement maladroits et bien sûr illégaux, que trouvent des hommes incapables de trouver d’autres avenues pour résoudre leurs conflits.

Je sais que Mme St-Amour rejette, comme beaucoup de féministes, la théorie du "désarroi des hommes au Québec". Je lui accorderais qu’il est contre-productif de jouer à "qui est le plus malenpoint" et de se servir de prétentions sur le malaise masculin pour tenter de justifier la violence conjugale.

Cependant, quand vous regardez attentivement les hommes de ce documentaire - sous-éduqués, alcooliques, toxicomanes, gagne-petit - y voyez-vous vraiment les grands vainqueurs de ce soi-disant patriarcat oppresseur de femmes ? Personnellement, j’y vois plutôt des hommes victimes non pas des femmes ou des féministes, mais victimes de leurs propres incapacités. J’y vois des hommes qui éprouvent tout sauf un sentiment de victoire après l’acte : parlons plutôt de honte, de détresse et de culpabilité.

Vous prétendez enfin qu’il existe suffisamment de ressources pour les hommes au Québec. Mme Carrier vous seconde en publiant son article, mais fait quelques omissions. D’abord, si on retranche toutes les ressources disponibles aux hommes déjà violents, il ne reste que quelques réseaux d’entraide épars, pas ou peu financés, souvent surchargés et contraints à placer les demandeurs d’aide sur une liste d’attente.

Quant aux services de santé, leur présence n’est d’aucun secours si les répondants ne sont pas adéquatement formés pour offrir des services d’urgence aux hommes en détresse.

Une autre réalité des services aux hommes, c’est l’extrême maigreur du financement octroyé aux chercheurs universitaires qui désirent approfondir les problématiques masculines d’un strict point de vue masculin. Je pourrais vous citer des noms de chercheurs qui ont travaillé presque aussi fort à leur quête de financement qu’à leur travaux de recherche eux-mêmes.

Je comprends que les dénonciations du lobby féministe en dernière partie du documentaire puisse vous irriter. Je vous dirai pour ma part que je laisse à Diane Bouffard, l’Après-Rupture et consorts le monopole de cette critique, mais qu’en revanche, je pense qu’il y a un peu de vrai dans cet aspect du documentaire.

Le mouvement féministe québécois a en effet cette tendance à jeter toutes "les violences" dans un même bac - violences religieuses, pornographie, Polytechnique, violence conjugale, agressions sexuelles - en concluant que le problème de fond est ce conditionnement mâle à posséder les femmes aux dépens de leur sécurité. Cette approche hautement théorique - et qui risque pour cette raison d’être à jamais disputée - fait trop dans l’idéologie et beaucoup trop peu dans le concret. Elle mélange toutes sortes de violences dont la genèse diffère éminemment et empêche obstinément la vraie question, la plus simple, d’être posée : que s’est-il passé pour aller d’amour à violence et comment aider ses auteurs potentiels à ne jamais se confirmer dans cette voie ?