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vendredi 28 octobre 2011

Déclaration du Réseau international de solidarité Femmes sous lois musulmanes (WLUML) sur la situation en Libye
Les femmes, premières ciblées






Écrits d'Élaine Audet



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WLUML s’inquiète du fait que le premier acte public du Comité national de transition de Libye ait été de proclamer, le 23 octobre 2011, l’annulation d’un certain nombre de lois, pour les remplacer par ’la sharia’. Le Comité national de transition de Libye est un gouvernement intérimaire : ce dont il est chargé, et qui aurait dû être sa première action, c’est de mettre en place un mécanisme pour organiser l’élection d’un nouveau gouvernement, après la chute du régime de Kadhafi.

WLUML ressent l’urgence de réfléchir et de soulever un certain nombre de questions à propos de cette déclaration sur ’la sharia’.

Tout d’abord, si l’on accepte l’idée que la démocratie, c’est la loi du peuple telle qu’elle s’exprime par les urnes, il est gênant que le premier acte de ce gouvernement de transition (il succède à un gouvernement autocratique qu’il a dénoncé) soit de gouverner par décret, au lieu de consulter le peuple par des moyens démocratiques. Les lois ne devraient pas être annulées par la volonté d’un ou de plusieurs dirigeants ; elles devraient être réformées, après consultation démocratique, par la volonté et le vote du peuple. En faire autrement, c’est remplacer un dirigeant non démocrate par un autre ; c’est confondre la démocratie avec l’autocratie, la monarchie ou l’oligarchie.

WLUML soutiendra toute initiative d’associations indépendantes de femmes et de la société civile de Lybie pour exiger l’application de règles démocratiques.

Les femmes, directement ciblées

Ensuite, quand on regarde quelles lois sont annulées de fait et remplacées par des lois religieuses, on s’aperçoit que ce sont celles qui affectent directement les droits des femmes dans le mariage, le divorce, la garde des enfants, la polygamie, l’héritage, etc., c’est-à-dire les codes de la famille ou les lois de statut personnel. Les femmes sont directement ciblées par ce changement législatif et perdront, dans ce processus, bien des droits acquis.

Enfin, quelle est cette ’sharia’ invoquée dans la déclaration libyenne ?

WLUML sait bien, et ce, de par ses propres recherches*, que les lois dites islamiques - lois que l’on dit dérivées de la jurisprudence islamique ou ’fiqh’ (souvent à tort dénommée ’sharia’) -, ou considérées conformes à ’la sharia’, varient énormément d’un pays à l’autre - apportant ainsi la preuve qu’elles sont bien issues de la main de l’homme et qu’elles ne sont pas divines. Bien plus, elles incluent souvent des éléments de cultures et traditions qui n’ont rien à voir avec la religion, et même des lois coloniales quand celles-ci confortent les intérêts locaux du patriarcat. C’est ainsi que des traditions locales telles que le ’muta’a’ (mariage temporaire) ou les MGF (mutilations génitales féminines) sont adoptées comme parties intégrantes de la ’religion’. C’est également la manière dont l’Algérie nouvellement indépendante a reconduit, dans les années 1960, la loi française de 1922 (alors changée en France), privant ainsi les citoyennes de tout accès à la contraception et à l’avortement. Et au Mali, le code de la famille promulgué en 2009, a provoqué un tel tollé de la part des organisations traditionalistes musulmanes qui l’ont déclaré non conforme à la ’sharia’, que bien qu’il ait été démocratiquement voté par des musulmans non conservateurs - y compris des femmes et des laïques - le Président l’a suspendue sine die.

On voit, ici encore, ce que sont la démocratie et ’la sharia’ dans un pays qui - plus est - a signé les conventions internationales sur les droits des femmes. Plus récemment, l’Arabie Saoudite a également été mise sous pression pour avoir interdit aux femmes, pendant des décennies, de conduire et voter (qui apparaît balancé pour changer), sur la base de son interprétation du ’fiqh’. Enfin, la Libye, elle-même, a signé les conventions internationales des droits de la femme qui se sont attachées, entre autres, à éliminer toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes.

Si l’on s’en tient au seul point de vue de la religion, le Coran lui-même peut être lu et interprété de différentes façons. La divergence d’opinion (’iktilaf’) est une tradition admise en islam. La Tunisie prenait, en 1956, la décision historique d’interdire la polygynie (dite polygamie), ses législateurs prenant appui sur le fait que si le Coran exigeait que les quatre épouses soient traitées parfaitement également, c’était bien pour indiquer l’infaisabilité pour un homme de s’y conformer. En 1962, l’Algérie utilisait le même verset pour autoriser un homme à avoir quatre épouses et à légitimer la polygamie. Laquelle de ces versions contradictoires est ’la sharia’ ?

Nous dénonçons l’utilisation laxiste du terme ’sharia’ pour donner une fausse légitimité religieuse aux interprétations patriarcales de la religion, ainsi qu’aux traditions patriarcales.

WLUML en appelle aux organisations de femmes et aux forces de progrès dans le monde, pour rester en alerte devant les contradictions entre la prétention à la démocratie et l’utilisation de décrets appliquant des lois religieuses mal définies.

Nous en appelons également à protester quand des gouvernements et des groupes politiques justifient leurs décisions patriarcales au nom de ’la sharia’.

* Réf. : Knowing Our Rights Family, Laws and Customs in the Muslim World, 3ème édition, Londres, 2006, www.wluml.org. Une version française est en cours de publication.

Source : Femmes sous lois musulmanes, le 28 octobre 2011.

Version anglaise : "Women Living Under Muslim Laws Statement on Libya".

Mis en ligne sur Sisyphe, le 28 octobre 2011



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