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jeudi 26 mai 2016 "Femme, réveille-toi". Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, par Olympe de Gouges
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De temps en temps, quand l’actualité n’a pas de quoi réjouir mon coeur de féministe, j’aime bien me plonger dans des écrits qui rappellent le courage et l’intelligence de grandes féministes du passé. La Révolution française a donné lieu à un grand brassage d’idées. Une fois la monarchie abolie, la République proclamée et la laïcité décrétée, il fallait rebâtir un nouvel ordre de valeurs. S’en est suivi un foisonnements d’écrits. La plus originale et, à mon avis, la plus authentiquement révolutionnaire de ces propositions est celle d’Olympe de Gouges. Sa Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, inspirée de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen (1789), est rejetée avec horreur par les Français. Son article premier est plus qu’audacieux pour l’époque : « La femme naît libre et demeure l’égale de l’homme en droits ». Plus de 225 ans plus tard, cette idée est loin d’être admise dans bien des régions de la planète. Dans le style déclamatoire de l’époque, Olympe de Gouges exhorte les Françaises à revendiquer plus de justice, mais cette fois - et c’est là l’élément révolutionnaire - pour elles-mêmes. « Femme, réveille-toi ; le tocsin de la raison se fait entendre dans tout l’univers ; reconnais tes droits. » Elle s’adresse aussi aux hommes, qu’elle interpelle avec colère : « Homme, es-tu capable d’être juste ? C’est une femme qui t’en fait la question ; tu ne lui ôteras pas du moins ce droit. Dis-moi ? qui t’a donné le souverain empire d’opprimer mon sexe ? » Même avant 1789, Olympe de Gouges, fille naturelle d’un héritier de la grande bourgeoisie, avait mis sa plume au service des déshérité-es. Elle plaide pour le divorce (1), prend la défense des filles-mères et écrit au roi pour réclamer la création d’un hôpital pour les femmes (2). Elle écrit une pièce de théâtre dénonçant le trafic des esclaves (3), encore légal en France à cette époque. Gagnée aux idéaux révolutionnaires, elle prend parti pour les Sans-culottes contre les privilèges de l’aristocratie et du clergé. Mais, une fois l’Ancien Régime renversé, elle constate avec amertume que les femmes n’ont rien gagné de leur participation pourtant active à la Révolution. « L’homme esclave a multiplié ses forces, a eu besoin de recourir aux tiennes pour briser ses fers. Devenu libre, il est devenu injuste envers sa compagne. » Les femmes ont de tout temps participé aux combats révolutionnaires aux côtés des hommes, mais en ont rarement recueilli les bienfaits. Le Printemps arabe en est l’illustration la plus récente. Une fois la lutte achevée, elles sont souvent renvoyées cavalièrement à leurs cuisines, ou pire. Olympe de Gouges monte sur l’échafaud en 1793 à l’âge de 45 ans pour avoir critiqué publiquement les excès sanguinaires de Robespierre, l’artisan de la Terreur (4). La lecture des écrits des femmes admirables qui se sont levées contre l’injustice par le passé a quelque chose de réconfortant pour l’âme. Olympe de Gouges est devenue une source d’inspiration pour des adolescentes québécoises habitées par des idéaux de solidarité et de dignité. Elles ont formé la communauté des Olympe de Gouges, qui « aide les filles et les femmes à développer leur solidarité et sensibilise les jeunes à l’histoire des femmes », peut-on lire sur leur page Facebook (5). Comme si, par delà les siècles, cette femme visionnaire tendait la main aux jeunes filles d’aujourd’hui pour les encourager à prendre conscience de leurs droits, à se respecter et à cultiver la solidarité entre femmes. * Olympe de Gouges, « Femme, Réveille-toi ». Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, Éditions Gallimard, 2014, Folio 5721, 112 pages. De la même auteure, Olympe de Gouges, Œuvres, Édition de Benoîte Groult. Nouvelle édition en 1989, Collection Mille et une femmes, Mercure de France,1986. Notes 1. La Nécessité du divorce, 1790. Mis en ligne sur Sisyphe, le 24 mai 2016 |
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