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lundi 10 février 2014

FFQ, un féminisme anglosaxon

par Sylvie Bergeron, auteure, éditrice, coach, conférencière






Écrits d'Élaine Audet



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La présidente de la FFQ, Alexa Conradi, estime dans Le Devoir (1) que privilégier le principe affaiblit le droit des femmes à l’égalité. Cette vision de l’humain est la cause même de la rupture récente entre féministes québécoises. Lentement mais sûrement, la minorité anglophone utilise les autres minorités pour imprimer une identité juridique anglaise sur la nôtre. On nous impose un droit coutumier qui laisse entrer la religion là où les Québécoises l’ont combattue avec force et courage.

L’identité juridique anglo-saxonne est basée sur un vice : octroyer des droits qui font fi des principes. Le droit coutumier anglais a ouvert grand la porte aux demandes d’accommodements religieux parce qu’il les considère comme un droit. Mais cedit droit éloigne du principe constitutif de l’identité des femmes et des hommes.

Qu’est-ce qu’un principe ? Ce qui est à l’origine, la cause. Notre identité a une racine originelle. L’être humain existe en tant que lui-même, sans coutume ni religion. Lorsque l’individu comprend qui il est sur la base de cette universalité, il n’a pas besoin de revendiquer des droits, parce qu’il a l’autonomie de protéger lui-même son intégrité. Le religieux brime cette autonomie et asservit la femme.

Ne pas avoir de principe signifie défendre la liberté d’expression avant de défendre la liberté d’être. S’éloigner de qui nous sommes, nous conduit à exprimer du vide (voir la vidéo) (2). Comment prétendre à une liberté de conscience lorsque la coutume précède l’être dans sa définition ? C’est exactement ce qui distingue le Québec du ROC.

L’intégration sur une base humaine et non juridique

La FFQ craint un repli identitaire si la Charte des valeurs était adoptée. Ce repli existe déjà : les ascétiques religieux expriment qu’ils refusent le principe qui a construit notre société. Si la Charte ne pouvait pas défendre l’interdit d’expression dans l’État, ce serait là le signal fort que tous les hommes du Québec peuvent à nouveau exercer une domination patriarcale ; les mauvaises habitudes reviennent si vite.

Il y a des limites à protéger les droits des minorités au prix d’en oublier nos principes. C’est là tout l’enjeu actuel. Les QuébécoisES de juridiction romaine ne s’attendaient pas à voir leur identité prise d’assaut parce qu’ils ignoraient que la Charte canadienne à laquelle Trudeau a donné préséance sur la Charte québécoise donnait primauté au religieux. Au Québec, justement parce que nous avons laissé tomber notre religion monothéiste, la liberté de conscience va de soi. Il est donc futile d’exploiter juridiquement un droit qui n’est en fait qu’un privilège.

Alors, comme le dit si bien madame Conradi, la meilleure solution serait de mettre en place des moyens pour « stopper le contrôle social des femmes associées souvent aux fondamentalismes religieux ou encore reconnaître que ce n’est ni au pape, ni à l’imam, ni au juge, ni à l’État, ni au mari, de décider pour les femmes leur rapport à la religion ». Ce point est le seul qui permettrait un réel épanouissement des femmes voilées. Et il ne passe pas par une Charte, mais par un désir d’intégration. C’est exactement sur cette base humaine que les QuébécoisES voudraient communiquer avec les immigrantEs, non pas par la Cour sprême. Et elles et ils attendent les outils.

La minorité québécoise dans le Canada

C’est pour cette raison que la détermination du ministre Drainville est chère aux QuébécoisEs de souche. Cette Charte ne vise pas à contrer le terrorisme via l’intégrisme religieux, mais d’abord et avant tout à rectifier le tir concernant les habitudes prises en regard des verdicts donnant gagnant des accommodements croissants au nom d’une jurisprudence qui ne reflète pas notre identité. La Cour suprême favorisant l’expression religieuse est en contradiction directe avec le Québec. Dans la charte canadienne, l’article 27 tend à brimer les droits des Québécois en tant que minorité ; la majorité canadienne ne peut pas ignorer la minorité québécoise.

Les immigrantEs doivent faire leur part d’adaptation en fonction du
statut minoritaire de la société québécoise. Qu’ils/elles se rassurent : dans un Québec qui respecte naturellement la liberté de conscience, personne ne va empêcher les pratiques religieuses ascétiques. Mais les contribuables d’un État laïc n’ont pas à payer le prix de cet ascétisme. Les fanatiques ont la responsabilité d’assumer les coûts de leur désir de s’isoler de la société par le fait de donner préséance à leur culte. La bonne entente existera de facto lorsque nous aurons renouvelé notre contrat social, c’est-à-dire reformulé la charte des valeurs québécoises aux antipodes des Canadiens.

En finir avec la place du religieux dans l’État

La Charte des valeurs pointe exactement le problème que les QuébécoisES de souche veulent régler : la place du religieux dans la société. Le moteur de nos craintes n’est pas l’intégrisme religieux, mais bien la culture religieuse qui prend trop de place depuis quelques années, de par les signes visibles. La baliser n’est ni raciste ni ségrégationniste lorsque le recul des femmes y est nettement associé.

Par ailleurs, la FFQ argue que la Charte est discriminatoire et brime l’autonomie de femmes qui seraient privées de travailler. Or ce qui a rendu les Québécoises autonomes, ce n’est pas le fait d’aller travailler, mais bien de s’être libérées de la religion en tant qu’objecteur de conscience. Tant que la femme appartient à son mari, on ne peut parler d’autonomie réelle. À quoi sert le chèque de paye de la femme si elle est la propriété de l’homme ? L’égalité entre les hommes et les femmes s’est concrétisée lorsque le Québec a cessé de subir la domination du clergé.

Le religieux n’est pas l’antidote à la femme-objet : qu’elle soit voilée pour cacher son impureté ou dévoilée pour séduire, la femme n’est toujours qu’un objet tant qu’elle s’identifie à son expression plutôt qu’au principe de sa nature intrinsèque. Cette divergence avec les femmes anglo-saxonnes est majeure chez nous. Et jamais nous ne devrons céder nos principes à des droits.

Madame Conradi estime qu’un principe est plus faible qu’un droit pour protéger l’égalité des hommes et des femmes. Encore une fois, c’est mal comprendre la nature humaine et accorder trop d’importance aux apparences. Un principe en tant que cause est le fondement de notre identité. L’expression d’une coutume n’est ni un principe ni un droit. Et au Québec, la liberté d’expression est loin d’être brimée. Ce que madame Conradi nomme les trois grands principes féministes (autodétermination, non-domination et respect des droits des femmes) vont de soi seulement lorsque le religieux ne soumet pas la femme. C’est cet exercice auquel une majorité de Québécoises convient leurs sœurs ascétiques.

Notes

1. « Un projet de loi inutile contre le fondamentalisme, dit la FFQ »
2. Tout est politique - Extrait de la conférence de Sylvie Bergeron

 Nous remercions l’auteure de publier son article sur Sisyphe. Publié d’abord dans le Huffington Post, le 28 janvier 2014.

L’auteure a présenté le 14 janvier 2014 un mémoire devant la commission parlementaire sur le projet de loi 60 à l’Assemblée nationale du Québec. On peut le télécharger en cliquant en PDF sur l’icône ci-dessous.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 28 janvier 2014



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Sylvie Bergeron, auteure, éditrice, coach, conférencière



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