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samedi 7 mars 2015 Gisèle Halimi, l’insoumise
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Née le 27 juillet 1927 dans ce beau pays de soleil et d’oliviers qu’est la Tunisie, à la Goulette, le port de Tunis, d’un père berbère et d’une mère juive, Gisèle Halimi, avocate et militante féministe, est une des figures emblématiques de ces XXe et XXIe siècles. Peut-on dire que son combat féministe prend naissance dans la Tunisie au tournant des années trente-quarante, quand elle décide, à treize ans, de faire la grève de la faim pour ne plus être obligée de faire le lit de son frère et que son père, qui ne comprend pas les révoltes de sa fille, de guerre lasse au bout de trois jours, cède ? Est-ce le regard peu attentionné que porte sur elle sa mère, Fritna (1), dont elle a si bien fait le portrait dans un livre éponyme, une mère peu aimante qui considérait qu’une fille était une quantité négligeable en ce monde… qui lui a donné le goût de lire, chose incroyable, et la force d’étudier à l’Université, chose encore plus incroyable, et de se présenter au barreau de Tunis en 1949 et à celui de Paris en 1956 ? Étudier plutôt que d’être mariée à quatorze ans à un marchand d’huile de vingt-deux ans son aîné et de faire un enfant tous les deux ans comme sa mère… Est-ce la revanche d’une fille qui ne supporte pas la soumission fataliste d’une mère peu instruite, qui a fait l’avocate et la militante des Droits de l’Homme à travers de multiples combats ? Avocate et politique engagée Pendant la Guerre d’Algérie, alors qu’elle était l’avocate de Djamila Boupacha (2), jeune militante du Mouvement National Algérien qui a été torturée et violée par des membres de l’armée française, Gisèle Halimi dénonce la torture et s’engage pour l’indépendance de l’Algérie. Elle participe au Mouvement démocratique féminin qui veut unir socialisme et féminisme, lors de la candidature de François Mitterrand aux élections présidentielles de 1965. Présidente de la Commission d’enquête du Tribunal Russell sur les crimes de guerre, en 1967, elle enquête sur les crimes de guerre perpétrés par l’armée américaine au Vietnam. En 1971, elle est signataire du Manifeste des 343 qui déclarent avoir avorté et réclament le libre accès aux moyens anticonceptionnels et à l’avortement. Toujours en 1971, elle fonde avec Simone de Beauvoir et Jean Rostand le mouvement féministe Choisir la cause des femmes, pour la légalisation de l’avortement, dont le procès de Bobigny en 1972 où elle défend Marie-Claire, une mineure de seize ans ayant avorté après avoir été violée, amènera la loi Veil de décembre 1974 sur l’IVG. Concernant les droits des femmes, le Parlement français adopte le 23 février 2010 la résolution européenne sur le principe de la clause de l’Européenne la plus favorisée, qui harmonise les législations européennes, suivant une idée que Gisèle Halimi avait émise en 1979. Élue députée dans la 4e circonscription de l’Isère de 1981 à 1984, et conseillère régionale de Rhône-Alpes, apparentée PS, elle dénonce le Parlement comme étant un « bastion de la misogynie ». Grâce à elle, le quota de femmes aux élections est voté à la quasi-unanimité en 1982, avant d’être mis en échec par le Conseil constitutionnel pour entrave à la liberté du suffrage universel et la libre expression de la souveraineté nationale !?... François Mitterrand la nomme ambassadrice de la France auprès de l’UNESCO d’avril 1985 à septembre 1986, mais elle se déclare déçue par Mitterrand et rejoindra Jean-Pierre Chevènement aux élections européennes en 1994. En 1989, elle devient conseillère spéciale de la Délégation française à l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations Unies (O.N.U.). De 1996 à 1998, elle préside la Commission Politique de l’Observatoire pour la parité. Co-fondatrice en 1998 de l’Association altermondialiste ATTAC, elle défend l’activiste palestinien Marouane Barghouti et devient par la suite membre du Comité de parrainage du Tribunal Russell sur la Palestine (dont les travaux débutent le 4 mars 2009). Gisèle Halimi est promue au grade d’Officier, puis de Commandeur de la Légion d’Honneur en 2006 et 2013, et au grade de Commandeur de l’Ordre National du Mérite en 2009. Une grand-mère comblée ? Le dernier ouvrage de Gisèle Halimi, Histoire d’une passion publié en 2011, (3) est sans doute le plus attachant et le plus révélateur de toute sa vie : il relate l’amour d’une grand-mère pour sa petite-fille, née en 1992. Elle a toujours regretté de ne pas avoir eu de fille, que des garçons (Jean-Yves et Serge Halimi, Emmanuel Faux), nés de ses deux mariages. Ces quelques lignes touchantes extraites de son livre résument bien l’émotion d’une grand-mère à la naissance de sa petite-fille, faute d’avoir eu une fille :
J’ai raconté le désamour de Fritna, ma mère, ma souffrance et mon obstination farouche pour la forcer à m’aimer. Jusqu’à sa mort, j’avais espéré. La première semblable pour chacune d’entre nous. Cet échange unique m’avait été refusé, je m’étais convaincue que je le vivrais plus tard. Plus tard et inversé. La mère, le repère, la source, ce serait moi. J’aurais – forcément – une fille (je n’aurais alors pas désiré d’autre enfant) et, forcément, je serais son miroir. Son apprentissage de la vie, avec moi. Son rire, ses larmes, son premier alphabet, son premier prix à l’école ou son premier chagrin d’amour, avec moi. Nous partagerions tout. Dans mon fantasme émerveillé, ma fille ne pourrait appréhender les autres et les choses de la vie que si j’en coloriais et en légendais les grands moments. » Est-ce la dernière revanche sur la vie ? Gisèle Halimi, une insoumise, certes, elle l’a bien exprimé dans un autre de ses ouvrages, Ne vous résignez jamais (4), mais avant tout une grande dame ! Notes 1. Gisèle Halimi, Fritna, Paris, Plon, 2008. Mis en ligne sur Sisyphe, le 1 mars 2015 |
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