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lundi 28 novembre 2005 Denise Bombardier et le syndrome de la femme battue
par Micheline Carrier Dans Le Devoir des 26 et 27 novembre 2005, Denise Bombardier dénonce les promesses que le gouvernement de Paul Martin a faites aux autochtones du Canada, un geste que la chroniqueuse associe à de la "rectitude politique". Ce faisant, elle établit un parallèle avec le syndrome de la femme battue dont elle donne une définition erronée. « Il existe une telle chose que le syndrome de Stockholm, où la victime s’identifie à son bourreau, le syndrome de la femme battue qui appelle inconsciemment le batteur à passer à l’acte, et voilà qu’on peut constater le syndrome de la réserve », écrit la chroniqueuse. (Honte au Canada !) Le syndrome de la femme battue n’appelle pas "inconsciemment le batteur à passer à l’acte". Le syndrome de la femme battue est un ensemble de signes cliniques qui traduisent un état post-traumatique résultant de la violence subie sur une longue période. La personne souffrant de ce syndrome se sent piégée et développe une peur légitime d’être tuée. On parle de ce syndrome depuis une quinzaine d’années au Canada. En 1990, Angélique Lyn Lavallée a été acquittée de l’homicide de son mari quand la Cour suprême du Canada a reconnu comme défense légitime la preuve d’expert basée sur le syndrome de la femme battue (SFB). Le plus haut tribunal du pays a jugé qu’on devait tenir compte, dans l’appréciation de la réaction d’une femme face à une agression ou à la violence appréhendée, de la réalité des femmes en général qui peut être très différente de celle des hommes, notamment dans les situations de violence conjugale. Un médecin appelé à témoigner dans l’affaire Côté - autre cas de femme victime de violence ayant tué son conjoint - a décrit le syndrome de la femme battue « ... comme un tableau persistant qui s’intensifie avec l’accélération des gestes de violence causés par le conjoint abuseur. La femme victime d’abus se sent isolée et impuissante. Elle croit que son conjoint est tout-puissant et elle s’y soumet passivement. Ses perceptions sont restreintes, toutes ses énergies se concentrent sur des stratégies de survie à court terme. Elle est constamment en alerte face aux comportements de son conjoint et à ses moindres changements d’humeur. Dans un tel contexte, la femme en vient à développer une impuissance apprise qui ne lui permet plus de trouver des solutions pour sortir de la situation d’abus, comme par exemple en se réfugiant dans un centre pour femmes en dificulté, en laissant derrière elle le conjoint abuseur. Lorsque ces femmes en viennent à craindre pour leur vie, la seule solution envisageable devient alors de se défendre contre le conjoint avant que celui-ci les supprime. Il ne s’agit pas d’un choix délibéré ni d’un geste prémédité, la capacité de ces femmes de trouver des solutions plus adaptées étant nettement altérée par le perpétuel contexte de violence dans lequel elles ont vécu. »(R.c. Côté (1995), C. Q. dossier n° 700-01-004987-924, pp.23-24. Témoignage de la Dre Renée Roy au procès où l’accusée, Mme Linda Côté, a été acquittée. Cité par Sylvie Frigon dans L’homicide conjugal au féminin, d’hier à aujourd’hui, Éditions du remue-ménage, 2003, p. 67-68. Voir « L’homicide conjugal au féminin, le droit au masculin ».) Quant au syndrome de Stockholm, il est lié au contexte de la prise d’otages et se caractérise par l’adhésion des victimes à la cause de leurs ravisseurs. Ce comportement aurait été décrit pour la première fois en 1978. On peut avoir plus d’information voir cette page. Plusieurs années avant J. C., Tite-Live décrivait, dans L’Enlèvement des Sabines, ce genre de comportement que les psy d’aujourd’hui ont analysé et codifié dans leur langage (les Sabines s’interposant entre les Romains, qui les ont enlevées, et les Sabins). (Source). Je me demande si ce phénomène n’est pas lié à l’instinct de survie. Il n’est pas nécessaire de connaître ces histoires anciennes pour écrire une chronique dans Le Devoir. Toutefois, lorsqu’on aborde la question des femmes victimes de la violence d’un conjoint, il serait préférable de savoir de quoi on parle afin d’éviter de répandre des préjugés inutiles sur des personnes dont la situation est déjà assez pénible. Mis en ligne sur Sisyphe, le 29 novembre 2005. Commenter ce texte © Sisyphe 2002-2014 | ||||
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