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vendredi 23 avril 2010

Viols en série dans la République démocratique du Congo
Selon un rapport d’Oxfam International






Écrits d'Élaine Audet



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Une enquête révèle que 60 pourcent des victimes sont violées par des bandes, plus de la moitié d’entre elles à leurs propres domiciles, et fait état d’une effroyable augmentation du nombre de civils parmi les violeurs. Les résultats de l’étude montrent qu’en en 2004, moins d’un pourcent des viols étaient commis par des civils. En 2008, cette proportion avait atteint 38 pourcent.

_______

Une enquête de grande ampleur portant sur les victimes de viols en République démocratique du Congo (RDC), sollicitée par Oxfam International et réalisée par The Harvard Humanitarian Initiative, montre que 60 pourcent des victimes de viols interrogées ont été violées par des bandes d’hommes armés et que plus de la moitié des agressions ont eu lieu la nuit, aux domiciles censés être des lieux sûrs, souvent en présence du mari et des enfants de la victime.

Même si la majorité des violeurs sont des soldats ou des miliciens, le rapport révèle néanmoins qu’entre 2004 et 2008, dix-sept fois plus de viols ont été commis par des civils.

Le rapport "Aujourd’hui, le monde est sans moi" ("Now, the world is without me"*) est basé sur une étude réalisée par la Harvard Humanitarian Initiative qui a analysé les informations recueillies auprès de 4 311 femmes soignées à l’hôpital de Panzi, dans la province du Sud-Kivu, sur une période de quatre ans.

Les résultats du rapport indiquent que l’incidence des viols a fortement augmenté lors des périodes de combat. En raison des offensives actuelles menées contre des groupes de miliciens à l’Est du Congo, le rapport et ses recommandations sont plus que jamais d’actualités. Selon les Nations Unies, plus de 5 000 personnes ont été violées au Sud Kivu pour la seule année 2009. Ce rapport est publié juste avant la visite du Conseil de sécurité de l’ONU en RDC ce week-end, alors que le Conseil doit reconduire le mandat des casques bleus de l’ONU en mai.

"Il est scandaleux de constater un si grand nombre de viols commis avec une telle brutalité. C’est un rappel à l’ordre, à un moment où le retrait du pays des casques bleus onusiens est discuté. La situation ne peut être considérée comme sûre si une femme ne peut même pas dormir dans son propre lit la nuit sans que sa sécurité ne soit menacée." (Krista Riddley, Directrice de la politique humanitaire d’Oxfam) Le rapport indique les moments et les endroits où les femmes sont agressées, et les raisons pour lesquelles les forces de maintien de la paix doivent continuer à jouer un rôle crucial en matière de sécurité pendant que le gouvernement congolais renforce ses propres capacités en matière de protection des civils.

L’enquête révèle que 56 pourcent des agressions ont été perpétrées au sein même du foyer familial par des hommes armés, près de 16 pourcent de ces agressions dans des champs et près de 15 pourcent dans la forêt. Cinquante-sept pourcent des agressions sont perpétrées la nuit. L’esclavage sexuel, selon le rapport, touche 12 pourcent des femmes, et certaines d’entre elles ont été retenues en captivité pendant des années.

Le rapport parle également de la stigmatisation dont sont victimes les femmes au sein de leurs familles après avoir été violées et des difficultés qu’elles rencontrent en matière d’accès aux soins médicaux. Moins d’un pourcent des femmes victimes de viols et qui se rendues à l’hôpital de Panzi, y ont été avec leurs maris et neuf pourcent d’entre elles ont été abandonnées par leur conjoint. Une femme sur trois est venue seule.

Cette stigmatisation pousse les femmes à ne pas solliciter de soins médicaux, et seulement 12 pourcent d’entre elles sont allées à Panzi dans un délai d’un mois suivant l’agression. Très peu de femmes sont allées se faire soigner suffisamment à temps pour pouvoir éviter une infection par le VIH. Plus de 50 pourcent des femmes ont attendu plus d’un an avant de se faire examiner, et un grand nombre d’entre elles ont attendu plus de trois ans.

Pour Krista Riddley d’Oxfam :

"Panzi est le seul hôpital de ce type dans le Sud-Kivu, une région où vivent environ cinq millions de personnes. Beaucoup de femmes vivant en zone rurale ne peuvent faire le voyage jusqu’à l’hôpital et meurent souvent des complications liées à un viol et son corollaire de violences. Les donateurs des pays riches et le gouvernement congolais doivent accroître de manière radicale les services médicaux à destination des survivants de violences sexuelles dans les villes et villages isolés du Congo. Chaque femme devrait pouvoir recevoir le traitement dont elle a besoin."

Les résultats de l’étude montrent qu’en en 2004, moins d’un pourcent des viols étaient commis par des civils. En 2008, cette proportion avait atteint 38 pourcent.

Susan Bartels, la principale chercheuse de l’étude réalisée par la Harvard Humanitarian Intitiative a déclaré : "Cette étude ne fait que confirmer les témoignages qui nous sont parvenus jusqu’à présent, à savoir que la violence sexuelle se répand dans le quotidien des civils. Les nombreux viols commis au fil des années de guerre au Congo ont rendu ce crime plus acceptable. Bien que les lois du Congo contre le viol soient parmi les plus progressistes d’Afrique, peu de violeurs sont poursuivis en justice. La loi doit être appliquée et la justice accessible aux survivants."

Le rapport appelle le gouvernement congolais et la communauté internationale à :

  • Accroître l’accès aux soins médicaux pour les survivants de violences sexuelles, surtout dans les zones rurales. Plus il sera facile d’obtenir localement un soutien, plus les femmes seront en mesure d’obtenir à temps de l’aide pour ce qui est du VIH, et garder toute confidentialité vis-à-vis d’autres personnes. La stigmatisation demeure un obstacle important limitant l’accès aux soins de santé après une agression sexuelle.
  • S’assurer que la protection fournie par les forces de maintien de la paix des Nations Unies soit adaptée aux réalités locales. Les forces de maintien de la paix et les services de sécurité doivent consulter la communauté locale afin de fournir des solutions innovantes, telles que des systèmes d’alerte précoce et des patrouilles de nuit pour satisfaire ses besoins. Ces solutions existent déjà dans certains endroits et doivent être déployées de manière plus systématique pour parer aux menaces mises en lumière par ce rapport.
  • Réformer le secteur de la sécurité et le système judiciaire congolais pour garantir une intolérance totale des viols, qu’ils soient commis par des civils, des miliciens ou des soldats.

    * Rapport "Now, the world is without me"

    ***

    Note aux éditeurs

    L’étude a été réalisée par la Harvard Humanitarian Initiative et financée par Oxfam America.

    1. Un peu plus de la moitié des auteurs des viols – 52 pourcent – ont été identifiés comme étant des combattants armés. 42 pourcent ont été identifiés comme n’étant que des "assaillants", mais selon les chercheurs, l’analyse des données suggère que ce groupe est également composé en grande partie d’hommes armés.

    2. Ce rapport est basé sur une étude rétrospective réalisée à l’hôpital de Panzi sur un large groupe de patients. Les personnes interrogées étaient des survivants de violences sexuelles s’étant présentés à l’hôpital entre 2004 et 2008. Les entretiens ont été réalisés en privé par des agents féminins formés et sur la base d’un questionnaire semi-structuré de deux pages, lorsque les victimes venaient se faire examiner. Les chercheurs de la Harvard Humanitarian Initiative ont saisi les données dans une feuille de calcul électronique, et une analyse à la fois quantitative et qualitative a été réalisée. 4 311 personnes, sur les 9 709 survivants de violences sexuelles s’étant présentés à l’hôpital de Panzi entre 2004 et 2008, ont été interrogées.

    3. Les résultats du rapport indiquent que le nombre total d‘agressions signalées à l’hôpital de Panzi a régulièrement baissé entre 2004 et 2008, et une diminution des viols de la part de militaires de 77 pourcent a été enregistrée au cours de la même période. Cependant, les chiffres sont impactés par un certain nombre d’évènements particulièrement graves survenus en 2004, tels que le viol de 16 000 femmes pendant un seul week-end de juin par des militaires à Bukavu.

    4. En 2009, les cas de viols commis par les militaires ont connu un accroissement suite à l’offensive Kimia II. Plus de 9 000 personnes, essentiellement des femmes et des filles, mais également des hommes et des garçons, ont été violés dans les provinces touchées par l’offensive pendant l’année. Les informations concernant le nombre de viols associés aux nouvelles offensives militaires de 2010 ne sont pas encore disponibles.

    Témoignages extraits du rapport (davantage de témoignages sont disponibles auprès d’Oxfam) :

  • "C’était une nuit de 2007 et ma famille et moi dormions à la maison. On a frappé à la porte. Des assaillants ont ordonné à mon mari d’ouvrir la porte. Un groupe de six hommes vêtus d’uniformes militaires, quatre d’entre eux armés et deux non armés, sont entrés dans la maison. Ils ont commencé à voler nos biens. Ils nous ont emmenés dehors et nous ont forcés à les suivre dans la forêt. Une fois arrivés dans la forêt, ils ont libéré mon mari, mais m’ont forcée à continuer plus loin dans la forêt avec eux. Un commandant m’avait choisie comme épouse et m’a gardée dans la forêt pendant sept mois, période pendant laquelle il m’a violée à chaque fois qu’il en avait envie. Comme il pensait que je n’étais pas capable de m’enfuir, il me permettait de me promener toute seule et c’est comme cela que je me suis enfuie."
  • "Ma famille et moi dormions lorsque les soldats sont arrivés. Ils ont ligoté les mains de mon mari dans son dos et ensuite, ils m’ont violée l’un après l’autre. Après, ils nous ont emmené, mon mari et moi, dans la forêt. Quand mon mari a cherché à leur résister, ils l’ont abattu. J’ai passé trois semaines dans la forêt jusqu’à-ce que je réussisse à m’enfuir une nuit. Quand je suis arrivée chez moi, j’ai découvert que mon petit enfant était mort."
  • "Mon mari et moi dormions à la maison. Les enfants dormaient dans la maison voisine. Les soldats sont arrivés et ont amené ma fille dans notre maison où ils l’ont violée devant mon mari et moi. Après, ils ont obligé mon mari à violer ma fille, mais il a refusé et ils l’ont abattu. Ils sont ensuite allés dans l’autre maison où ils ont trouvé mes trois fils. Ils ont tué mes trois fils. Après les avoir tués, deux soldats m’ont violée l’un après l’autre."
  • "Nous les avons trouvés dans notre maison. Ils avaient tout volé. Ils ont mis mon mari sur le lit et l’ont battu. Ensuite, deux soldats m’ont violée. Cette histoire est si tragique, je n’arrive pas à croire que cela me soit arrivé. Je préfère mourir. Aujourd’hui, je ne suis plus de ce monde en raison de ma situation."

    Information

    Pour obtenir de plus amples informations et des témoignages supplémentaires, veuillez contacter :

     Rebecca Wynn au : + 44 (0) 7769 887139 ou courriel.
     Liz Lucas au : +1 617 728 2575 ou courriel.

    Source : Communiqué d’Oxfam International, salle de presse du site.

    Mis en ligne sur Sisyphe, le 15 avril 2010



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