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lundi 28 septembre 2015 Mère porteuse ou GPA – ‘Proxénètes de l’utérus’ et ’exigence d’une mère absente’
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La seconde partie de l’ouvrage L’être et la marchandise. Prostitution, maternité de substitution et dissociation de soi, de Kajsa Ekis Ekman (M éditeur, 2013), concerne les “Mères porteuses”. . Discours sur la reproduction heureuse ou l’histoire du joyeux éleveur Le rapprochement de ces deux sujets [prostitution et méres porteuses] est plus que judicieux, car il s’agit à chaque fois du corps des femmes considéré comme marchandise, d’échanges soi-disant contractuels ou “altruistes”, de construction de discours autour des “services”, de la “liberté”, et muets sur les relations sociales dans toutes leurs dimensions. La réalité des “mères porteuses” est en premier lieu celle d’une industrie transcontinentale en croissance, où des un-e-s (pour simplifier au Nord) payent pour l’utilisation de l’utérus d’autres (pour simplifier au Sud). Cette réalité ne peut donc être traitée sans aborder le problème du développement, de la répartition des richesses, sans oublier les rapports sociaux de sexe, le système de genre. Comme pour la prostitution derrière les discours, des faits matériels et leurs effets. La majorité des “gestations pour autrui” (GPA) sont à l’initiative de couples hétérosexuels avec le sperme de l’homme, mais la situation est semblable pour les couples homme-homme. Kajsa Ekis Ekman indique donc : “Ce que toutes ces personnes ont en commun, c’est le fait de désirer un enfant génétiquement lié au père”. Ce lien génétique, cette survalorisation fantasmagorique nie le caractère avant tout social de la relation à l’enfant, sans oublier les problèmes de son “appropriation privée” dans la famille nucléaire. À noter que ce lien génétique est à géométrie variable, masculin-orienté, car dans le cas d’une “mère porteuse” : “on critique uniquement le lien biologique de la mère enceinte, lequel est qualifié de norme et de mythe sacro-saint, tandis que la relation biologique du père à l’enfant n’est pas du tout remise en question !”. En somme, la critique du biologisme ne concernerait que l’un des sexes. Comme pour la prostitution, le discours est double : “La maternité de substitution est portée par deux discours parallèles, l’un axé sur “le bonheur familial”, l’autre sur “la contestation des normes sociales”. En poursuivant ses analyses, l’auteure souligne que la GPA signifie qu’une femme “a négocié pour ne pas garder le bébé qu’elle a mis au monde” et interroge : “Est-ce que cela ne constitue pas un commerce de bébés ?” Elle poursuit en soulignant que ce “bonheur familial”, pour les couples donneurs d’ordre, implique que “l’exigence d’une mère absente est l’essence même de la maternité de substitution”, ou pour le dire autrement “C’est le rêve de la famille nucléaire, mais où, désormais, la mère menace ledit rêve”. Il me semble judicieux de rapprocher cela des analyses d’Andréa Dworkin sur les technologies de reproduction et les risques associés en terme de contrôle des femmes “nous savons ce dont les hommes sont capables” (Andrea Dworkin : Les femmes de droite, Editions du remue ménage 2012. La maternité de substitution est souvent “décrite comme le désir de la mère porteuse”, alors que ce n’est pas elle “qui commande la maternité de substitution, mais bien le couple”. Ici comme pour la prostitution, pas de prostitueur. Et la maternité de substitution peut être considérée comme “une forme élargie de la prostitution”. Des femmes sont réduites à un objet, leur corps, leur utérus, mais elles ne doivent pas “réaliser la signification de cette objectivation, car bien sûr nous ne sommes pas des objets”. Prostitution, location d’utérus, commerce d’enfants, il semblerait non seulement que tout puisse être vendu mais que cela bousculerait les normes, que cela serait libérateur…, mais les tenant-e-s de “cette révolution conforme au néolibéralisme” sont sans réponse à deux interrogations : quelles normes ? et libérateur pour qui ?… L’auteure poursuit en analysant ce désir d’enfant métamorphosé en demande, cette demande d’enfant transformée en besoin, et ce vocabulaire étrange de “mère porteuse” non-mère, de maternité de substitution… et souligne que dans le monde réel, dans les rapports de pouvoir réellement existants, “la ‘vraie’ mère est celle qui a les ressources économiques, la ‘fausse’, celle qui a les moyens corporels”. Kajsa Ekis Ekman traite aussi de “la maternité de substitution dite altruiste” qui “fonctionnalise la maternité, même si elle ne la commercialise pas”. Dans un cas comme dans l’autre “la grossesse devient une fonction séparée”, une fonction “mise au service des autres”. Et l’auteure nous rappelle que “Afin de pouvoir vendre quelque chose qui est séparé de la personne qui vend, il faut d’abord que cette chose soit constituée en fonction distincte”. Dans une dernière partie, la chercheuse analyse les agences, ces “proxénètes de l’utérus”, les jugements favorables aux maternités de substitution, y compris contre celles qui ont changé d’avis, la création d’une “distance mentale” (“De se répéter que l’enfant appartient à quelqu’un d’autre est le premier mantra de l’univers de la maternité de substitution”), sans oublier l’ignoble “Elles sont tristes pendant quelques semaines, mais ça passe rapidement”. Faut-il répéter que la maternité s’est poursuivi “jour et nuit sans interruption durant neuf mois”… ou que le corps d’une femme n’est pas une usine… Je termine par un constat plus général : “La civilisation est façonnée, littéralement à l’image de l’homme. Et puisque le besoin d’opérer une dissociation s’avère profond, la pute ne doit pas tomber enceinte, la mère porteuse ne doit pas avoir de rapports sexuels. Partout, on refuse aux femmes leur appartenance intégrale à l’humanité." (…) – Extrait de « La transgression fétichiste des frontières se différencie de la dissolution révolutionnaire des mêmes frontières » publié dans Entre les lignes, entre les mots. Analyse de l’ouvrage de Kajsa Ekis Ekman L’être et la marchandise. Prostitution, maternité de substitution et dissociation de soi, M éditeur, Ville Mont-Royal (Québec), 2013, 215 pages. Mis en ligne sur Sisyphe, le 18 septembre 2015 |
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