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dimanche 1er avril 2018 Des femmes peintres autour de Diego Rivera : au-delà de Frida Kahlo
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Frida Kahlo (1907-1954) est, généralement, la seule peintre mexicaine que les gens connaissent. Une forte médiatisation l’a mise en lumière, ainsi que le couple, devenu quasi-mythique, qu’elle formait avec le peintre et muraliste Diego Rivera. Deux incontournables de l’art moderne mexicain. Mais, derrière la légende, se cache une autre réalité : y apparaissent d’autres femmes peintres dans la vie intime de Rivera. Des créatrices, trahies par l’homme, mais avec une œuvre bien à elles. Et qui méritent de sortir de l’ombre. Angelina Beloff (Saint-Petersbourg, 1879 – Mexico, 1969) Diego Rivera (1886-1957), après des études fructueuses en peinture, à Mexico, avait reçu, en 1906, une bourse de son gouvernement pour aller se perfectionner en Europe. D’une durée de quatre ans, elle lui permit d’abord d’étudier à Madrid, puis, en 1909, de s’installer à Paris. Il rejoignit, dans le quartier de Montparnasse, toute une colonie de jeunes peintres, et il devint l’ami, entre autres, de Modigliani, de Chagall et Picasso, encore méconnus. L’été suivant son arrivée à Paris, Rivera décida d’aller visiter la Belgique. Et, à Bruxelles, il rencontra par hasard une amie étudiante qu’il avait connue à Madrid, María Gutiérrez Blanchard (1881-1932). Je souligne, en passant, que María Gutiérrez Blanchard devint une grande peintre de l’école cubiste. Née handicapée, elle souffrit toute sa vie des difformités de son corps douloureux. Une « négligée » de plus des Histoires de l’art. María Gutiérrez Blanchard était en compagnie d’une jeune artiste russe, Angelina Beloff qui venait, elle aussi, de s’installer à Paris grâce à une bourse. Elle étudiait avec Matisse. Les trois visitèrent Bruges, puis partirent avec d’autres amis à Londres. C’est là que Rivera se mit à faire à Angelina Beloff une cour sans relâche : "Diego me courtisa avec tant d’insistance que je ressentis trop de pression… Je décidai donc de retourner à Paris pour réfléchir en paix." (D’après : Diego Rivera : Legendary Mexican Painter, Laura Baskes, Enslow Publishers inc p.30) À l’automne, ils vivaient ensemble. Diego retourna pour quelques mois au Mexique, mais à son retour, en 1911, ils se mariaient. Elle avait 29 ans, lui 23. La vie était dure, Rivera venait de perdre sa bourse à cause des bouleversements de la Révolution mexicaine, et les subsides russes d’Angelina Beloff étaient également coupés. Les années subséquentes, tous deux continuèrent à peindre dans leur petit atelier, tout en tentant de survivre. Mais la guerre faisait rage en Europe, et le marché de l’art était au ralenti. Durant une trop courte période, Rivera reçut une petite mensualité venant d’un marchand de tableaux mais, pour aider le couple, Angelina Beloff prit des travaux de traduction. Elle jugeait son œuvre à lui plus importante que la sienne, air connu ! Angelina Beloff mit au monde, en août 1916, un fils, Dieguito. Rivera, uniquement préoccupé par son œuvre à produire, lui laissa l’entière responsabilité de s’en occuper. Précarité de leurs conditions de vie, malnutrition, absence de chauffage : à 14 mois, une pneumonie emporta l’enfant. Elle eut beaucoup de mal à se remettre de ce deuil, d’autant plus qu’elle savait que depuis plus d’un an son mari, dont elle connaissait la propension à courir le jupon, entretenait une liaison avec sa meilleure amie. C’était aussi une peintre russe, Marie Vorobieff. (Voir plus loin). Mari volage, irresponsable même, Rivera fera un enfant à Marie Vorobieff, une fille, Marika, née en 1919. Angelina Beloff n’était pas au bout de ses peines. En 1921, Diego Rivera décida de rentrer au Mexique. La Révolution était terminée, et le nouveau gouvernement en place voulait développer le pays sur le plan éducatif et culturel. Là-bas, Rivera, en compagnie de collègues, commença alors son œuvre de muraliste. En quittant Paris, il avait promis à sa femme qu’elle le rejoindrait le plus tôt possible. Mais quelques mois plus tard, c’est le divorce qu’il lui offrit. Il avait une nouvelle flamme, Guadalupe Marín, qu’il épousa bientôt et avec qui il eut deux filles. Elle aussi eut à subir le schéma de comportement habituel de Rivera, puisqu’il divorça à nouveau pour épouser Frida Kahlo. Dois-je ajouter que Frida Kahlo souffrit à son tour de ses multiples infidélités et qu’elle rechercha autour d’elle le véritable amour qu’il ne pouvait donner ? Sa correspondance en fait foi. Angelina Beloff demeura donc à Paris et ne revit plus jamais Rivera. Elle continua à peindre et à vivoter tant bien que mal. Mais elle avait gardé le contact avec quelques anciens exilés mexicains, qu’elle fréquentait du temps de Diego Rivera. L’un d’eux, en 1932, lui proposa de venir s’installer au Mexique où il lui offrit un poste de professeur de dessin. Elle y passera le restant de ses jours et prendra la nationalité mexicaine. Loin de la sphère sociale de Rivera, elle s’impliqua activement dans la vie culturelle de son nouveau pays. Elle enseignait la peinture aux enfants et aux adultes, aidait à la création d’institutions artistiques. Elle confectionnait aussi des marionnettes pour le théâtre, un spectacle populaire très en vogue alors. L’art devait aider les gens, disait-elle. À partir de 52 ans, c’est à Mexico qu’Angelina Beloff produisit la majeure partie de son œuvre : des huiles sur toile qui témoignent du Mexique urbain en pleine modernisation, mais aussi des paysages ruraux alentours ; des aquarelles, des portraits, des sérigraphies, des gravures sur bois pour l’illustration de livres. Son style est défini, par les experts, comme académique, imprégné de l’avant-gardisme qu’elle avait côtoyé à Paris. En 2012, une rétrospective comprenant 90 de ses œuvres a été organisée au Museo Mural Diego Rivera. Et c’est le Museo Dolorès Olmedo de Mexico (Espacio Diego y Frida) qui possède, depuis 1994, la plus riche collection de ses œuvres. Angelina Beloff a vécu jusqu’à 90 ans, et ne s’est jamais remariée. Marie Vorobieff, dite Marevna (1892-1984) C’est en 1915 que Marie Vorobieff rencontra Diego Rivera à Paris. Il était alors marié à Angelina Beloff. Ils entamèrent une liaison peu avant qu’Angelina accouche de Diego Junior. Elle s’acheva six ans plus tard, lorsque Rivera décida de retourner, seul, au Mexique. Entre-temps, ils auront eu Marika, qu’il refusera de reconnaître. À elle aussi, il promit de l’accueillir au Mexique dès que possible. Comme elle le racontera plus tard dans son autobiographie, Mémoires d’une nomade, il avait prétexté la maladie de son père pour partir, et la veille de son départ, ils avaient encore fait l’amour intensément. Mais il ne lui donna plus jamais signe de vie. Comme bien des jeunes gens qui voulaient suivre leur vocation, Maria Vorobieff était arrivée à Paris à l’âge de 20 ans, après avoir reçu une solide formation à Moscou. Elle trouva un logement à la Ruche, située encore aujourd’hui dans le 15e arrondissement. C’est un immeuble, formé de 60 « alvéoles-ateliers », construit à partir de matériaux récupérés après l’Exposition Universelle de 1900. Dans les années 1910 y vivaient de jeunes artistes, très pauvres, formant plus ou moins une commune, comme Fernand Léger, Soutine, Chagall, Modigliani un certain temps. C’est auprès d’eux, et en fréquentant l’Académie Colarossi, ou ses amis à la Rotonde, que Marie Vorobieff s’imprégna progressivement des nouvelles idées artistiques. Pendant, et après sa liaison avec Rivera, elle poursuivit sa carrière. Son style évolua vers le cubisme, sous l’influence de Picasso qui l’avait remarquée au Salon des Indépendants de 1913. Elle se mit à signer ses toiles Marevna, un surnom que lui avait donné Maxime Gorki, d’après un conte de fée russe sur une Princesse de la mer. Elle avait connu l’écrivain lors d’un séjour à Capri. Marie Vorobieff commença à vendre ses toiles, et travailla aussi pour le grand couturier Paul Poiret en dessinant des motifs, d’inspiration russe, pour ses tissus. Elle ne se maria jamais et éleva seule sa fille, qui devint danseuse classique et chorégraphe. Une fois adulte, celle-ci prit le nom de son père, Marika Rivera, même s’il demeura imperméable à ses tentatives de rencontres. Marie vécut auprès de sa fille durant toute sa vie. Elle suivit Marika à Cannes, où elle était installée avec son premier mari et son fils, puis en Angleterre, le pays de son second gendre. Elle finit ses jours, en 1984, à Londres. Jamais Marie Vorobieff n’abandonna son art. Ses œuvres ont été exposées dans différentes villes du monde. Soulignons, en 1985, l’exposition Marevna et les Montparnos, au Musée Bourdelle, à Paris, et en 1992, pour le centenaire de sa naissance, une exposition solo à la Galerie Wildenstein de Londres. En 2006, la Marevna Gallery, exclusivement consacrée à ses œuvres, a été inaugurée à Dorchester, dans le Dorset. La Fondation du Musée du Petit Palais de Genève possède 150 de ses toiles. Aujourd’hui, ses cendres reposent à Mexico, dans le parc du Musée Dolorès Olmedo, dans le socle de la grande tête sculptée représentant Diego Rivera. Selon un des anciens responsables du Musée : « L’esprit de Marevna est bien là ! ». Références : Mis en ligne sur Sisyphe, le 2 mars 2018 |
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