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mardi 2 décembre 2003 Au Cameroun Viols et mariages précoces ou forcés
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DANS LA MEME RUBRIQUE 8 mars 2006 au Cameroun La participation des femmes à la vie politique au Cameroun : étude 16 jours d’activités contre la violence faite aux femmes - Ensemble luttons contre les mariages précoces et forcés Un autre Centre Vie des Femmes et un dépliant de l’ALVF Processus d’ "empowerment" auprès des survivantes de mariages précoces et forcés Stratégie de lutte contre les mariages forcés dans l’Extrême-Nord du Cameroun Le 8 mars 2004 des femmes du Cameroun La main de la violence et ses ramifications |
Billé Siké est sociologue en hydraulique villageoise au Cameroun et co-fondatrice de l’Association de Lutte contre les Violences faites aux Femmes/Filles (ALVF). Fonctionnaire, elle est affectée dans le Nord du Cameroun et c’est dans le cadre de son travail qu’elle a pu créer l’antenne de l’ALVF dans cette région. Elle travaille souvent sur le terrain et n’a pas toujours accès à Internet. Quand elle y a accès, il lui en coûte cher. Elle voudrait pourtant diffuser les objectifs et les résultats de son travail afin de sensibiliser le plus de gens possible à la situation des femmes camerounaises forcées au mariage précoce ou violées. C’est dans ce contexte que je lui ai proposé un espace sur Sisyphe et de mettre en ligne les données qu’elle me transmettra occasionnellement. On comprendra que ces données soient présentées ici de façon schématique. Je lui ai également proposé de diffuser dans mes réseaux les données relatives au travail du Centre Vie Femmes. Modeste contribution à l’amélioration à long de terme des conditions de vie de nos consœurs camerounaises. Micheline Carrier
Portrait des survivantes de mariages précoces ou forcés et de viol Elles s’appellent Aminatou, Aïssatou, Maîmouna, elles viennent au Centre Vie de Femmes de l’Association de Lutte contre les Violences faites aux Femmes (ALVF), à Maroua, province de l’Extrême-Nord du Cameroun. Pour les deux premiers trimestres 2003 (janvier-juin ), le Centre de Vie des Femmes (CVF) a reçu 91 filles encadrées et suivies par une assistante sociale. 90 de ces cas ont connu ces pratiques. Les mariages précoces et forcés ainsi que les viols sont des pratiques à l’encontre des filles de cette région et sont soutenues par le gouvernement. Leurs racines : le système patriarcal Leurs causes : confusion entre la religion musulmane et la tradition, la mauvaise interprétation de la religion, la dignité du père, l’honneur de la famille. Elles sortent des familles pauvres (parce que les familles envoient leurs filles à l’école). Ces filles vivent dans le Grand-Nord du Cameroun, région où on subit la confusion entre religion musulmane et tradition peule. Cette région est sous l’influence d’une mauvaise interprétation du Coran qui vise à maintenir la femme sous la domination de l’homme. Ces filles sont : – âgées de 15-25 ans quand elles arrivent au Centre Vie de Femmes de Leurs intérêts stratégiques : – connaissance de leurs droits
Les données présentées ici sont les résultats du projet réalisé par l’ALVF sur le terrain. Mission de l’association dans la région : éliminer la pratique des mariages précoces et forcés, viol, sous-scolarisation de la fille, vih/sida, excision dans la région. Objectifs : – Offrir aux victimes un encadrement et un suivi efficaces et efficients
ACTIVITÉS : – encadrement et suivi des victimes
Activité 1 : encadrement et suivi des femmes/filles victimes de Résultats obtenus au 1er et 2ème trimestre 2003 : – 91 cas suivis et encadrés
Stratégie – recrutement d’une assistante sociale
Difficultés rencontrées – manque de moyens financiers pour le recrutement d’une assistante sociale 40h/semaine
Perspectives – élaboration des projets
Activité 2 : recherche-action sur les mariages précoces et forcés, viol Résultats – les besoins pratiques des survivantes de ces pratiques sont connus : la prise en charge de leurs grossesses ou des enfants par leurs conjoints ;
– en laissant célébrer ce genre de mariage au niveau traditionnel, nous constatons que l’Etat camerounais accepte le concubinage, d’où la nécessité d’une loi ;
. lois non respectées . le vide juridique . loi non appliquée . confusion entre la religion musulmane et la tradition peule . mauvaise interprétation des saintes écritures . la tradition : l’honneur du père, la dignité de la famille>br> . la pauvreté de la famille : région où l’exploitation de l’homme par l’homme est criante . préférence du petit garçon que de la petite fille . le refus d’envoyer la petite fille à l’école . l’exclusion de la maman au moment de la prise de décision d’envoyer la petite fille en mariage Conséquences – pauvreté de la femme
Stratégies – mettre la femme au centre du questionnement au cours de l’analyse dans l’intervention féministe
Difficultés rencontrées – pas de formation en recherche-action
Perspectives – avoir un groupe de consultants/tes pour la tenue des séances de causeries éducatives dans le centre
Activité 3 : lobbying Résultats – adhésion des leaders religieux musulmans à collaborer avec l’ALVF
Stratégies : – entretiens individuels
. importance pour une femme d’avoir un acte de mariage . importance pour une femme d’avoir un acte de naissance . l’utilité d’envoyer une fille à l’école
Difficultés rencontrées – préjugés
Perspectives – formation en montage de gros projets et en recherche de financement
Les autres filles l’appelaient comme ça dans le Centre. Ses parents l’ont mariée précocement à 13 ans, sous prétexte qu’ils n’avaient pas d’argent pour financer ses études. Elle venait d’être admise en classe de 6ème et au Certificat d’Etudes Primaires. Leur beau-fils avait promis de laisser la "mère des jumelles" poursuivre ses études après le mariage. Malheureusement, monsieur n’a pas tenu sa promesse. Quelques années plus tard, elle rentre dans sa famille avec deux enfants à sa charge. Afin de nourrir ses enfants, elle s’est mise en concubinage avec un autre Monsieur ; évidemment, avec le premier, il n’y avait pas d’acte de mariage. De leur union naquirent deux jumelles qui ont été reconnues par leur père naturel. Étant également abandonnée par ce dernier, qui ne lui versait que 50 dollars par mois pour sa ration alimentaire et le loyer, elle se rend donc au Centre Vie de Femmes de l’ALVF. Elle demande qu’on réclame au Monsieur une augmentation de la pension versée pour l’entretien des enfants. Après plusieurs entretiens avec la "mère ces jumelles", le père et le concubin sont convoqués par l’assistante sociale du Centre. On informe aussi son père de l’origine des problèmes de sa fille, des causes et des conséquences des mariages précoces et forcés ; il reçoit la formation sur les droits de sa fille. Quant à son partenaire, il est également informé sur ces droits, les enfants reconnus, les capacités du Centre d’assister la victime dans ses démarches jusqu’à ce que la Justice rende une décision. Malgré les arguments avancés par l’Assistante sociale, Monsieur refuse d’augmenter les frais de la ration alimentaire. Ce comportement amène la jeune femme à se rendre chez le Procureur de la République qui confie le cas au commandant de brigade de la Gendarmerie. Ce dernier contraint le mari à augmenter la somme de la pension pendant deux mois. Au bout du 3ème mois, Monsieur est porté disparu. Il n’est plus revenu au Centre pour déposer la somme d’argent. La jeune femme lésée revient au Centre et il est question qu’elle porte plainte en justice. Elle n’ose pas le faire. Entre temps, elle s’engage comme femme de ménage dans une famille (un juriste). Quand l’homme qui l’avait abandonnée sait qu’elle travaille chez un couple de juristes, il revient vers elle etreprend la vie commune avec la mère des jumelles. Cette dernière n’est plus revenue au Centre. Elle a laissé tomber son travail ; elle se met à fabriquer du vin local. Pendant ce temps, Monsieur prend la fuite. Aux dernières nouvelles, la "mère des jumelles" a trouvé un autre travail comme femme de ménage dans une autre famille. Elle a eu peur de porter plainte. Après l’avoir éloignée du Centre, Monsieur a fui et a même changé de ville. A partir de l’année prochaine, je souhaiterais mettre en place un projet intitulé "encadrement et suivi des femmes/filles victimes de violences basés sur l’intervention féministe et le genre". Ce projet sera composé de plusieurs programmes qui seront exécutés dans les Centres Vie de Femmes de l’ALVF. Je cherche une homologue canadienne qui m’assistera pour : – Courriel de Centre Vie de Femmes Mis en ligne sur Sisyphe le 15 novembre 2003. P.S. Sisyphe encourage la reproduction et la diffusion de ce dossier. Si vous ne pouvez reproduire et diffuser cette page sur vos sites, merci d’y placer un lien vers ce dossier. Toutes les photos appartiennent à Billé Siké. |