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samedi 20 novembre 2004 Maladie d’amour
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Tout finit par mourir C’est dans la tête qu’on les entend parfois les cigales monocordes du patriarcat. Le son aigu de l’épée flamboyante d’Achille qui vous tue sans vous toucher parce qu’elle est suspendue au-dessus de vos têtes, parce qu’elle insiste à se tenir sans cesse à vos côtés, parce qu’elle fait de l’ombre à votre ombre et couche entre vous et ce que vous aimez, ce qui vous rend malade d’amour ; et parce que c’est pour cette maladie d’amour que l’on vous soigne au fond de la terre, aveuglément, au centre des ténèbres. C’est dans la tête qu’on les entend presque toujours les cigales monocordes du patriarcat. Le bruit stridulant des mâles qu’imitent les femelles aux quatre ailes membraneuses, qui vous tue sans vous toucher parce qu’il vous projette sous la coupole métallique d’un soleil impitoyable à vos quatre petites vérités, parce qu’il vous pénètre jusqu’à l’os de sa terrible fiction déguisée en lumière universelle, parce qu’il vous assène sa présence tapageuse entre vous et ce que vous aimez, ce qui vous rend malade d’amour ; et parce que c’est pour cette maladie d’amour que l’on vous soigne à l’aveuglette au centre des ténèbres. C’est dans la tête toujours qu’on les entend les cigales monocordes du patriarcat. Le cri strident du monde en l’état présent du monde qui vous tue sans vous tuer parce qu’il vous transperce l’oreille gauche d’un espoir aigu toujours déçu, parce qu’il publie à grand fracas d’éclatantes métamorphoses qu’avec votre complicité il n’accomplit jamais, parce qu’il tient votre vie en suspens sur cette note assourdissante, parce qu’il s’interpose violemment entre vous et qui vous aimez, ce qui vous rend malade d’amour ; et parce que cette maladie incurable s’est logée dans votre tête au centre des ténèbres. Mis en ligne sur Sisyphe, le 14 novembre 2004. |