par France Bonneau, poète

Je cherche les yeux de la Terre. Pour tout et mieux voir, car les miens ne suffisent pas.

Il y a tellement de zones d’ombre… La Terre sait tout ce que j’ignore.

Je veux savoir : Comment opèrent les médecins en Arabie saoudite ?

Suivent-ils la règle de la Charia, son application stricte ?

Pour un gros salaire caché dans un paradis fiscal, ils obéissent à la loi ?

Se couvrent-ils symboliquement les yeux en opérant ?

Enlèvent-ils le clitoris des petites filles ? Non, cela revient à des femmes docteures, ai-je déjà lu, et cela se fait d’ailleurs couramment.

Mais en acceptant cet état de fait, en ne disant rien, les médecins ne sont-ils pas complices de ces pratiques médicales inacceptables ?

Et ces mêmes docteurs, est-ce qu’ils mutilent, amputent sur demande, et toujours selon les exigences de la loi islamique ?

Pas question de refuser, de protester, de contester ?

En Arabie saoudite, cela ne se voit pas, ne se peut pas ?

Les femmes restent, sans contredit, les premières victimes de cette tyrannie monarchique.

Quelle réalité socio- politique entoure la profession médicale ?

Voilà ce que je voudrais savoir, ce que je voudrais que la Terre me dise.

À tout le moins, j’aimerais bien qu’un ou une journaliste pose pour moi ces questions à monsieur Philippe Couillard.

Jusqu’ici, j’ai lu bien des analyses, mais pas encore de réelle confrontation liée à ces épineuses questions. Qu’est-ce que nous attendons ?

Philippe Couillard a aidé à créer le service de neurologie de l’entreprise pétrolière Aramco.

N’était-il pas aussi conseiller du ministre de la santé ? Un conseiller les mains liées par son employeur, le roi et dictateur Abdallah (aujourd’hui le Prince Moqren).

Oh ! bien sûr, il dit qu’il ne soutient pas la loi islamique, mais ses agissements m’apparaissent à tout le moins contradictoires.

Je lui pose donc la question directement : Monsieur Couillard, parlez-nous de votre pratique médicale en Arabie saoudite.

Parlez-nous de cette théocratie monarchique, de cette ambiance dictatoriale.

Vous avez dû en voir, en apprendre tant et tant… Pourquoi êtes-vous revenu ici sans dénoncer ouvertement ?

Oui, les mœurs ne sont pas les mêmes. Justement !! La situation des femmes vous importe peu ? L’enfer où elles vivent, vous le connaissez pourtant. Et la fatwa, vous la soutenez ?

Quelle est votre éthique ? Vous en avez une ?

« C’est un contexte différent du nôtre », avez-vous dit.

Cette réponse ne me semble pas satisfaisante. Légère, sans marque aucune de solidarité. Vous avez trop d’amis islamistes chez nous ? Vous ne voulez surtout pas les décevoir ? L’Arabie saoudite n’est pas le Texas monsieur Couillard ! Ouvrez vos yeux, vos oreilles, votre cœur !

L’Arabie saoudite demeure bien l’État du Moyen-Orient le plus conservateur, le plus radical et le plus conforme aux exigences de la loi islamique. Vous le savez ? Vous le saviez ?

Et n’est-ce pas le Québec, les Québécois et les Québécoises qui ont financé vos études en médecine ? Cet argent placé dans l’île de Jersey, cela ne vous gêne pas ?

À une semaine des élections, le temps presse, car de ce côté-ci du monde, nous avons conscience de la montée de l’intégrisme et nous n’en voulons pas.

Nous voulons une Charte de la laïcité, afin, justement, de prévenir cette progression et ses effets dévastateurs.

Ce n’est pas un état de panique mais bien de réalisme préventif. Janette Bertrand l’a fort bien exprimé, hier.

Je suis sûre que la Terre nous appuie en ce moment. Elle a vu, tout vu et entendu, et elle est lasse de nous savoir aveugles. Lasse de ces zones ombrageuses qui échappent à la majorité d’ici.

Je cherche toujours les yeux de la Terre. Besoin d’en savoir plus, de déterrer les zones opaques, les mystères comme les réalités de la nuit orientale.

P.S. La fatwa codifie à la fois les aspects publics et privés de la vie d’un musulman, ainsi que les interactions sociétales. Les musulmans considèrent cet ensemble de normes comme l’émanation de la volonté de Dieu (Shar’)
(Source : Wikipédia)

– L’auteure est membre de Indépendantes.org.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 30 mars 2014

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France Bonneau, poète