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samedi 8 octobre 2005 La France et le Québec, deux définitions divergentes de la laïcité dans l’espace public Dix-huitièmes Entretiens du Centre Jacques-Cartier de Lyon
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L’écart entre les réponses républicaines (valeurs publiques de neutralité) et les réponses démocratiques (chartes des droits et libertés garantissant la tolérance religieuse) montre que la France et le Québec ne partagent pas la même culture juridique et politique sur la question de la laïcité de l’État et de l’espace public. La présente constitution canadienne (non ratifiée par le gouvernement du Québec) ainsi que le préambule de la Charte canadienne des droits et libertés, toutes deux de 1982, font explicitement référence à Dieu. On peut même soutenir que le concept de laïcité est absent du droit fédéral canadien comme du droit civil québécois. En matière de libertés, le conflit entre l’approche française et celle du Québec s’est récemment cristallisé dans les questions suivantes : « À quelles conditions, demande le Président Chirac, l’école républicaine peut-elle être le lieu où l’Etat garantit l’émancipation des citoyens par rapport à la famille et aux communautés d’appartenance culturelle et religieuse ? » Comment, au contraire, conçoit-on l’école au Québec quand on place au fondement du droit l’idée de personne libre et la Charte des droits naturels et individuels, apolitiques et imprescriptibles ? On voit que l’idée d’État n’est même pas énoncée dans la seconde question. On peut lire un court plaidoyer contre l’ « intolérance française » et pour « l’obligation d’accommodement raisonnable » (s’appliquant au cas par cas, au hasard des plaintes individuelles) dans Guy Durand, Le Québec et la laïcité, Varia, Montréal, 2004. Pour Prendre le cas d’un laïcisme français extrême, on peut citer le document de Michèle Vianès, Les islamistes en manœuvre. Silence on manipule (Editions Hors Commerce, novembre 2004) Quelles définitions de l’État et du citoyen sont en cause ici ? Qu’entend-on en France par le communautarisme que le Président Jacques Chirac a attaqué dans son discours à la nation, en janvier 2004 ? Quel est celui que prône la doctrine empirique du Canada comme « communauté de communautés » de Robert Stanfield/Joseph Clark, qui fut bien reçue au Québec (cf. Joe Clark, Plaidoyer pour un pays mal-aimé, trad. Desrosiers, Libre Expression, Montréal, 1994) ? Que désigne le communautarisme théorique Comment se départagent la sphère publique et la sphère privée, en France et au Québec ? Une récente collection de textes dirigée par Micheline Milot, sous le titre La laïcité au Québec et en France (Bulletin d’histoire politique vol.13.3, éd. Lux, Montréal 2005) propose six essais sur cette divergence. Mais nul n’est besoin d’être expert juriste pour sentir que l’esprit des lois ne concorde pas. Pourquoi l’école privée en France serait-elle exemptée d’appliquer la règle républicaine, comme le permet l’article 141-5-1 de la loi 2004-228 du Code de l’Éducation Nationale (« loi Stasi-Ferry »), entré en vigueur le 15 mars 2004 ? À quand un réseau d’écoles privées musulmanes ou hassidiques, en France, en Allemagne, au Royaume-Uni ou au Québec ? Selon que l’on est laïque et républicain à la française ou défenseur des libertés religieuses protégées par deux Chartes des droits (Ottawa et Québec), on n’évalue pas de la même manière la présence des signes et institutions religieuses dans l’espace public. Ainsi le port du voile musulman dans les écoles publiques est permis au Québec depuis un arrêt rendu dans une cause particulière en 1995. Comment faire participer l’Islam de l’immigration en France et au Québec (parmi d’autres) à la relégation du religieux vers la sphère privée, conformément à la culture de l’Occident moderne ? On pouvait lire dans The Gazette de Montréal du 1er février 2004, plan de la ville et fiches historiques à l’appui, que le nombre des lieux de culte musulman, toutes obédiences confondues, dépasse 50 sur l’île de Montréal mais qu’ils se veulent anonymes, sans architecture religieuse spécifique dans l’espace public. La demande récente pour ériger un premier minaret sur la plus ancienne de ces mosquées invisibles, la mosquée Markaz al Islam (Islamic Center of Quebec devenu Centre islamique du Québec, ouvert en 1965, par la loi 194 de l’Assemblée Nationale du Québec qui passa inaperçue) a soudain suscité des mouvements hostiles, dans les circonstances politiques particulières d’aujourd’hui. D’autre part, sous la caution de la loi ontarienne de 1991 sur l’arbitrage en droit privé, l’Islamic Institute of Civil Justice in Canada (Institut islamique de justice civile, à visée pancanadienne), fondé par l’avocat Syed Mumtaz Ali, qui est également président de la Canadian Society of Muslims, a commencé à rendre des décisions en matière de mariage, de divorce, d’héritage, etc. Il faut que les deux parties consentent à soumettre la cause au tribunal islamique. Le Conseil des imams qui arrête les jugements applique la charia à l’affaire examinée (mariage et contrat de mariage, divorce, plainte pour violence conjugale, pension alimentaire, testament, garde d’enfant, etc.). Les jugements eux-mêmes demeurent confidentiels et on demande souvent aux femmes de signer une renonciation à tout appel du jugement devant une cour civile. Ces pratiques qui entre autres, octroient à la fille une part d’héritage équivalant à la moitié de celle du fils, ainsi que le secret des décisions, ont conduit des groupes de défense des droits et libertés à exiger la révision de la loi ontarienne. Cette révision est arrivée à sa conclusion le 20 décembre 2004, Marion Boyd a déposé son rapport recommandant au Gouvernement ontarien la reconduction des tribunaux d’arbitrage islamique en matière de droit familial. C’est elle-même qui, à titre de Solliciteur Général du gouvernement de l’Ontario en 1991, avait autorisé l’installation de ces tribunaux islamiques : elle n’a pas démenti sa propre décision passée. C’est un mouvement de femmes et d’hommes musulmans du Canada anglais qui fit d’abord campagne contre le Rapport Boyd, pour protéger les femmes de leurs communautés diverses : Iraniennes, Égyptiennes, Pakistanaises, Syriennes, Afghanes, etc., histoires de cas à l’appui. S’appuyant sur la quasi unanimité de l’opinion publique québécoise, le ministre québécois de la Justice Jacques Dupuis a pris la voie opposée à celle de l’Ontario et refusé d’autoriser des tribunaux de médiation islamiques en matière de droit familial. Il en a informé l’Assemblée Nationale par communiqué, le 13 décembre 2004. Dans une déclaration officielle du 15 janvier 2005, publiée dans Le Devoir, il justifie sa décision sans pourtant la généraliser à toutes les confessions. Ces deux documents révèlent des fondements et une argumentation forts différents de la logique juridique française mais ils font néanmoins valoir les distinctions essentielles entre la Common Law (qui régit les matières civiles dans toutes les provinces et territoires canadiens hors Québec) et le Code civil québécois, hérité du droit français, où l’État se définit comme seule source de droit. Ainsi, par son article 2639, le Code civil du Québec interdit a priori les tribunaux d’arbitrage privés, qu’ils soient laïques ou religieux, pour le droit qui touche les personnes ou l’ordre public. Néanmoins, il existe au Québec depuis des décennies des cours de médiation appliquant respectivement le droit canonique et le droit rabbinique. Le ministre ne les a pas abolies, ce qui peut constituer une discrimination confessionnelle, montrant ainsi à quels abus conduit l’approche au « cas par cas ». Des deux côtés de l’Atlantique, une partie du problème se trouverait-elle au point aveugle de la société d’accueil ? Car, vue depuis les États islamistes, il en va autrement. Ainsi, le 20 octobre 2004, après une conférence prononcée à l’Université McGill de Montréal sur la compatibilité entre l’Islam et les principes de la démocratie politique, Madame Shirin Ebadi, avocate de Téhéran et Prix Nobel de la Paix 2003, a dénoncé l’institution de tribunaux appliquant la charia en Occident. Elle a demandé aux gouvernements québécois et ontariens de les rejeter/abolir. En écho à cette interpellation, le 26 mai 2005, à l’Assemblée législative du Québec, une résolution fut présentée conjointement par les députées Fatima Houda-Pépin (musulmane et membre de la majorité libérale) et Jocelyne Caron (membre de l’opposition "Parti Québécois") contre l’implantation des tribunaux dits islamiques au Québec et au Canada. Cette résolution fut adoptée à l’unanimité. La formulation "et au Canada" visait implicitement l’Ontario. Le texte a ensuite été envoyé à tous les parlements provinciaux du Canada, ce qui est une démarche extrêmement rare dans ce pays. Le 13 juin, le Solliciteur-Général de l’Ontario Michael Bryant a remis sine die la décision de poursuivre l’expérience des tribunaux islamiques en droit familial. Cela revenait en pratique à suspendre ces tribunaux appliquant "la charia" (quelle charia ?) depuis 1995. Cette non-décision allait donc à l’encontre du Rapport Boyd, déposé le 20 décembre 2004 qui recommandait le maintien définitif de ces tribunaux. En juin, donc, le Solliciteur-général de l’Ontario n’abolissait pas, n’interdisait pas, ne suspendait pas les tribunaux religieux. Il remettait sa décision attendue en juin 2005 mais sans énoncer de principes juridiques ou politiques pour définir la laïcité. Bref, il s’agissait d’une mesure dilatoire et muette. Or, les droits individuels définis par les Chartes continuent d’opérer dans le sens de l’obligation d’accommodement raisonnable : le 14 juin 2005, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec a statué que les écoles privées (confessionnelles et autres) sont forcées d’accepter le port des signes religieux dans les classes, dont le voile musulman. Comme on l’a vu ci-dessus, une cause vieille de 10 ans obligeait déjà les commissions scolaires publiques à tolérer le port du voile. Après quelques mois de déclarations à la presse, manifestes, pétitions (18 000 signatures), témoignages d’abus, publications engagées, etc., plusieurs mouvements de femmes musulmanes et non musulmanes, appuyés par des groupes de citoyens défendant les libertés démocratiques, ont décrété une journée internationale de manifestation « No Sharia in Canada », coordonnée par Homa Arjomand pour le Canada, Michèle Vianès (présidente de Regards de Femmes, basé à Lyon, France) et fixée au 8 septembre 2005. Ce jour-là, des manifestations publiques eurent lieu à Toronto, Montréal, Vancouver et Victoria, d’une part, et à Paris, Amsterdam, La Haye, Berlin, Stockholm, Copenhague, d’autre part. Le gouvernement fédéral canadien, amené à expliquer à l’étranger l’existence des tribunaux islamiques ontariens, fut ouvertement embarrassé et contrarié. Le 11 septembre, le Premier Ministre ontarien, M. Dalton McGuinty, qui, dix jours plus tôt ne voyait pas de problème dans ces tribunaux, déclara abruptement l’abolition de tous les tribunaux religieux (mennonite, rabbinique, canonique, anglican, islamique) de la province, en invoquant un seul principe : la même loi pour tous les Ontariens. Il est intéressant de noter combien les écarts juridiques entre Québécois et Français semblaient minimisés dans la lutte militante contre les tribunaux appliquant la charia. Dans les urgences de l’action, les slogans suffisent. Dès le lendemain, plusieurs voix s’élevaient dans les media pour regretter cette décision : entre autres, celles de Charles Taylor et de Jean-Claude Leclerc, tous deux inquiets de l’isolement des communautés musulmanes, de l’échec du dialogue et de l’intégration, faisant craindre un sort pire encore pour les femmes. Le débat de société ne fait que commencer, quand on se rappelle que Amir Khadir, président de la Commission politique de l’Union des Forces Progressistes, a vu dans la lutte contre l’application de la charia un signe d’islamophobie. Doit-on chercher une seule bonne réponse à ces tensions à l’échelle de la France ou de l’Europe, à l’échelle du Québec ou de l’Amérique du nord post-11 septembre 2001 ? Faudrait-il élaborer plutôt une réponse occidentale ? Ce colloque se place résolument du côté de l’analyse et du débat de fond. Dix-huitièmes Entretiens
du Centre Jacques-Cartier
de Lyon DEUX DÉFINITIONS DIVERGENTES DE LA LAÏCITÉ
DANS L’ESPACE PUBLIC :
LE PRINCIPE RÉPUBLICAIN FRANÇAIS
VERSUS
LE PRINCIPE DÉMOCRATIQUE QUÉBÉCOIS <font 1>mardi 6 et mercredi 7 décembre 2005
Responsables scientifiques québécois : Responsables scientifiques français : Université Jean Moulin Lyon 3
Manufacture des Tabacs
Amphithéâtre Malraux
Rue Rollet
69008 Lyon MARDI 6 DÉCEMBRE
9 H 30 - Ouverture 10 H 00 - PERSPECTIVES HISTORIQUES ET CADRES JURIDIQUES LA NATION ET L’ÉTAT LAÏQUE 1905-2005 : L’ÉTAT FRANÇAIS ET LA LAÏCITÉ LA LAÏCITÉ, UNE PASSION FRANÇAISE POSITION DU DROIT CANADIEN LA LAÏCITE ET LES FRONTIÈRES DE L’INTIME 14 H 00 - CULTURALISME ET LAÏCITÉ COMPARÉE LA LAÏCITÉ SURVIVRA-T-ELLE AU CHOC DES CIVILISATIONS ? GENÈSE DU MULTICULTURALISME DANS LA POLITIQUE CONTEMPORAINE UNIVERSALISME ABSTRAIT ET MULTICULTURALISME INSTITUTIONNALISÉ : DEUX APPROCHES OPPOSÉES ESPACE PUBLIC, ESPACE PRIVÉ, LES FRONTIÈRES DU RELIGIEUX 16 H 00 - ENJEUX POLITIQUES ET ÉTHIQUES LA LAÏCITE EST-ELLE UNE « EXCEPTION FRANÇAISE » LE SIGNE DE L’AUTRE Mémorial de ses écrits sur la question ÉGALITÉ ET TOLÉRANCE : ENJEUX DE L’ÉTAT DÉMOCRATIQUE MODERNE LA CITOYENNETÉ MULTICULTURELLE : UNE DANGEREUSE UTOPIE LE FÉODALISME POST MODERNE 18 H 30 - Conférence ISLAM ET MODERNITÉ : LA QUESTION DE L’ÉTAT MERCREDI 7 DÉCEMBRE
9 H 30 - Ouverture 10 H 00- LAÏCITÉ ET ÉDUCATION LA LAÏCISATION DE L’ÉCOLE PUBLIQUE AU QUÉBEC, FACTEUR DE CONVERGENCE CIVIQUE LA LAÏCITÉ DES STRUCTURES SCOLAIRES DANS UN UNIVERS RÉGI PAR LES CHARTES DES DROITS ET LIBERTÉS LA LAÏCITÉ DANS L’ÉCOLE FRANÇAISE AUJOURD’HUI : AFFAIRE D’INSTITUTION OU DE PÉDAGOGIE ? 14 H 00 - LAÏCITÉ ET SOCIÉTÉ CIVILE LA LIBERTE RELIGIEUSE UNIVERSALITÉ DE PRINCIPE ET EXCLUSION DE FAIT : UNE LAÏCITÉ SUSPECTE L’ACTUELLE CONVERGENCE ENTRE LAÏCITÉ ET ÉGALITÉ EN DROITS LAÏCITÉ ET ÉDUCATION 16 H 00 - RELIGION, ÉTAT ET MONDIALISATION LES ENJEUX DE 1905 POUR LE DEBUT DU XXe SIÈCLE 2001-2005 DOUBLE CENTENAIRE OU DOUBLE SÉISME ? LAÏCITÉ LES VARIANTES CULTURELLES DE LA LAÏCITÉ DÉMOCRATIQUE UN CERTAIN PRINCIPE IMPÉRIAL D’INDIFFÉRENCE À L’ÉGARD DES SIGNES CONFESSIONNELS 18 H 30 - DROIT DE RÉPLIQUE : TABLE RONDE LIBRE ENTRE LES INTERVENANTS DES DEUX Fin du colloque
Mis en ligne sur Sisyphe, le 2 octobre 2005 |