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lundi 5 mai 2003

Les systèmes d’échange locaux, une voie vers l’autonomie

par Élaine Audet






Écrits d'Élaine Audet



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Alors que le néolibéralisme continue partout sa lutte brutale contre les pauvres et ravale les quatre cinquièmes de la population mondiale vers les terrains vagues de la société, de nombreuses communautés locales décident de rejeter ce système économique déshumanisant. Les initiatives populaires se multiplient partout, notamment les Systèmes d’Échanges Locaux (SEL) qui ont un succès croissant.

Le premier LETS (Local Exchange and Trading System) est né en 1983 à Vancouver (Canada) sans référence théorique. L’idée était simplement de rationaliser le troc local afin de tirer parti des nombreux savoir-faire sous-employés dans une région qu’avaient désertée les principales entreprises productrices d’emploi.

On assiste au Québec, comme ailleurs, au refus de l’exclusion, de l’isolement forcé, de la solitude subie, du sentiment généralisé d’inutilité, de la sécheresse affective induite, de tous ces maux auxquels le néolibéralisme condamne un nombre chaque jour plus élevé d’entre nous. François d’Assise et son idéal de bonté et de dénuement volontaire sont de plus en plus populaires au cinéma, au théâtre, en littérature, particulièrement grâce aux livres de Christian Bobin et d’Albert Jacquard. Il y a dans les régions une multiplication de cuisines et de jardins collectifs, de moissons partagées. Le recyclage tant matériel qu’artistique, dans une vision d’écodéveloppement, gagne du terrain ainsi que le boycottage de la consommation aveugle et de l’achat des produits des grandes multinationales.

Une éthique de subsistance

Les sociétés anciennes dites de subsistance nous ont montré qu’" un être humain digne de ce nom n’a pas besoin et ne peut moralement pas avoir besoin de plus que ce que lui-même avec la communauté à laquelle il appartient peuvent produire en commun. " (1) Le néolibéralisme n’est pas éternel ni irremplaçable comme on veut nous le faire croire. Il aura le sort des autres cycles économiques qui l’ont précédé. La renaissance des économies locales porte en germe " la formation de sociétés différentes où les joies du plus-être auraient enfin raison de l’obsession du plus-avoir. " (2)

Les Systèmes d’échange locaux ou SEL sont faciles à mettre en place. Quelques personnes vivant dans une localité se regroupent et établissent un indicateur offrant la liste de leurs savoir-faire, de leurs marchandises, ainsi que de leurs demandes ; y figure tout ce que les gens veulent négocier, expérimenter ou prêter. Toute offre peut alors être négociée grâce à un système de crédits locaux et de comptes tenus par un organisme central. Il s’agit de valoriser les richesses personnelles de chacun en échangeant des biens et des services, à l’aide d’une monnaie fictive, le " sel ", le " grain ", ou tout autre nom qu’on veut lui donner. Une cotisation d’environ $5 est demandée selon les coûts de fonctionnement ou des opérations ne pouvant être effectuées dans le cadre des échanges disponibles.(3)

Des avantages importants

Les SEL comportent de multiples avantages sur le plan économique. Ils permettent la revitalisation de l’économie locale sans apport de capitaux extérieurs, la réduction de la fuite des capitaux hors de la communauté, le soutien au commerce local grâce à l’argent économisé par l’utilisation du sytème d’échange, l’encouragement à la production locale pour répondre aux besoins locaux. Sur le plan social, les SEL stimulent la création de nouveaux réseaux sociaux, de méthodes inédites de rassemblement, la prise de conscience des problèmes locaux et de la responsabilité individuelle dans la recherche des solutions. L’environnement bénéficie également de l’implantation d’un système d’échange local par l’arrêt du gaspillage des ressources, le recyclage, la diminution de la pollution et le financement de projets visant à mettre en valeur l’environnement local.

Le SEL de la vie

En général, les SEL sont créés par des femmes. En 1995, en Ariège (France), les cinq ou six initiatrices se sont bientôt retrouvées avec 350 personnes attirées par cet autre mode de vie basé sur l’entraide, l’amitié, la convivialité, la solidarité. En Angleterre, les LETS (Local Exchange Trading Systems) ont été initiés par la distribution de tracts dans les centres commerciaux. Aujourd’hui, des groupes existent aussi au Canada, aux États-Unis, en Amérique latine, en Nouvelle-Zélande, au Danemark, en Suisse, en Espagne.

Ces diverses expériences montrent l’importance de développer en nous le don de double-vue, c’est-à-dire d’avoir toujours un oeil sur la résistance aux effets déshumanisants de la société néolibérale, et l’autre oeil sur la mise en chantier dès maintenant de la société telle que nous voulons qu’elle soit. Nous savons, en tant que femmes, comment vivre dans un monde défini par les hommes, tout en créant, pas à pas, une réalité dans laquelle nous pouvons nous reconnaître, en inventant un monde comme nous l’imaginons. En ce début de millénaire, nous sommes de plus en plus nombreux et nombreuses à nous regrouper sur la base de notre force partagée plutôt que de notre peine commune, à fondre notre colère dans notre soif de justice et de liberté. Et nous aurons raison de ce système édifié sur la rapacité et la division.

L’expertise locale

Les SEL permettent à chaque personne de prendre conscience de ses nombreuses expertises et possibilités d’échanges. On y troque des électro-ménagers, des cours de langues, de traitement de texte, de musique, de théâtre, de peinture, de yoga ou de mathématiques. On offre de repasser, de faire les courses, de couper les cheveux, des recettes exotiques, des livres, la couture de vêtements, la garde d’enfants ou d’animaux, des massages. On peut se procurer des services de rénovation et d’entretien : plomberie, électricité, isolation, etc. On organise également de gargantuesques soupers populaires sur une place de village ou une rue de quartier. Ailleurs, un projectionniste itinérant va régulièrement présenter des films dans les endroits éloignés des cinémas. D’autres mettent sur pied un journal d’information local, un café internet, ou organisent des spectacles ou expositions avec les talents locaux. Plus que l’échange des biens et services, c’est le développement de l’amitié, de la confiance et de la transparence qui semble l’élément le plus important aux populations locales qui participent aux SEL.

Penser à nos enfants

Le déplacement du centre de gravité de l’argent et de la consommation obsessive vers le SEL de la solidarité redonne goût à la vie et permet l’épanouissement de l’être et de son milieu. Le renforcement des économies locales conjointement avec la diminution et le partage égal du temps de travail entre les femmes et les hommes auront pour résultat la revalorisation de la vie privée terreau des liens affectifs, de la créativité individuelle et des initiatives populaires. Les enfants retrouveront un milieu convivial dont ils seront partie prenante et on peut présumer que les causes de décrochages, de toxicomanies, de violence, de suicides en seront considérablement réduites. Si nous cessons d’entretenir le système par notre docilité envers ses lois arbitraires, par notre travail d’esclaves, par la consommation de ses inutiles " nouveautés " et par notre incroyable crédibilité envers sa pseudo-démocratie, ce ne sera plus nous mais le néolibéralisme qui fera faillite.

Source
(1) Rahnéma, Majid, La pauvreté globale, Montréal, Interculture, No. 111, 1991. Voir sur le site un extrait de son dernier livre Quand la misère chasse la pauvreté, Paris, Fayard/Actes-Sud, 2003.
(2) Ibid.
(3) Documentation sur les SEL :
simplicité volontaire (pour les SEL de Montréal : Banque d’échanges communautaires de services (BECS) et Le Cybersel L’épingle à linge)

pgacc
horizon-local
finance solidaire
La Boîte des savoir faire du Centre des femmes d’ici et d’ailleurs : (514) 485-7728 (pour les femmes)
La Banque d’échanges Communautaires de Services, (514) 849-2752 (pour le grand Plateau et Montréal)
Le Projet Genèse, (514) 738-4584 (quartier Côte-des-neiges à Montréal)
Le SEL de la Pointe : (514) 527-6528 (quartier Pointe St-Charles à Montréal)
Le SEL le Cartier : (514) 856-3326 (quartier Bordeaux-Cartierville à Montréal)
Part-SEL : (514)277-4993 (quartier Villeray/Petite-Patrie à Montréal)

Mise en ligne sur Sisyphe le 6 mai 2003.



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Élaine Audet



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    Correction : il s’agit du Cybersel la Corde à linge.

    Merci :-)

    Julie


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