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mars 2003

Pourquoi "De facto" propose-t-il la légalisation de la prostitution ?

par Isabelle Lamarche






Écrits d'Élaine Audet



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A la manifestation du samedi le 15 mars contre la guerre en Irak à laquelle participaient 250 000 personnes, un précédent au Québec, je suis tombée sur le premier numéro de "De facto", "un mensuel qui se veut alternatif, indépendant et engagé." L’éditorial nous informe sur les objectifs de ses auteur-es : "Plutôt que de crier sur tous les toits que le monde est pourri et de s’enfermer dans un défaitisme improductif, comme le font malheureusement plusieurs pseudo-contestataires, notre équipe de jeunes journalistes a décidé de se prendre en main. Nous souhaitons vous offrir, chers nouveaux lecteurs, une voix différente de celle des géants médiatiques, ceux-là mêmes qui pensent davantage à leur chiffre d’affaires qu’à la qualité de l’information et au bien-être de la société civile." Je tiens à saluer cette initiative alors qu’il devient impératif de construire une presse alternative et indépendante dans un contexte de concentration effrénée de la presse.

Les pages centrales sous le titre agora portent sur la prostitution et en proposent la légalisation. Elles ont attiré mon attention car la prostitution est en débat actuellement entre les protagonistes de sa légalisation ou de sa décriminalisation et les protagonistes de son abolition. Elle a fait l’objet d’une assemblée spéciale de la Fédération des femmes du Québec à l’automne 2002. Deux livres viennent de paraître sur ce sujet : La prostitution un métier comme un autre ? de Yolande Geadah et Travailleurs du sexe, de Michel Dorais. Le Conseil du statut de la femme a publié une recherche à l’été 2002 intitulée, La prostitution : profession ou exploitation ? Une réflexion à poursuivre, etc. J’étais curieuse de voir quelle était la position d’un nouveau journal sur une question aussi importante pour les femmes dans la perspective d’une société égalitaire.

Le débat sur la prostitution soulève les passions car cette industrie représente des enjeux fondamentaux pour plusieurs groupes sociaux. Premièrement le trafic sexuel à des fins de prostitution dans un contexte de mondialisation génère à travers le monde, selon l’ONU, des profits de l’ordre de 14 milliards de dollars canadiens. Deuxièmement, les résidents des quartiers où se pratique la prostitution de rue sont excédés par tout ce qu’elle engendre : condoms et seringues usagés trouvés dans les parcs, bruit accompagnant la circulation générée par cette activité, sollicitation des résidentes, etc. Enfin elle représente un enjeu important pour les femmes car elles sont fortement majoritaires comme prostituées alors que les hommes sont fortement majoritaires comme clients. Suite à la Marche mondiale des femmes contre la pauvreté et la violence faite aux femmes, plusieurs, dont je suis, considèrent la prostitution comme une violence faite aux femmes et ne peuvent penser à des rapports sociaux égalitaires entre les hommes et les femmes sans abolir la prostitution.

Sous le titre "De facto" prend position, il nous dit : "Les politiques répressives ou carrément abolitionnistes des forces conservatrices n’ont eu qu’un seul effet jusqu’à maintenant, celui de refouler les travailleurs et travailleuses du sexe dans la clandestinité." Cette affirmation semble gratuite car dans la même page, sous le titre La légalisation a du bon mais pas pour toutes, "De facto" affirme : "La très progressiste Suède a adopté en janvier 1999 une loi interdisant l’achat de services sexuels et considérant les prostituées comme des victimes ayant droit à de l’aide gouvernementale. La loi a reçu l’aval de 80% de la population, mais aussi des associations des prostituées, car elle leur permet d’obtenir du secours plus rapidement. Avant la mise en place de cette législation, 125 000 hommes avaient recours aux services de prostituées. En deux ans, ce nombre a chuté de moitié."

Il est important d’ajouter que cette loi décriminalise les prostituées alors qu’elle criminalise les clients et les proxénètes dans le but d’abolir la prostitution. Dans la littérature, les auteurs qualifient la position de la Suède d’abolitionniste ou de néo-abolitionniste. On voit donc, contrairement à l’affirmation de "De facto", que tous les abilitionnistes ne sont pas conservateurs. Pourquoi proposer la légalisation de la prostitution quand on voit un tel effet en aussi peu de temps d’une loi interdisant l’achat de services sexuels ? La prostitution n’est peut-être pas encore un mauvais souvenir en Suède, mais force est de constater que la loi adoptée en 1999 fait progresser la situation dans cette direction.

"De facto" poursuit : "Nous serions évidemment réjouis de pouvoir vivre dans une société parfaite où tous les problèmes de la terre ne seraient que mauvais souvenir. Malheureusement, l’utopie est bien belle mais irréelle. Devant le constat d’échec de la guerre au vice, nous n’avons qu’une seule proposition qui semble juste autant pour les prostitués que pour la population entière : une légalisation des métiers du sexe." Il s’agit ici de légaliser autant les prostituées, les clients et que les proxénètes. Il est assez paradoxal de voir des personnes manifestant contre la guerre (on présume qu’ils étaient à la manifestation d’abord pour protester contre l’éventuelle guerre en l’Irak) baisser les bras aussi facilement face à la prostitution. Aucune des personnes qui manifestaient ne pouvait affirmer avec certitude que nous pourrions arrêter Bush, mais tous et toutes marchaient avec cet espoir. Si 250 000 personnes ont marché contre la guerre sans connaître l’effet de leur action, sur la seule base de leur conviction que la guerre est inacceptable, pourquoi ne tenterions-nous pas d’abolir la prostitution, en essayant de convaincre autant de personnes, sur la seule base qu’elle est inacceptable tout comme la guerre ?

J’invite "De facto" à réviser sa position puisque la loi adoptée en Suède interdisant l’achat de services sexuels me semble beaucoup plus juste pour les prostitué-es et pour la population que la légalisation de cette industrie avec tous les maux qui lui sont associés tels la drogue, la violence, le sida et le crime organisé.



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Isabelle Lamarche

Enseignante en sociologie au niveau collégial, Isabelle Lamarche a collaboré pendant six ans à L’aut’journal, mensuel politique qu’elle a contribué à fonder. Elle a été membre de l’exécutif de son syndicat pendant cinq ans. 



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  • > Pourquoi "De facto" propose-t-il la légalisation de la prostitution ?
    (1/1) 23 juin 2003 , par





  • > Pourquoi "De facto" propose-t-il la légalisation de la prostitution ?
    23 juin 2003 , par   [retour au début des forums]

    Je fais écho à vos propos...

    Je ne comprends pas qu’on ne parle pas plus de la loi suédoise, qui criminalise les clients, plutôt que les prostitués. C’est également faire d’une pierre deux coups, cette loi et dont l’aspect d’équité est fort difficile à réfuter.

    Il vaut la peine d’en expliquer et de diffuser le principe si simple dont parlait Margareta Winberg, vice-première ministre de la Suède. Dans son discours, le 7 juin dernier, à l’université d’HUmboldt, en Allemagne, elle disait à ce sujet (traduction libre) "Je vous mentionne par exemple la Loi sur l’achat de services sexuels. Cette loi, unique en elle-même, a été implantée en Suède en 1999 et déclare que l’achat de services sexuels est une offense criminelle, tout en ne criminalisant pas la prostituée. Nous avons créé cette loi parce que nous voyons le phénomène selon une approche de pouvoir – les hommes ont la possibilité de ne pas choisir d’acheter des services sexuels alors que les prostituées, plus souvent qu’autrement, proviennent des groupes les plus marginalisés de la société qui, souvent, n’ont pas de choix."

    D’une simplicité et d’une logique digne d’une société contemporaine, tout est dit dans ce petit paragraphe...

    Kim Cornelissen

    • > Pourquoi "De facto" propose-t-il la légalisation de la prostitution ?
      9 août 2003 , par
        [retour au début des forums]

      Il n’est evidemment pas mentionné que cette loi a coincidé avec l’arrivée massive des protituées migrantes. On semble oublier qu’a l’heure actuelle la migrante a souvent cette seule solution pour venir dans nos pays ; la demande massive, les reseaux qui la font venir sont de bons moyens pour fuir. il ne s’agit pas de se féliciter du proxénétisme. il s’agit de constater que le criminaliser conduit aussi à opprimer les femmes qu le subissent ; quand on arrete des memebres d’un reseau, on arrete aussi les prostituées. On les emprisonne, on les expulse. On refuse donc aux femmes prostituées migrantes les memes droits qu’aux autres. Pheterson dit "les droits de l’ensemble des femmes sont indissolublement liés aux droits des prostituées parce que le stigmate de putain peut s’appliquer à n’importe quelle femme pour disqualifier sa revendication à la légitimité et peut jeter la suspicion sur n’importe quelle femme accusée d’avir pris une initiative dans le domaine économique et/ou sexuel".

      http://www.sweden.se/templates/CommonPageX____6097.asp
      extrait :
      "Si les femmes acceptent de témoigner contre leurs proxénètes devant la justice suédoise, que pourra faire ensuite celle qui réussit à se libérer ? Retourner chez elle ? Pour retrouver la pauvreté et les mêmes gangs de recruteurs ? Il y a quelques années, une Lituanienne de 24 ans a fait l’expérience de ces difficultés. Elle avait demandé l’asile en Suède pour échapper à son souteneur. Elle avait peur d’être exposée à des menaces et des représailles si elle retournait dans son pays. Elle a été déboutée et a dû quitter la Suède."

      On sait juste qu’il y a moins de prostituées dans la rue, oui elles sont chez elles à attendre els clients, à tout accpeter puisqu’elles ont moins de clients, ou alors elles votn chez lui. Leur situation devient donc plus dangereuse.

      un article dont je n’avais pas gardé la source
      "No, the law hasn’t been successful, that’s hypocrisy," said social worker, author and journalist Deanne Raucher who has worked until recently with prostitutes and drug addicts.

      "It’s been made worse in a sense. Those who sold sex on the street have gone underground and wealthy men are still buying. I know of police chiefs, judges and parliamentarians who buy."

      "The National Council for Crime Prevention says less than 100 men a year are arrested for paying prostitutes. Detective Inspector Kajsa Wahlberg, head of the national unit against traffick in women, says in 1998 there were an estimated 2,500 prostitutes and that number is unlikely to have changed."

      "The Swedish buyer doesn’t argue with the price, wants it done quickly and there is no violence. That’s what Russian prostitutes working in Sweden have told me," Wahlberg said. "That’s because the prostitutes don’t mind reporting the men. If they lose customers, many others are soon lining up."

      et voici enfin un manifeste de putain qui donne je pense à réfléchir
      http://www.cybersolidaires.org/docs/roxane.html

      [Répondre à ce message]


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