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samedi 20 décembre 2008 La persistance des stéréotypes sexistes dans la publicité
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La publicité occupe une place omniprésente dans nos vies et le sexisme, loin d’avoir disparu, s’y retrouve plus que jamais, sous diverses formes, certaines plus sournoises que d’autres. Les femmes, les hommes mais aussi les enfants continuent à y être représenté-es par des stéréotypes. Les publicités de produits d’entretien ménager, par exemple, continuent à s’adresser presque uniquement aux femmes. Le stéréotype de la Reine-du-foyer nous montre une femme dont le plus grand bonheur provient du sentiment d’avoir bien nettoyé sa maison ! Douce et souriante, elle regarde tendrement les dégâts de nourriture de son enfant ou les traces laissées par le chien. Il ne lui viendrait jamais à l’esprit de réprimander un enfant qui saute sur son lit, les souliers couverts de boue ! Un autre stéréotype féminin courant est celui de la superficielle. On la retrouve dans les publicités de produits cosmétiques et de produits d’hygiène corporelle. Son bonheur passe par sa beauté irréelle. Elle s’adresse à des femmes d’âge, de poids et d’apparence diverses pour tenter de les convaincre qu’elles peuvent toutes lui ressembler à condition, bien sûr, d’utiliser le produit dont elle fait la promotion. La Femme-objet, elle, se retrouve fréquemment dans les publicités d’articles pour hommes où son rôle consiste à être irrésistiblement attirée par l’utilisateur du produit annoncé quel qu’il soit. On la retrouve également dans les publicités imprimées, notamment dans les magazines qui s’adressent aux femmes (je ne tiens pas compte ici des magazines pornographiques). Souvent cadrée « sans tête », elle prend des poses suggestives ou est représentée en position de soumission à un homme. On la retrouve également dans les publicités de bière, qui semblent s’adresser exclusivement aux hommes. Habillées de façon sexy, son rôle est purement décoratif. Dans certaines publicités de bière, son rôle est d’inciter le consommateur masculin potentiel à participer à un concours où les belles filles semblent faire partie du prix à gagner. La dérive la plus inquiétante de la Femme-objet est celle de l’érotisation de l’enfance. Beaucoup de magazines féminins publient des photos de mannequins d’âge majeur mais qui ont l’apparence de jeunes filles de 12 à 15 ans, un corps sans formes et des traits candides contrastant avec un habillement aguichant et des poses parfois pornographiques. La mode sexualise les fillettes et gomme les différences entre leurs vêtements et ceux des femmes. Le sexisme n’épargne pas les hommes ! Un stéréotype masculin très répandu est celui de l’Homme-idiot. Marié à la Reine-du-foyer, il fait toujours tout de travers : il salit la cuisine, il tente de nettoyer en s’y prenant de la mauvaise façon ou en utilisant le mauvais produit, jusqu’à ce que la Reine-du-foyer arrive à la rescousse avec le produit miracle. La fonction de l’homme-idiot marié semble être de conforter le public dans la croyance que les hommes sont incapables de s’acquitter de la moindre tâche ménagère. En version célibataire, il se retrouve dans des publicités diverses où son rôle consiste à faire le clown, à trébucher ou à avoir des conversations complètement débiles avec un autre homme, pas trop brillant lui non plus... L’Homme-enfant, quant à lui, est surtout présent dans les publicités mettant en scène une famille. Son statut est équivalent à celui d’un enfant et il a une relation mère-fils avec son épouse. Il n’a aucune autonomie, on ne le voit jamais s’occuper d’un enfant, ni participer aux tâches ménagères et, dans les publicités d’aliments, il attend d’être servi par son épouse, assis à table avec sa progéniture. Dans les publicités de sirop contre la toux, il se fait soigner tendrement par son épouse. En version "sans enfant", il reçoit des conseils maternels de son amoureuse sur ce qui est "bon pour lui" ou se fait rassurer comme un enfant lorsque sa voiture est au garage... Le sexisme peut aussi consister en la surreprésentation d’un sexe dans un certain type de publicité. Aux femmes sont réservées les publicités de produits nettoyants et d’hygiène corporelle, les cosmétiques et les produits pour bébé. Aux hommes sont réservées les publicités d’outils, d’appareils électriques, de gadgets électroniques et de véhicules. Un homme peut annoncer un produit nettoyant ou un appareil électroménager mais seulement à titre de "spécialiste", rarement en tant qu’utilisateur dans la vie courante. Et s’il cuisine, c’est sur le barbecue, monsieur ! Il arrive qu’une femme conseille un homme dans une publicité d’appareil électronique ou de jeux vidéo mais dans ce cas, l’homme est beaucoup plus âgé que la femme, ce qui transforme le rapport entre les sexes en rapport entre les générations (message : si l’homme a besoin de conseil, c’est parce qu’il est "vieux"...) À noter aussi que, dans beaucoup de publicités mettant en scène un enfant et un parent, le père est généralement drôle et fantaisiste avec son enfant alors que la mère se contente de rester dans le rôle de la cuisinière et dispensatrice de soins. Le conditionnement sexiste débute dès l’enfance. Au Québec, la loi interdit la diffusion des publicités adressées aux enfants durant les émissions pour enfants, et immédiatement avant ou immédiatement après. Cependant, au Canada anglais et aux États-Unis, il est courant que des publicités de jouets soient diffusées durant les émissions pour enfants. Les publicités de jouets diffusées au Québec proviennent d’ailleurs, généralement des États-Unis, et sont simplement traduites en français. À la télévision, les petits garçons sont surtout présents dans les publicités de jouets aux couleurs variées qui font appel à la force, la puissance, la rapidité, la motricité et l’exploration de l’environnement. Ces publicités sont accompagnées souvent de musique rock et l’annonceur est un homme qui parle sur le ton "viril" d’un animateur de radio. Les garçons sont également en majorité dans les publicités de jouets conçus pour jouer à l’extérieur (pistolet à eau, freezbee, etc). Aux petites filles est réservé l’univers des jouets roses, des poupées, des peluches et des jouets délicats. Ces publicités font appel à la coquetterie, à la maternité (nourrir des poupées et changer leurs couches) et à la consommation (acheter de nouveaux vêtements et des accessoires pour des poupées ou d’autres jouets). La musique y est enfantine et la narratrice est une femme qui parle sur un ton doux ou exagérément enjoué. Chez les fillettes, l’activité physique la plus encouragée est la danse. Je trouve particulièrement navrant qu’on ne montre presque jamais des garçons et des filles jouant ensemble dans les publicités télévisées. Dans les catalogues de jouets, les pages réservés aux "jouets de filles" sont roses ou lavande tandis que celles réservées aux "jouets de garçons" sont de couleurs variés. Les photos de modules de jeu représentant une cuisine mettent souvent en scène des enfants reproduisant les rôles traditionnels homme-femme (une fille cuisine pendant qu’un garçon lui tend son assiette ou se verse un café imaginaire). S’il s’agit d’un module représentant un barbecue, c’est généralement un garçon qui y "cuisine" ! Il est possible d’agir contre le sexisme en publicité en déposant une plainte aux Normes canadiennes de la publicité (adstandards.com). On peut également écrire aux compagnies dont les publicités nous semblent sexistes ou choisir d’acheter des produits dont la promotion respecte l’égalité des sexes. On peut aussi sensibiliser les différents médias afin qu’ils aient davantage de discernement dans la vente d’espace publicitaire. Des organismes tels la Coalition nationale contre les publicités sexistes militent pour une représentation plus égalitaire dans la publicité. Soyons conscient-es de tous les dommages que peut causer le sexisme dans la publicité. Les stéréotypes sont si courants, le grand danger serait de ne plus y faire attention. Mis en ligne le 7 décembre 2008 |