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mercredi 12 août 2015 Prostitution - Amnesty International complice de l’exploitation sexuelle des femmes
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Ce 11 août 2015, à Dublin, dans le cadre de la mise en place de grandes orientations stratégiques, les 500 délégué-e-s du conseil international d’Amnesty International ont voté une résolution (1) prônant la décriminalisation du système prostitueur (personnes prostituées, clients et proxénètes), soi-disant pour protéger celles et ceux qu’Amnesty appelle « les travailleuses ou les travailleurs du sexe », tout en disant exclure de la décriminalisation les systèmes coercitifs, la prostitution des enfants et la traite des êtres humains. Cette résolution a été élaborée à la suite de consultations qui ont duré près de deux ans et d’âpres oppositions au sein même d’Amnesty, ainsi que de nombreuses organisations et d’associations - abolitionnistes (2), féministes et/ou de lutte contre les violences, de politiques, de personnalités, de professionnels du soin et de survivantes de la prostitution, etc. De nombreuses pétitions et lettres ouvertes ont circulé et ont récolté un grand nombre de signatures, par exemple, celles de la CEDAW (3), de Prostitution Research (4) de Melissa Farley, qui a lancé un appel avec 153 signatures de chercheuses, de chercheurs et d’universitaires (dont la mienne) de 19 pays, etc. (5) Amnesty prône la libéralisation et la légalisation de la prostitution… et en fait la promotion… Quel paradoxe pour une ONG, qui lutte pour les droits des personnes et contre la torture, de militer pour que les femmes les plus vulnérables soient exposées à des violences sexuelles qui font partie, avec la torture, des violences les plus traumatisantes ! (6) Au nom de la défense des personnes prostituées contre la discrimination et les violences d’État (harcèlement et brutalité policières), Amnesty prône la légalisation de la prostitution et du système prostitueur, et livre sans état d’âme aux mains des marchands du sexe et de leurs clients les personnes les plus vulnérables (femmes traumatisées depuis l’enfance, abandonnées par tous et toutes, en très grande précarité, « racisées »). Amnesty, comme nous allons le voir, ne se contente pas de passer sous silence la violence qu’est la prostitution en elle-même et l’atteinte aux droits, à la dignité et à l’intégrité physique et psychique des personnes (violence des "passes" répétées, réification des personnes, mises en scène d’humiliation et de soumission). Elle est dans le déni de la violence des clients et des proxénètes et du marché du sexe, des risques quotidiens d’être torturées, séquestrées, tuées, et de disparition. À tel point que, dans sa résolution, elle nie l’impact psychotraumatique de la prostitution sur les personnes prostituées, elle nie les violences sexuelles que les personnes prostituées ont subi dans l’enfance - avant leur entrée dans la prostitution - et qui en font les cibles privilégiées des prostitueurs. En un mot, Amnesty fait la promotion du système prostitueur en voulant en faire une activité marchande comme une autre, un travail comme un autre, en employant les mêmes arguments mystificateurs des pro-prostitution ! Alors que la position prônant la légalisation de la prostitution est de plus en plus remise en cause, et que la prostitution est de plus en plus reconnue comme une violence faite aux femmes tant au niveau international qu’européen… Alors que des pays emboîtent le pas de la Suède pour pénaliser le client et ainsi décourager la demande, que de plus en plus de personnalités en Allemagne et aux Pays-Bas (pays ayant légalisé la prostitution depuis plus de 10 ans) mettent en cause celle légalisation (Manifeste des psychotraumatologues (7) lancé par Ingeborg Kraus, lettre à Angela Merkel) en reconnaissant l’augmentation très importante du nombre de personnes prostituées, de la traite et du crime organisé ainsi que la gravité des psychotraumatismes chez les personnes prostituées, et en constatant que la raison arguée au départ pour mettre en place cette légalisation, qui était de garantir une meilleure protection et plus de droits aux personnes prostituées en leur permettant de régulariser leur activité, a échoué... Le nombre de personnes prostituées étrangères en état de très grande vulnérabilité dans ces pays ne fait qu’augmenter, le marché du sexe est florissant et exponentiel, avec des demandes de « services sexuels » de plus en plus fortes et extrêmes et la mise en place d’un marché du sexe qui fait des promotions. AI devient complice d’hommes voulant conserver le privilège exorbitant d’accéder à des corps de femmes réduites à une marchandise, selon leur envie, qu’ils nomment par abus de langage "sexualité, travail du sexe, prostitution librement consentie", dans une confusion entre sexualité et prédation intentionnellement entretenue. Pour ces hommes, la liberté serait une valeur supérieure : liberté de faire ce que bon leur semble dans le cadre de "leur vie sexuelle", liberté des femmes de vendre leur corps le temps d’une "passe". Et limiter cette liberté serait de l’oppression ou un retour à des valeurs réactionnaires. Avec un tel raisonnement, ils se permettent de taxer de moralisatrices, discriminantes et stigmatisantes envers les personnes prostituées toutes les personnes qui s’élèvent pour dénoncer ces violences. Or, la liberté de chacun est soumise à des limites, elle s’arrête là où commence la liberté et les droits d’autrui. Le droit, y compris le droit international des droits humains, prévoit des restrictions de droits et surtout de libertés. Il en est ainsi de la Convention européenne des Droits humains. La liberté n’a de sens que dans un monde juste où l’égalité de droits de chacun est respectée. La liberté suppose le respect de la loi et elle doit être la liberté de tous et de toutes, des forts aussi bien que de ceux et de celles qui sont en position de vulnérabilité : liberté, loi et égalité sont indissociablement liées. Si tel n’est pas le cas, on aboutit, comme le fait remarquer Karl Marx, « à la liberté du renard libre dans le poulailler libre… ». Et nous pouvons reprendre la phrase célèbre de Lacordaire : « Entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre le maître et le serviteur c’est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit. » Le consentement d’une personne à se prostituer est encadré par les droits de la personne. Ce n’est pas parce qu’une personne accepte de renoncer à ses droits au bénéfice d’une autre personne que cette dernière peut être dédouanée, elle reste entièrement responsable du respect de la dignité et de l’intégrité physique et psychique d’autrui. Pour poursuivre cet exemple, ce n’est pas parce qu’une personne accepte d’être torturée, mutilée, mise en esclavage, tuée, découpée en morceaux, privée de ses yeux, que quiconque peut en profiter pour la mutiler, la rendre esclavage, la tuer, la découper en morceaux, la priver de ses yeux, fût-ce prétendument pour la sortir d’une situation de grande précarité. Ces actes n’en restent pas moins des crimes punis par la loi, et le fait de rétribuer financièrement la personne pour ce faire n’y change rien : au contraire, le corps est inaliénable et ne peut s’acheter. Le choc est de taille ! Comment et pourquoi une organisation de défense des droits humains peut-elle prôner . une totale libéralisation d’un système de domination extrêmement lucratif, sexiste et raciste, Amnesty pourrait rétorquer que, dans sa résolution, elle prend soin de préciser qu’il faut avant tout protéger les personnes prostituées et dépénaliser leur activité dans les pays où cette dernière est illégale (ce qui n’est pas le cas dans les pays abolitionnistes comme la France), et criminaliser le trafic d’êtres humains en vue de la traite à des fins sexuelles, ainsi que la prostitution des enfants, ce à quoi nous adhérons, bien sûr. Mais AI ne propose aucune piste pour les combattre et ne précise rien pour informer sur la réalité de la traite et de la prostitution infantile, sur l’âge d’entrée en prostitution qui, pour plus de la moitié des personnes prostituées, se situe avant 18 ans, ni sur ce qui se passe dans les pays qui ont légalisé la prostitution. AI se garde bien de donner un chiffre sur ces réalités criminelles, ni sur le pourcentage réel de personnes prostituées soi-disant « libres », consentantes et exerçant sans aucune coercition, pour la protection desquelles cette proposition a été élaborée, selon l’organisme. De plus, à aucun moment on ne trouve dans la décision d’AI une analyse du système de domination masculine, ni la prise en compte du fait que les personnes prostituées sont très majoritairement (à 95%) des femmes et que les clients ne sont quasiment que des hommes… Pour Amnesty, la prostitution devrait être un travail comme un autre… Que propose AI ? De faire de la prostitution un travail et des personnes prostituées des « travailleuses de sexe » (terme répété jusqu’à la nausée tout au long de la résolution) avec des problématiques inhérentes au droit du travail dont elles doivent bénéficier en termes de condition de travail « équitables et satisfaisantes », « de normes et sécurité au travail ». Un travail pour les plus de 18 ans… et quid de la formation, des droits au chômage versus des propositions de travail que pourraient faire les organismes administratifs gérant les chômeurs et chômeuses ? Le proxénétisme est présenté comme « l’organisation générale du travail du sexe ». La prostitution, comme un des rares travail qui offre des sources de bénéfices à des personnes discriminées dans l’emploi, comme les personnes transgenres, « un travail de convenance personnelle » qui « offre une flexibilité et un contrôle sur les heures de travail ou un taux de rémunération plus élevé que les autres options » de travail (sic) !!! Quelle chance ce serait d’être prostituée si l’on cessait de considérer qu’il s’agit d’une activité criminelle et de vouloir pénaliser ces pauvres proxénètes qui ne demandent qu’à protéger leurs « travailleuses » et ces pauvres clients qui leur permettent de s’enrichir… AI le concède, cela peut être un moyen de survie immédiat en raison de l’extrême pauvreté et de l’exclusion sociale. Et quid des 85% à 95% personnes prostituées qui voudraient sortir de la situation prostitutionnelle ? (8) Pour Amnesty, la prostitution ne porte pas atteinte au droits des personnes, c’est le fait de la criminaliser qui est une atteinte à leurs droits et de la discrimination… Le raisonnement d’AI est le suivant : si les personnes prostituées subissent des violences de la part des acteurs étatiques et « les autres », c’est par discrimination, stigmatisation et manque de reconnaissance de leur statut de travailleuses sexuelles. C’est cette non-reconnaissance qui les expose à des persécutions ; il suffirait d’arrêter de stigmatiser cette « profession », de la légaliser, et d’offrir des garanties en terme de droit du travail pour que les personnes prostituées soient protégées des violences… Et cette violence serait aggravée par les lois criminelles qui les obligent à travailler cachées et donc bien plus exposées aux pires violences. La loi compromet donc les droits des personnes. Amnesty escamote le fait que la prostitution bafoue les droits à l’égalité, à la sécurité et à la santé des personnes en situation prostitutionnelle... Notre expérience et notre expertise en tant que professionnelle de la santé prenant en charge des personnes étant ou ayant été en situation prostitutionnelle depuis plus de 20 ans, ainsi que les nombreuses études médicales internationales sur l’impact de la prostitution sur la santé montrent que la prostitution est non seulement une atteinte à la dignité des personnes et une discrimination sexiste ; elle est aussi une atteinte au droit des personnes en situation prostitutionnelle de vivre en sécurité (sans subir de violence) ; une atteinte à leur droit à la santé et à un accès à des soins adaptés par des professionnels formés et compétents (la prostitution limite de façon importante leur chance de rester en santé). Amnesty passe sous silence la violence inhérente à la prostitution et la violence exercée par les clients... Il est à noter qu’AI se garde bien de nommer les violences que subissent les personnes prostituées, à part les violences d’État (expulsions, violences policières) qu’elle attribue à de la discrimination et à de la stigmatisation. À aucun moment on ne lit les mots viols, agressions sexuelles, violences physiques, psychologiques et verbales, tentatives de meurtre, toutes ces violences que les personnes prostituées subissent si fréquemment. AI ne pointe pas non plus les principaux - et de loin - agresseurs, les clients et les proxénètes. Rappelons que 70% à 95% subissent des violences physiques dans un contexte prostitutionnel et 60% à 75% ont été violées (Melissa Farley, 2003) (9). Même l’organisme Médecins du monde, qui demande également la légalisation de la prostitution en France, ne fait plus cette impasse. En 2012, l’association a fait une enquête auprès des personnes prostituées chinoises qu’elle suit (10). 83% d’entre elles ont déclaré avoir subi des violences depuis leur arrivée en France : 63% ont subi le retrait de préservatifs sans leur consentement, 55% ont subi des violences physiques, 38% des viols, 25% des séquestrations et 17% des menaces de mort, et ces violences émanaient essentiellement des clients. Aux États-Unis, une étude prospective menée sur une période de 33 ans auprès de 1969 femmes (John J. Potterat, 2003) a montré que les personnes prostituées ont un taux de mortalité bien plus important que celui de la population générale (femmes de même âge, mêmes origines) : 459/100 000 contre 5,9/100 000 (x78), et l’âge moyen du décès est de 34 ans. Les causes de mortalité sont l’homicide, la prise de drogues, les accidents, l’alcool, et la prostitution est l’activité la plus à risque de mortalité par homicide (clients, proxénètes), soit 204/100 000, par rapport au métier le plus dangereux aux USA qui enregistre 29 homicides/100 000 pour les hommes et 4 homicides/100 000 pour les femmes. « La bonne intention » des clients envers la victime remplace « la violence des clients », puisque les personnes qu’on prostitue s’enrichissent grâce à eux, et tout cela n’est pas bien grave puisque c’est leur choix ! Or cette violence est à tel point traumatisante que seules des personnes ayant déjà subi des violences surtout sexuelles, notamment dans l’enfance, et présentant un état de dissociation traumatique, peuvent la « supporter » parce qu’elles sont anesthésiées physiquement et émotionnellement, et « formatées » à « supporter » le pire sans avoir le droit de se plaindre, ni de se défendre depuis leur enfance. – Deuxième partie de cet article : « Pour Amnesty International, la présence de traumatismes psychiques chez les personnes prostituées serait "un stéréotype... et les violences dans l’enfance, un "mythe" » Notes 1. http://tasmaniantimes.com/images/uploads/Circular_18_Draft_Policy_on_Sex_Work_final.pdf * Note complémentaire de l’auteure. Pour information, le communiqué d’Amnesty France qui s’est opposé clairement à cette résolution : « Un choix sur lequel Amnesty International France (AIF) avait exprimé de fortes réserves. Après avoir consulté ses membres, et rencontré de nombreuses associations et personnalités travaillant sur ces questions, l’Assemblée Générale d’Amnesty International France avait adopté en 2014 une décision en défaveur de la proposition. » http://www.amnesty.fr/Informez-vous/Les-actus/Le-Conseil-International-Amnesty-International-prend-une-decision-sur-la-prostitution-15819 L’auteure La Dre Muriel Salmona est psychiatre-psychothérapeute spécialisée en psychotraumatologie. Elle est responsable de l’Antenne 92 de l’Institut de victimologie. Elle est présidente de l’association Mémoire traumatique et Victimologie dont le site est très populaire. On peut communiquer avec l’auteure à son adresse courriel. On peut aussi consulter son blogue et sa page Facebook et son compte *** Article publié d’abord sur le blogue Stop aux violences familiales, conjugales et sexuelles. Nous remercions l’auteure de sa collaboration. Télécharger la version en anglais : Mis en ligne sur Sisyphe, le 12 août 2015 |
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