Les parents de Marnie Frey, une des femmes assassinées par Robert Pickton, sont profondément troublés par la façon dont le drame de leur fille est présenté et exploité par les médias. Ils ne veulent pas que l’on se serve du nom de leur fille pour préconiser la légalisation de la prostitution et la création de bordels. Voici leur lettre. (Trisha Baptie)
Nous avons appris qu’un groupe de personnes demande la légalisation de la prostitution et l’établissement d’un bordel à Vancouver. En tant que parents de Marnie Frey, qui a été assassinée par Robert « Willie » Pickton, nous trouvons ces recommandations extrêmement dangereuses.
Notre fille a été obligée de se prostituer pour se procurer de la drogue parce qu’elle était toxicomane. Il est ridicule de considérer et de traiter la prostitution comme un « emploi ». Que l’on puisse considérer la prostitution comme un genre de travail me dégoûte. Ce n’est pas un travail. C’est de la violence envers les femmes.
Ni la légalisation de la prostitution ni l’existence d’un bordel légal n’auraient pu empêcher le meurtre de notre fille. Les femmes du Downtown East Side de Vancouver ont besoin qu’on leur offre de véritables solutions. À maintes reprises, nous avons essayé de faire admettre Marnie à un centre de désintoxication, mais cela s’est avéré très difficile à cause du manque chronique de places et du sous-financement de ces services.
Quand une toxicomane demande de l’aide, elle devrait avoir accès immédiatement aux ressources nécessaires. N’avons-nous rien de mieux à offrir à ces femmes qu’un endroit sûr où vendre leur corps ? D’ailleurs, il n’y aura jamais de « lieu propre et sans danger » pour se faire maltraiter.
Marnie n’a pas choisi de se prostituer et tous les hommes qui ont acheté son corps pour leur plaisir sexuel devraient être mis en prison pour avoir exploité sa détresse. Ce qu’il faut, ce sont des services pour aider ces femmes à surmonter leur dépendance aux drogues et pour empêcher d’autres adolescentes de se retrouver dans cet enfer, en leur offrant de l’aide pendant qu’elles sont encore jeunes. Toute autre solution ne ferait qu’alimenter à la violence dont elles sont victimes.
On peut se servir du nom de Marnie pour revendiquer plus de places en centres de désintoxication et plus de fonds pour des psychothérapies de longue durée, pour rendre illégal pour les hommes d’acheter le corps des femmes et pour faire respecter les lois dans ce sens. On peut aussi invoquer son nom dans la lutte pour l’égalité des femmes, égalité qui ne pourra se réaliser tant que des femmes continueront à être vendues.
Nous savons que les familles d’autres victimes de Picton, tant à Vancouver qu’ailleurs au Canada, partagent notre point de vue et appuient entièrement notre position. La prostitution ne doit pas être légalisée et nous refusons que les partisans de la légalisation se servent du nom de notre fille à l’appui de leur cause.
Rick et Lynn Frey (parents de Marnie Frey)
– Version originale anglaise : ”Family of Pickton Victim Marnie Frey Speak ...Marnie Frey. Letter to Those Appropriating Her Story for their Cause”, sur le site de Trisha Baptie , le 20 février 2007.
Traduction de Marie Savoie pour Sisyphe.
Mis en ligne sur Sisyphe, le 19 novembre 2010
– Sondage de CBC sur la décriminalisation de la prostitution au Canada. Votez.