Les médias clament régulièrement que les jeunes femmes rejettent le féminisme et l’engagement politique. Pourtant, en septembre dernier, un colloque organisé par le comité des jeunes de la Fédération des femmes du Québec (FFQ) et d’autres groupes a rassemblé quelque 200 déléguées entre 18 et 30 ans. Deux chercheuses de l’UQAM, Anne Quéniart, professeure au département de sociologie et Julie Jacques, titulaire d’une maîtrise en sociologie, ont décidé d’approfondir la question dans un livre, Apolitiques, les jeunes femmes ?, publié aux éditions du Remue-ménage et lancé à l’occasion du 8 mars.
Pour les auteures, l’objectif d’une telle recherche consistait à comprendre "le pourquoi et le comment de l’engagement politique, du militantisme des jeunes femmes, et ce, en leur donnant la parole" et en privilégiant la dimension collective, plutôt que personnelle, de leur engagement. Elles ont donc choisi de rencontrer des jeunes femmes actives au sein d’une large diversité de groupes, institutionnalisés ou non.
On retrouve ces jeunes militantes dans la Fédération des femmes du Québec, dans les comités jeunes des deux partis politiques traditionnels du Québec, soit au Comité national des jeunes pour le Parti québécois et à la Commission Jeunesse pour le Parti libéral du Québec ; ou dans des groupes de jeunes (association étudiante universitaire, Force Jeunesse, la Jeunesse ouvrière chrétienne, le Mouvement pour le droit à l’éducation, Environnement Jeunesse, le Regroupement autonome des jeunes), ou susceptibles, par leurs enjeux, de regrouper des jeunes (SALAMI, le Collectif pour une loi sur l’élimination de la pauvreté, les AmiEs de la Terre et le Rassemblement pour une alternative politique).
Une autre façon de s’engager
Bien que 5% seulement des jeunes sont membres d’une organisation politique au Québec (entre 2 et 3% en France), les chercheuses remarquent qu’il ne faut pas conclure à leur dépolitisation mais à une autre façon de s’engager politiquement en étant, par exemple, très présent-es dans toutes sortes de mouvements sociaux, notamment ceux liés à l’altermondialisation, à l’environnement et au bénévolat en général. On a qu’à voir le nombre important de jeunes qui ont participé aux manifestations contre la guerre en Irak ici au Québec et à chaque rencontre de l’OMC ou du FMI.
Pour définir l’engagement, les chercheuses font référence à Sartre et à une notion d’engagement qui désigne "la pensée ou l’art de celui qui renonce au confort que pourrait lui assurer sa position d’intellectuel ou d’artiste, pour prendre part aux conflits sociaux de son temps, le plus souvent pour y défendre les valeurs menacées et surtout les faibles, les persécutés et les exploités qui n’ont pas eux-mêmes la parole" Elles font aussi remarquer que l’engagement comporte une forte dimension identitaire, classant les individus aux yeux des autres et à leurs propres yeux.
Ce livre vient à point nommé remettre les pendules à l’heure sur le prétendu désengagement des jeunes femmes qui, selon Anne Quéniart et Julie Jacques, ont des convictions profondes, croient au changement et veulent en être partie prenante.
Anne Quéniart et Julie Jacques, Apolitiques, les jeunes femmes ?, Montréal, Remue-ménage, 2004.