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dimanche 6 mars 2022 8 mars - Journée internationale des droits des femmes Des criminels dangereux dans les prisons pour femmes au Canada
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Heather Mason connaît bien la prison. À cause de problèmes de drogue remontant à son adolescence, elle a fait de la prison cinq fois avant l’âge de 30 ans. En 2017, ayant écopé d’une peine de trois ans, elle a été incarcérée dans un pénitencier fédéral (1). Heather a réussi à surmonter sa dépendance aux drogues, et depuis, cette Ontarienne aujourd’hui mère de deux enfants, n’a pas eu d’autres démêlés avec la justice. Toutefois, à cause « de choses horribles » qu’elle a vues pendant son incarcération, elle met toute son énergie à faire connaître la situation des femmes dans les prisons canadiennes. J’ai pu m’entretenir avec Heather par Zoom. Elle m’a parlé de ses séjours successifs dans différentes prisons. « Les conditions de vie se sont beaucoup dégradées depuis que des hommes qui s’identifient comme des femmes sont envoyés dans des prisons pour femmes, m’explique-t-elle. Les détenues ne se sentent plus en sécurité ». En 2017, le gouvernement libéral de Justin Trudeau a ajouté « l’identité ou l’expression de genre » aux motifs de discrimination interdits par la Charte canadienne des droits et libertés. Faisant fi des inquiétudes de groupes féministes, il allait de l’avant sans se préoccuper des effets que cette modification législative pouvait avoir sur la vie des femmes les plus vulnérables de toutes, les femmes incarcérées. Enfermées avec des délinquants dangereux Pour se conformer à la nouvelle loi, le Service correctionnel du Canada a institué une politique d’auto-identification des personnes transgenres. Tout détenu qui s’identifie comme femme peut maintenant demander à purger sa peine dans une prison pour femmes, quel que soit le crime qu’il a commis. C’est à l’établissement correctionnel pour femmes de Grand Valley, en Ontario, que Heather a vu les effets de cette nouvelle politique qui oblige les détenues à cohabiter avec des hommes trans-identifiés. Et pas n’importe quels hommes. D’après les statistiques du Service correctionnel, 50 % de ceux qui demandent à être transférés à une prison pour femmes sont des délinquants sexuels, alors que ceux-ci ne représentent que 20 % des hommes incarcérés au Canada. Heather était en prison au moment de l’adoption de cette loi. C’est en regardant les nouvelles à la télé que les femmes de son unité ont appris, abasourdies, qu’elles devraient désormais partager leur espace avec des hommes biologiques. Condamnées à une double peine : la prison et la peur La conséquence la plus dramatique de ce changement réside dans la détérioration des conditions de vie des femmes détenues, dont la plupart ont grandi dans la pauvreté et ont déjà subi de la violence. Au Canada, les femmes d’ascendance amérindienne ou inuite sont fortement surreprésentées en prison (elles comptent pour moins de 5 % de la population féminine du pays, mais pour 42 % des femmes incarcérées) (2). Sachant qu’environ 82 % des femmes détenues ont subi des agressions physiques ou sexuelles avant d’atterrir en prison (cette proportion est de 90 % chez les détenues amérindiennes) il est facile de comprendre le sentiment d’insécurité qu’elles éprouvent à l’idée de cohabiter avec des hommes, trans-identifiés ou pas (3). « Ce n’est qu’après leur condamnation que certains délinquants commencent à s’identifier comme des femmes, et plusieurs d’entre eux reprennent leur identité d’homme dès leur sortie de prison, signale Heather. Il est très facile de tricher puisqu’aucune évaluation psychologique ou médicale n’est exigée. Ces détenus préfèrent les prisons pour femmes parce qu’il n’y a pas de murs ni de tours de guet, et que les gardes ne sont pas armés ». Sans compter l’attrait, pour ceux qui sont des prédateurs sexuels, de vivre entourés de femmes. En les forçant à vivre au quotidien avec des hommes dangereux, dont la moitié environ sont des délinquants sexuels, le Service correctionnel du Canada inflige aux femmes détenues une peine supplémentaire, car en plus de les priver de liberté, il les oblige à vivre dans la peur. Alors qu’il a la responsabilité de les protéger, il s’en lave les mains et les expose au risque d’être harcelées, intimidées, battues ou violées. Ces dangers bien réels sont confirmés par les agressions commises contre des détenues, agressions qui sont souvent minimisées ou passées sous silence. Heather Mason en sait long sur le sujet. Elle cite le cas de Madlyn (Mathew) Harks, un pédophile ayant fait des dizaines de victimes, qui a agressé sexuellement une détenue amérindienne dans une toilette de l’établissement de Grand Valley. La police est intervenue mais n’a pas porté d’accusations. La jeune femme a été prise en charge par la Clinique pour les victimes d’agression sexuelle. Il y a aussi Sam (Steven) Melhlenbacher, condamné pour 16 vols de banque et qui, après avoir passé une vingtaine d’années dans un pénitencier pour hommes, a décidé de s’identifier comme femme. Interné dans trois différentes prisons pour femmes, il a eu les mêmes agissements partout et a fini par être condamné pour harcèlement criminel et agression sexuelle. Arianna (Byron) Bushie a été transféré au Pavillon de ressourcement Okimaw Ohci, (la prison fédérale pour femmes en Saskatchewan). « Bouchie y a violé une détenue autochtone, qui a dû subir un avortement. On l’a transféré à la prison pour femmes d’Edmonton, où il continue à sévir. » Enfin, en janvier 2021, le Service correctionnel a transféré Jamie (John) Boulachanis à la Prison pour femmes de Joliette, un meurtrier si dangereux qu’il devait être accompagné de deux gardiens armés lors de ses déplacements. Peu après son admission, les employés de la prison ont manifesté pour réclamer plus de mesures de sécurité. L’avocate de Boulachanis, citée dans un quotidien montréalais, a dit comprendre que l’arrivée de sa cliente puisse effrayer des employés : « Imaginez, il y a 17 000 détenus fédéraux et on disait qu’elle (Boulachanis) faisait partie des plus dangereux » (4). Et les femmes qui devront partager leur milieu de vie avec Boulachanis ? Elles sont terrifiées, mais on ne leur a pas demandé leur avis. Qui se soucie de la sécurité des femmes détenues ? Personne « Ni les autorités du Service correctionnel, ni le gouvernement du Canada ne se préoccupent du sort des femmes forcées à vivre en prison avec de tels individus, déplore Heather Mason. Mais, ce qui est encore pire, c’est qu’un organisme créé justement pour défendre leurs droits leur a tourné le dos. » À sa sortie de l’établissement de Grand Valley, Heather Mason a été transférée à une maison de transition à Toronto, où elle a été approchée par des intervenantes de la Société Elizabeth Fry, un organisme ayant pour mission de « veiller au respect des droits des femmes ainsi qu’à l’amélioration de leurs conditions de détention » (5). Heather a accepté de participer à des panels devant différents auditoires pour parler de son parcours de vie et des réalités de la prison. En juin 2019, elle a été invitée à assister au congrès national de l’Association canadienne des Sociétés Elizabeth Fry, à Ottawa. C’est là que s’est produit un événement qui allait marquer un tournant dans sa vie. Une ex-détenue autochtone s’est adressée aux participantes pour parler de son expérience en prison. Avec beaucoup d’émotion, elle a raconté qu’un homme trans-identifié l’avait harcelée sans relâche en prison, lui posant des questions intimes et la poursuivant jusqu’à la porte des toilettes. Cela avait réactivé un traumatisme lié à des agressions sexuelles qu’elle avait vécues et affecté sa santé mentale. Quand elle a fini son témoignage, il y a eu un bref silence. « Puis, j’ai entendu des commentaires comme : « Il y a beaucoup de transphobie dans la salle » et « On n’a pas besoin d’avoir un vagin pour être une femme ». Abandonnée par les participantes dont elle avait espéré la compassion et le soutien, la femme a quitté la salle en larmes, complètement effondrée ». Révoltée par cet incident, Heather Mason a coupé tout lien avec la Société Elizabeth Fry, au risque de compromettre sa libération sous condition. « Je leur ai écrit pour dire à quel point le manque d’humanité des participantes m’avait choquée. Ces femmes privilégiées, qui étaient payées pour nous défendre, nous tournaient le dos sans la moindre gêne. » Plus encore que leur trahison, c’est leur hypocrisie qui indignait Heather. « Elles répétaient : « Les femmes trans sont des femmes », parce que c’est ce qu’il faut dire pour être bien vues, sachant que ce n’était pas elles qui seraient forcées de vivre avec des délinquants sexuels ou des criminels violents. J’étais dégoûtée. » Heather Mason a fondé avec d’autres féministes la Canadian Women’s Sex-Based Rights (CAWSBAR) (Association canadienne de défense des droits sexo-spécifiques des femmes) pour faire respecter le droit des femmes emprisonnées à vivre dans des espaces non mixtes. Elle fait valoir que la présence d’hommes – trans-identifiés ou non - dans les prisons pour femmes compromet la sécurité des détenues et provoque chez elles beaucoup d’anxiété et d’insécurité, d’autant plus que la plupart d’entre elles ont déjà subi des agressions aux mains d’hommes. En septembre 2021, CAWSBAR a organisé des manifestations devant les prisons pour femmes de toutes les régions du Canada, pour sensibiliser la population aux dangers auxquels les femmes détenues sont exposées depuis qu’on autorise l’internement d’hommes qui s’identifient comme des femmes dans les prisons pour femmes. Une autre manifestation sur le thème « Être une femme n’est pas un costume » a eu lieu devant le Parlement d’Ottawa à l’occasion de l’Halloween. Donner la parole aux femmes détenues Heather Mason trouve scandaleux qu’on n’ait jamais demandé l’avis des premières intéressées avant de leur imposer la présence d’hommes dans leur milieu de vie. Elle a décidé de faire son propre sondage pour savoir ce qu’en pensent les femmes détenues. « J’ai envoyé un questionnaire à des femmes partout au Canada, en contactant d’abord des femmes qui avaient été en prison avec moi. Je leur ai demandé de l’envoyer à leurs amies qui avaient fait de la prison ou y étaient encore ». Soixante femmes ont répondu au questionnaire. « Environ les deux tiers ont dit qu’elles ne se sentaient pas en sécurité quand elles étaient détenues avec des hommes. Beaucoup ont signalé des comportements indésirables ; quatre femmes sur dix avaient été harcelées sexuellement et environ le tiers des femmes avaient été menacées ou agressées. Beaucoup ont dit que la présence d’hommes dans leur unité les avait amenées à modifier leur comportement et leurs habitudes, et que cela avait affecté leur santé mentale ». Dans leurs commentaires, certaines femmes ont exprimé une grande détresse. Heather a regroupé des témoignages poignants dans un document infographique intitulé, The Prison Letters, que l’on peut lire sur le site Gender Dissent (6). Grâce à Heather, les Canadiennes les plus oubliées de toutes - celles qui sont en prison - peuvent faire entendre leur voix. Ignorées par le gouvernement d’Ottawa et rabrouées par les professionnelles rémunérées de la Société Elizabeth Fry, l’unique organisme ayant pour mission de leur venir en aide, elles seraient réduites au silence, si des femmes courageuses comme Heather Mason ne s’employaient pas à défendre leur droit le plus fondamental, celui de vivre dans un milieu sécuritaire. Les femmes insoumises qui refusent de sacrifier leurs droits aux revendications du puissant lobby transgenre font invariablement l’objet d’injures ou de menaces. Heather n’y a pas échappé, mais dans le combat qu’elle mène au nom des femmes détenues, elle n’entend pas reculer. Elle a survécu à une enfance difficile, à la toxicomanie et à la prison. Plus rien ne peut lui faire peur. Voir l’entrevue avec Heather Mason : ici Notes 1. Au Canada, les personnes condamnées à une peine de moins de deux ans sont incarcérées dans une prison de ressort provincial, et celles qui écopent d’une peine de deux ans ou plus, dans un établissement de ressort fédéral. Photo : Steven Melenbacher, alias Samantha, à été incarcéré dans une prison pour femmes où il a harcelé et agressé sexuellement une femme détenue. Mis en ligne sur Sisyphe, le 5 mars 2022 |
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