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mercredi 29 janvier 2014 Projet de loi 60 - Neutralité des institutions et des personnes partout, et la charte n’est qu’un début
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Mémoire sur le Projet de loi no 60 - Charte affirmant les valeurs de laïcité et de neutralité religieuse de l’État ainsi que d’égalité entre les femmes et les hommes et encadrant les demandes d’accommodement Présenté par Carole Dionne Je voudrais tout d’abord remercier notre gouvernement, notre première première ministre, madame Pauline Marois ainsi que notre ministre responsable des Institutions démocratiques et de la Participation citoyenne, monsieur Bernard Drainville, pour leur courage et leur audace d’avoir présenté ce projet de loi. Il était plus que temps d’ailleurs. Ce projet de loi aurait dû être présenté bien avant. Je suis en accord avec ce projet. Cependant, ce projet ne va même pas assez loin. Je dirais que ce n’est qu’un début. Neutralité : séparation de l’État et de la religion Il est urgent d’avoir une loi qui proclame la neutralité de l’État. La séparation de l’État et de la religion doit s’incarner dans ses institutions et également dans les personnes qui occupent des fonctions au service de l’État : dans les ministères, les institutions d’enseignement, les hôpitaux, les services sociaux, etc. Les membres du personnel des organismes publics dans l’exercice de leurs fonctions ont un devoir de neutralité et un devoir de réserve en matière religieuse. Le crucifix, la kippa, le turban, le kirpan, le hidjab et autres signes ostentatoires religieux devraient être interdits dans tous les services publics donnés par l’État. La séparation de l’État et de la religion doit aussi se manifester dans les locaux de décisions publiques au gouvernement, dans les municipalités, les palais de justice. La présence de crucifix ou de statues ostentatoires devrait être interdit. Les prières avant les réunions n’auront pas leur place. Il faudra respecter la neutralité. Le crucifix à l’Assemblée nationale devrait être enlevé et placé dans un endroit représentant le patrimoine religieux. Les accommodements religieux seront balisés par le principe de l’égalité entre les femmes et les hommes. Il faut également arrêter de se plier à des exigences religieuses en matière d’alimentation. La certification « halal » ou « casher » implique le versement d’une somme perçue par les mosquées ou synagogues. Nous contribuons ainsi à subventionner des religions sans le vouloir. C’est une pratique abusive à proscrire. Niqab et burka Le niqab et la burka, quant à eux, devraient être interdits sur tout le territoire québécois. Ce ne sont pas des vêtements, ce sont des prisons de tissus. C’est le déni de la femme. Aucun homme ne s’est abaissé aussi bas. C’est une pratique totalement inacceptable partout dans le monde entier. Comment voulez-vous identifier quelqu’un, vous sentir en sécurité ou communiquer (aucune communication possible) lorsque vous rencontrez ces fantômes ambulants ? Voir sans être vu. Ces personnes sont sans visage, sans nom, sans identité. Nous ne savons pas à qui nous avons affaire. C’est le refus de notre style de vie. C’est le refus catégorique de s’intégrer à notre société. C’est le rejet de la société d’accueil. N’oublions surtout pas que des femmes dans le monde sont obligées de les porter pour sauver leur propre vie. Si nous n’interdisons pas cela ici dans un pays libre, évolué et démocratique, c’est que nous cautionnons ces dérapages contre les femmes. Voile et sa signification Le voile est un symbole de l’intégrisme. Les femmes voilées sont des alliées, des complices des intégristes. La première action des intégristes, c’est le voilement des femmes. On utilise les femmes et leur voile pour promouvoir une idéologie sexiste et pour manifester une présence musulmane. Cacher sa chevelure et son cou pour ne pas exciter les hommes est une coutume absolument en désaccord avec une société égalitaire. De plus, le voile n’arrive pas seul. C’est un forfait comprenant la charia, la ségrégation des sexes, la polygamie, les mariages arrangés, les mariages forcés, la répudiation, le crime d’honneur, les mutilations génitales féminines, l’hyménoplastie, le certificat de virginité, l’avortement sélectif des filles. Ce projet de loi ne réglera pas tout. Nous aurons du travail d’éducation auprès de ces immigrants et immigrantes. Certaines lois et plusieurs organismes devront s’ajuster à ces nouvelles données. Quand on quitte son pays, on doit s’adapter aux valeurs présentes dans le pays d’adoption avant son arrivée. On ne doit pas transposer ici les retards de notre pays d’origine en matière d’égalité entre les femmes et les hommes. Le personnel travaillant pour l’État ne doit pas montrer seulement apparence de laïcité mais bien une réelle laïcité. Si nous vivons dans un état laïc, nous devons le montrer partout. Système éducatif : écoles Les écoles et les services de garde seront régis par les principes de laïcité. Les signes ostentatoires religieux devraient être interdits dans tout le système éducatif : les services de garde éducatifs à l’enfance privés et publics, les écoles primaires et secondaires privées et publiques, les cégeps et les universités. De la part du personnel et des élèves. Les signes ostentatoires religieux influencent et même imposent une vision du monde. Il faut protéger les enfants de ce prosélytisme. Le cours Éthique et de culture religieuse devrait être retiré des écoles. Un système scolaire laïc ne présente aucune religion et laisse cette responsabilité aux ministres des différentes religions. Les subventions aux écoles religieuses devraient être nulles. D’ailleurs devraient-elles exister ces écoles religieuses ? Toutes les écoles doivent suivre le programme du ministère de l’Éducation. Tout le système scolaire doit affirmer les valeurs québécoises de laïcité et d’égalité. Les privilèges accordés aux enseignantes et enseignants musulmans concernant les congés payés supplémentaires pour des fêtes religieuses devront être abolis. Aucune démonstration d’appartenance religieuse ne doit être tolérée dans les établissements scolaires. Les locaux de prière de toutes sortes [dans les éoles] n’ont pas lieu d’exister. Retrait et transition Quant au [droit de] retrait*, je suis totalement contre. Toutes les institutions de l’État doivent être soumises à cette loi. Peut-être qu’une année ou deux de transition serait acceptable. C’est tout. Pour les intégristes qui refuseront toujours d’enlever leur voile ou autre signe ostentatoire religieux, ce n’est pas le nombre d’années qui les fera changer d’idée. Égalité entre les femmes et les hommes On proclame haut et fort l’égalité entre les femmes et les hommes. C’est une valeur inscrite dans les Chartes. Très bien mais quand vient le temps de concrétiser cette valeur, plusieurs semblent avoir des difficultés. C’est bien beau de le dire mais il faut le vivre. Il y a l’égalité de droits mais aussi l’égalité de faits. Devant les religions, plusieurs perdent leurs repères. Leur sens critique disparaît tout à coup. Disons-le, toutes les religions sont misogynes. Nous avons le droit de critiquer les religions, toutes les religions. Nous ne devons pas donner préséance à la liberté de religion au détriment de l’égalité entre les femmes et les hommes. À tous ces grands hommes et toutes ces grandes femmes qui font passer des considérations telles que C’est son choix. C’est sa religion avant l’égalité entre les femmes et les hommes, je veux vous dire ceci : si ces coutumes et traditions sont bonnes pour ces femmes, c’est aussi bon pour toutes les femmes en somme. Sinon, pourquoi ?... N’y aurait-il pas là une inégalité ? Le Québec est un État en avance concernant l’égalité entre les femmes et les hommes. Voudrait-on régresser maintenant ? Pour avoir milité durant toutes ces années, je veux continuer à avancer. Je veux continuer à avancer avec toutes ces femmes qui ont quitté leur pays pour venir nous rejoindre. Laïcité La laïcité permet de respecter la diversité : croyants et croyantes de toutes religions, agnostiques et athées et athés. L’État et ses institutions est l’espace où toutes et tous se rencontrent. La laïcité est un enjeu majeur pour l’avenir de notre société. Nous ne voulons pas d’une régression mais d’une évolution. Bien sûr, tout ne sera pas réglé avec cette loi. La laïcité est un cheminement qui se continuera. Au nom de la tolérance, nous ne devons pas cautionner des pratiques contraires aux valeurs québécoises. Certaines pratiques sont contraires au progrès et à l’égalité. Nous devons démontrer du respect envers notre société et les valeurs sur lesquelles elle repose. Carole Dionne * Dans son projet de loi, le gouvernement a remplacé le droit de retrait, prévu dans les orientations publiées en septembre dernier, par une période de transition avant l’application de certaines dispositions de la charte. Échanges avec les parlementaires : un franc-parler Extraits M. Drainville : Puis pourquoi c’était à ce point important pour vous d’intervenir ? Parce que vous auriez pu rester chez vous puis garder pour vous tout ça, là, mais pourquoi, pourquoi ? Impossible ? Mme Dionne (Carole) : Impossible pour moi de rester chez moi et de laisser passer ce débat-là, parce que, moi, ça fait depuis les années 70-80, que je milite pour l’égalité hommes-femmes dans des mouvements féministes. Et, pendant certaines années, j’ai délaissé parce que, bon, j’ai eu un enfant, je travaillais. Mais, quand le débat sur les accommodements raisonnables a recommencé, j’ai repris le bâton de la pèlerine puis j’ai décidé de m’impliquer. J’ai présenté un mémoire à la commission Bouchard-Taylor. Je suis venue ici pour la loi n° 94 également, alors… et je continue. J’espère que c’est la dernière fois que ça va se passer, que ça va aboutir, ce projet de loi là, c’est ce qu’on souhaite ardemment, et que, même qu’on utilise la clause dérogatoire, s’il le faut. Je ne veux pas d’un gouvernement des juges Moi, je suis fatiguée d’entendre des gens du Barreau et des gens de la Commission de la personne dire qu’on ne peut rien faire. Je pense que les élus, on a voté pour ces personnes-là, elles sont supposées nous représenter. Et elles ont le pouvoir d’abroger, d’amender les lois, les retirer, s’il le faut, faire des ajouts. Moi, le gouvernement des juges, je suis fatiguée de ça, le cas par cas, je suis fatiguée de ça, et je veux qu’on aille au-delà du droit, et qu’on… cette loi-là, je trouve que c’est une loi majeure, puis on doit arrêter de tergiverser et de la faire voter le plus tôt possible. Puis j’espère qu’elle soit adoptée et j’espère que les autres partis politiques également arrêtent de faire du — comment je dirais — qu’on prenne ce qui est là, qu’on ajoute ou qu’on… mais il y a des choses très importantes sur lesquelles on peut s’entendre, ça, c’est clair, qu’on soit de n’importe quel parti. (…) Je pense qu’il faut ajuster les instruments juridiques à la réalité d’aujourd’hui. Et je veux être gouvernée par des représentants de la population, pas des juges. Les parlementaires font les lois, les juges les appliquent. Donc, le peuple choisit ses lois et les juges suivent. C’est pour ça que le Barreau, il évalue selon les lois qu’ils ont présentement. Mais, si on les change, il va falloir qu’ils changent leurs points de vue. Le crucifix hors de l’Assemblée nationale. (...) (…) Mme Dionne (Carole) : La première chose que les intégristes font, c’est le voilement des femmes. Même si la jeune fille de 20 ans, parce que j’en vois des jeunes filles de 20 ans qui ont un voile, le hidjab, elles ne sont peut-être pas conscientes de ce symbole sexiste. Mme Weil : Ma prochaine question : Comment est-ce que d’interdire, de neuf heures à cinq heures, le port de ce signe règle les problèmes qui vous préoccupent ? Quelles sont les actions concrètes que le projet de loi n° 60 propose pour contrer exactement tout ce que vous dites, donc : la charia, les mariages arrangés, la polygamie, la répudiation, etc.? Donnez-moi un exemple dans le projet de loi n° 60, à part l’interdiction, de neuf heures à cinq heures, en quoi ça règle les problèmes qui vous préoccupent ? Mme Dionne (Carole) : Je l’ai dit dans mon mémoire, c’est que ça ne réglera pas tout. C’est un départ, c’est une base pour dire que notre société, désormais, sera laïque et dans ses institutions. C’est une limitation, qu’on demande. Le voile ne sera pas interdit ailleurs, et ça ne réglera pas tout. La famille Shafia Je pense qu’on oublie la famille Shafia, on n’en parle pas. Et ce n’était pas arrivé ailleurs dans le monde entier, loin de nous, c’est arrivé ici, au Québec. Et je suis sûre et certaine que, si on était au courant de tout ce qui se passe, on serait très surprises. Mme Weil : Alors, vous êtes conscientes qu’il n’y a pas un membre de cette famille qui portait le voile ? D’où... C’est pour ça que je vous dis des mesures structurantes, je suis tout à fait, tout à fait d’accord. D’ailleurs, on a annoncé des mesures, hier, nous. Tout à fait d’accord. Et le Conseil du statut de la femme a écrit un excellent rapport sur cette question. Si vous avez l’occasion de le lire, c’est vraiment très bon, propose des mesures très concrètes. Mais, vous voyez le problème ? C’est que, souvent, c’est invisible, ce n’est pas nécessairement... En tout cas, je vous pose la question : Est-ce que vous êtes consciente que personne dans la famille Shafia ne portait le voile ? Mme Dionne (Carole) : Sauf qu’on voulait les faire vivre d’une façon de leur pays d’origine. Et elles s’étaient rebiffées contre ça. C’étaient des jeunes qui voulaient vivre comme les Québécoises, parce qu’elles étaient au Québec. C’est sûr que le projet de loi n° 60 ne règle pas tout. Il va falloir... Je ne sais pas s’il faudrait peut-être former un comité qui va suivre l’évolution de tout ça, mais je pense qu’il va falloir y avoir des actions de prises. Le Parti libéral du Québec ne va pas très loin Puis moi, je voudrais vous dire, ici, que le Parti libéral ne va pas très loin dans ses refus d’avoir des signes ostentatoires. Et il y a une chose qui me chagrine énormément, même si je n’ai pas d’atomes crochus avec le Parti libéral, je suis très déçue de voir que Mme Fatima Houda-Pepin, qui était une Marocaine d’origine et qui avait sûrement des bonnes idées pour faire avancer le dossier, que maintenant elle n’est plus là. (...) Résumé ou recommandations Notre groupe est en accord avec ce projet de Charte affirmant les valeurs québécoises. Ce n’est qu’un début dans notre affirmation de la laïcité. Une loi est nécessaire pour proclamer la neutralité de l’État. La séparation de l’État et de la religion doit s’incarner dans ses institutions et également dans les personnes qui occupent des fonctions au service de l’État. Le niqab et la burka devraient être interdits sur tout le territoire québécois. Les voiles sont des symboles de l’intégrisme. Ils sont des symboles sexistes. Pour travailler au service de l’État (ministères, institutions d’enseignement, hôpitaux, services de garde, etc.), les voiles sont interdits. Dans tout le système éducatif, des services de garde à l’enfance jusqu’à l’université, les signes ostentatoires religieux n’ont pas leur place autant pour le personnel que les élèves. Laïcité oblige. Les écoles religieuses sont interdites. Les subventions aussi. Le cours Éthique et culture religieuse est retiré des écoles. Aucun retrait : toutes les institutions de l’État doivent être soumises à cette loi. Une année ou deux de transition serait acceptable. L’égalité entre les femmes et les hommes devrait primer partout. Cette valeur a préséance sur la liberté de religion. Des balises claires concernant les demandes d’accommodement religieux sont assujetties à la laïcité et à l’égalité entre les femmes et les hommes. La laïcité permet de respecter la diversité. – Journal des débats, le 22 janvier 2014. Mis en ligne sur Sisyphe, le 22 janvier 2014 |