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lundi 16 février 2015

Réduire la violence en milieu scolaire : des efforts méconnus

par Jacques Brodeur, consultant en éducation et en prévention de la violence






Écrits d'Élaine Audet



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Le 6 décembre 2014, le Québec se remémorait la tuerie survenue à l’école Polytechnique de Montréal il y 25 ans. Les médias ont rapporté plusieurs témoignages émouvants tandis que divers articles ont porté sur les leçons à tirer et le culte de la misogynie. Chaque fois qu’un drame funeste survient, surtout lorsqu’il se produit en milieu scolaire, les grands médias s’en emparent en visant, du moins en partie, la hausse du lectorat et des cotes d’écoute. On ne s’en étonne plus, mais le type de couverture médiatique affecte quand même notre perception. Au-delà du spectacle, le public veut connaître la cause et se demande comment on pourrait prévenir le prochain drame. Ce réflexe ne relève pas du voyeurisme mais plutôt de l’empathie, de la compassion et de l’entraide, trois réponses responsables de notre survie comme espèce.

Les adultes ne sont pas pas toutes et tous doté-e-s du même degré d’empathie. Comme la plupart des facultés ou compétences humaines, l’empathie ne se développe pas de façon identique chez tous les enfants. Dans les heures qui ont suivi le drame de Polytechnique, je me souviens avoir entendu un auditeur appeler une ligne ouverte radiophonique pour exprimer le regret que le nombre de victimes n’ait pas été plus élevé. Je me souviens aussi de la nouvelle publiée dans Le Soleil rapportant qu’un militaire canadien de Valcartier avait souligné le premier anniversaire du massacre avec 21 salves de carabine en l’honneur du tueur. 


Violence conjugale


Que dire des statistiques annuelles concernant le nombre de femmes qui doivent fuir leur foyer pour échapper aux colères du conjoint, ou pour soustraire les enfants des crises du papa. On se sent la plupart du temps impuissant et on se demande comment venir à la rescousse de ceux et celles qui entendent les menaces verbales et les insultes, qui vivent dans la crainte constante de la prochaine fureur et qui doivent encaisser les coups, les menaces, les humiliations. Devra-t-on éternellement se limiter à ouvrir de nouvelles maisons pour héberger les victimes ? Comment des enfants victimes ou témoins de ces atrocités peuvent-ils continuer de fréquenter l’école ? Comment va-t-on améliorer leurs chances de réussite éducative ? Et si le personnel enseignant en arrive à perdre son pouvoir d’empathie, on peut se demander comment les enfants pourront échapper au désespoir.

Contrer la misogynie


La misogynie serait-elle une maladie génétique ? Peut-on soigner les agresseurs ? Peut-on prévenir de tels crimes ? Et même quand l’intimidation n’est pas criminelle, y a-t-il moyen de prévenir ? Soigner les agresseurs est parfois perçu comme une forme de complaisance alors qu’en réalité, nous avons tous et toutes beaucoup à gagner en les incitant (ou les obligeant) à suivre une thérapie. Pour réduire les dommages causés aux prochaines victimes, notre société se doit de valoriser la prévention et le recours aux soins par les agresseurs, tout en évitant de se bercer d’illusions. Ne fait-on pas de progrès dans d’autres domaines ? Pourquoi n’en ferait-on pas aussi dans la prévention et la guérison de la misogynie ?

Les tueries de masse et les querelles familiales ne sont pas les seules formes de violence que doivent subir les enfants, à titre de victimes ou de témoins. Chaque mois, chaque semaine, dans la quasi totalité des écoles d’Amérique du Nord, on trouve des petits rejetés, exclus, ciblés par des insultes et divers traitements cruels. Ces abus ne sont pas commis par des terroristes ou des tueurs en série, ni même des voyous ou des gangs de rue, mais par leurs propres pairs. On a déjà vu des adolescent-e-s poussé-e-s au suicide après avoir enduré diverses formes de moqueries, humiliations ou diffamation. Les blessures sont profondes et certains enfants n’ont d’autres choix que de fuir en changeant d’école, parfois même en obligeant leur famille à déménager.

Intervenir à l’école

Deux années avant la tuerie de 1989, une association sans but lucratif avait vu le jour avec pour mission d’accompagner les établissements éducatifs où l’on voulait neutraliser la culture de la violence, celle-là même qui naît et croît dans le cœur et l’esprit des enfants et des adolescents. Tôt après la fondation de Pacijou en 1987, la première contribution a pris la forme d’un guide pédagogique pour contrer la promotion des jouets guerriers et la banalisation de la violence dans les émissions de télévision pour enfants. (1)


Les 25 fiches du guide "Cessez le feu" étaient destinées aux enseignantes et enseignants. Les auteurs voulaient contrer les procédés utilisés par des fabricants de jouets qui, pour vanter leurs produits, présentaient la guerre sous des dehors amusants. "Cessez le feu" venait faire contrepoids aux valeurs culturelles toxiques proposées aux enfants dans les jeux et les jouets. Dès le départ, Pacijou retraçait le lien entre les publicités télévisées de jouets pour enfants et les relations qu’ils entretiennent entre eux. Sur la page couverture du Guide, on retrouvait trois citations résumant l’objectif éducatif des auteur-e-s.


1) "Quand les Barbie épousent les G.I. Joe, il ne faut pas se surprendre qu’on manque de place dans les maisons d’hébergement de femmes battues.... Ce cahier pédagogique novateur et percutant sera un stimulant et un support pour ceux et celles qui croient à l’importance des modèles dans la transmission des valeurs." 



2) "La guerre n’est pas un jeu. Nous l’avons oublié. Dans un milieu où il y aurait des scorpions à piqûre mortelle, accepteriez-vous qu’on donne à votre bébé un jouet en plastique représentant un scorpion ? Ceux et celles qui répondent non à cette question découvriront dans ce guide pédagogique un outils précieux."

3) "Depuis l’arrivée du président Reagan et de sa rhétorique belliqueuse aux États-Unis, les jouets de guerre n’ont cessé de prendre une part croissante d’un marché colossal. Une des explications de cet engouement des enfants : la diffusion à longueur d’antenne de dessins animés comme G.I. Joe, He-Man, Les princesses de la puissance. Les fiches pédagogiques de "Cessez le feu" veulent prendre le contre-pied de cette tendance. Elles veulent fournir aux jeunes d’autres modèles de solution des conflits que le coup de poing et la force brutale. On y trouvera des activités pour tous les niveaux, allant de la garderie à l’université, en passant par l’éducation des adultes."

Les auteur-e-s de ces trois citations, aujourd’hui décédé-e-s, sont Claire Bonenfant, ex-présidente du Conseil du Statut de la Femme du Québec, Monique Fitzback, enseignante de Rivière-du-Loup et initiatrice du Mouvement des Établissements verts Brundtland, Robert Cadotte, docteur en éducation et militant pacifiste.

Le culte de la violence misogyne dans les émissions de télévision

Un regard sur l’histoire nous renseigne sur le rôle des décideurs politiques états-uniens en matière d’intoxication culturelle de la jeunesse. De 1946 à 1983, la Commission fédérale des communications des États-Unis, la FCC, avait réglementé le temps de publicité permis durant les émissions pour enfants. En 1984, la FCC décida d’abolir ce règlement et de laisser libre cours aux lois du marché qui allaient soi-disant déterminer le contenu des émissions. Edward J. Markey, Démocrate du Massachusetts jugea que la déréglementation de la pub était essentiellement une forme d’abus "idéologique" contre les enfants. 

L’un des résultats de cette déréglementation fut l’envahissement des ondes par les fabricants de jouets qui développèrent des programmes pour promouvoir la vente de leurs produits.

Devant l’appétit des prédateurs, les élus états-uniens adoptèrent en 1988 une loi restaurant en partie la réglementation protégeant les enfants : la Chambre des représentants l’adopta par un vote de 328 contre 78 et le Sénat approuva la décision le 19 octobre 1988. Malgré la volonté claire des deux chambres, le Président des États-Unis jugea que la loi enfreignait la liberté d’expression des annonceurs et des publicitaires et utilisa son pouvoir de veto. Les détails de cet affrontement politique ont été rapportés dans l’édition du 7 novembre 1988 du New York Times (2) et en 2010, le blogueur Martin Goodman retraçait les escarmouches qui ont marqué les relations entre l’axe des diffuseurs-publicitaires et le FCC durant la décennie 1980. (3)

Les lecteurs d’aujourd’hui pourront se demander si les héros proposés aux enfants gagnent en toxicité ou en sagesse. Un quart de siècle après la tuerie de Polytechnique, les modèles utilisés pour captiver les enfants sont encore plus sexistes et violents. En fait, le temps-écrans des enfants a augmenté, la réalité virtuelle est toujours plus explicite et la frontière entre fiction et réalité devient toujours plus floue. Avec certains jeux vidéo, on vous fournit une manette pour commettre vous-même les crimes, y compris une manette qui vibre quand le joueur égorge sa victime. On comprend mal comment l’empreinte pourrait ne pas s’enraciner dans les esprits et comment l’empathie des adolescent-e-s pourrait s’épanouir. 

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 À venir - Modèles proposés aux enfants : en quête d’alternatives

Notes


1. Cessez le Feu, guide pédagogique sur les jouets militaire, Fidès 1987.

2.
"Reagan Vetoes Bill Putting Limits On TV Programming For Children", 7 novembre 1988, NY Times.

3. Martin Goodman,
"Dr Toon When Reagan Met Optimus Prime. Dr. Toon looks back at the impact of deregulation on TV animation", 12 octobre 2010, Animation World Network.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 13 février 2015 
 




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Jacques Brodeur, consultant en éducation et en prévention de la violence
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Jacques Brodeur a enseigné durant 30 ans et œuvre comme consultant, conférencier et formateur dans les domaines de l’éducation à la paix, l’éducation aux médias, la prévention de la violence et la promotion de saines habitudes de vie.


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