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jeudi 23 décembre 2010 Une femme prostituée parle de ses clients "Le plus grand danger pour une p***, c’est la lucidité"
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Témoignage d’une femme prostituée à la suite du reportage « Infrarouge : les travailleuses du sexe » présenté sur France 2, le 20 mars 2009.
Je suis une prostituée officiant en appartement par le biais d’Internet et d’annonces dans la presse. J’exerce mon activité depuis bientôt 14 ans. Je me prostitue en parfaite connaissance de cause, d’une manière lucide, glaciale, implacable, pragmatique, et au bout du compte sans trop d’états d’âme et sans être si malheureuse que ça. Pour ma part, je n’arriverai jamais à trouver aucune crédibilité à un témoignage de prostituée qui accepte de paraître [dans une émission de télé] à visage reconnaissable par sa clientèle, alors que celle-ci se trouve obligée de gagner son pain par le biais de ceux-là. Nous ne sommes pas bêtes au point d’exprimer sincèrement nos états d’âme, nos rancœurs vis-à-vis de tous ces hommes qui nous payent, alors que ces derniers vont nous reconnaître et, de dépit, en entendant la vérité sur eux, ne nous ferons plus bénéficier de leur manne financière. Aucune d’entre nous ne va prendre le risque de saborder son outil de travail pour un reportage télé. Par contre, la complaisance, l’éloge du client et l’apologie de la prostitution nous permettront de pouvoir faire notre publicité ainsi que notre autopromotion. Il sera bien plus dans l’intérêt de la prostituée filmée de caresser sa future clientèle dans le sens du poil que de lui balancer ses quatre vérités. C’est sûr que si on commence à dire aux clients : « Écoute mon petit coco, je fais la p*** parce que je préfère m’***** avec toi pendant une heure que de me taper une semaine de ménages, je fais la p*** parce que physiquement je n’ai pas été bénie des dieux, intellectuellement je n’ai pas inventé l’eau chaude, je suis un peu la caricature de la pauvre fille qui sort tout droit de son caniveau. Quand on a un physique moyen, une intelligence moyenne, aucun talent, aucun savoir-faire, aucun diplôme, aucune relation et que l’on veut sortir de sa misère sans sombrer dans la délinquance la plus vile, la prostitution, c’est quand même la chose la plus abordable si on a un physique au minimum solvable ». Si, tout à coup, je m’amuse à balancer cette vérité aux clients, c’est tout de suite beaucoup moins vendeur, moins glamour et racoleur. Notre travail consiste avant tout à faire rêver le client. Ayant rencontré de nombreuses prostituées, j’ai pu constater à maintes et maintes reprises que beaucoup d’entre elles étaient atteintes du syndrome de Stockholm. Elles ont une certaine forme de reconnaissance, elles estiment avoir un devoir de gratitude envers leur clientèle qui leur permet d’échapper à un travail harassant et mal payé. Il y a également le lavage de cerveau qui est quelque chose de primordial si l’on désire durer dans le métier. À mes débuts, je me suis souvent menti à moi-même, je me suis raconté des histoires, je me suis fait croire que faire la p***, ça n’était pas si terrible, ni si horrible que ça. Avoir recours à ce processus psychologique était pour moi une chose vitale, voire une question de survie. La prostitution de façon professionnelle, comme unique source de revenus, est une chose très pénible aussi bien nerveusement, psychologiquement que physiquement. Instinctivement, j’ai tout de suite compris qu’il fallait à tout prix que je me préserve. Et pour me préserver, la lucidité face à ma prostitution serait quelque chose de tout à fait inenvisageable. Si je commençais à me dire que mon unique fonction, que mon unique objectif professionnel consistait à être un dévidoir à foutre. Que mon outil de travail serait des sexes d’hommes mal nettoyés. Que j’allais passer mes après-midi à me frotter et à me nettoyer le cul comme une malade mentale avec un savon gynécologique antiseptique. Eh bien non, cette vérité ne pouvait en aucun cas me permettre de la regarder en face. Si, un jour, j’ai l’inconscience de regarder cette réalité et cette tristesse de ma vie, je sombre dans l’alcoolisme ou la dépression. Alors, pour me mettre du baume au cœur et du cœur à l’ouvrage, je me dis que faire la p*** ce n’est pas si mal que ça, que je gagne bien ma vie, que je rencontre des clients intéressants (MMMMOOOOUUUIIIII, BOF, BOF), que je fais les horaires que je veux, je pars en vacances quand je veux, enfin bref, je me balance tous les lieux communs et les imbécillités qu’on entend habituellement quand on parle de prostitution. C’est un peu la méthode Couet : « Tout va bien…. tout va bien…. tout va bien….. » Le problème avec ce même « tout va bien », c’est que quand on commence à gratter la fine couche de vernis, eh bien, ce « tout va bien » est plutôt bancal, vacillant et claudicant. Il est une chose que j’ai également remarquée, c’est que ce sont généralement les prostituées les plus bêtes, celles qui sont les plus superficielles, avec un quotient intellectuel d’une huître et qui ne pensent qu’à s’acheter des sacs à main ainsi que la dernière robe à la mode, qui vivent le mieux leur prostitution. Leur manque de recul sur elles-mêmes, leur non-regard sur leur activité, leur non-lucidité sur le genre d’adultes qu’elles sont devenues va faire qu’elles seront les mieux à même de traverser ce passage de leur vie sans éprouver trop d’états d’âme ni de fêlures. Leur légèreté atténuera leurs blessures. Et c’est d’ailleurs dans l’intérêt du client d’avoir face à lui une p*** stupide ; car comme ça, elle ne risque pas de lever son regard sur ce client qui crève de solitude, qui a peur de la solitude, qui estime que la solitude est une forme de maladie honteuse, ce client qui n’arrive pas à se suffire à lui-même et qui a besoin de se sentir exister à travers le regard de la p***, qui a son regard rivé sur les aiguilles de sa montre. Le plus grand danger pour une p***, c’est la lucidité. Réfléchir pour une p*** peut être une calamité. C’est donc pour cela que je ne me pose plus de questions, je ne me remets plus en question. J’ai bien trop peur du reflet du miroir. Maintenant, j’ai trouvé une méthode imparable : je me prends la tête, je l’enfonce dans un trou de sable comme pour les autruches et je me répète inlassablement, quotidiennement : tout va bien, tout va bien, tout va bien. Effectivement, depuis que j’ai la tête dans le guidon, tout va beaucoup mieux dans le monde enchanté et follement merveilleux de la prostitution où tous les clients sentent la savonnette, le jasmin et le muguet, où tous les clients sont respectueux, sans aucune maladresse ni brusquerie, me caressent avec douceur ; dans ce monde fabuleux où les clients sont des érudits avec des conversations hautement philosophiques et ne nous font pas éponger leurs inénarrables déboires conjugaux, ainsi que la médiocrité et la petitesse de leur existence. Je suis terriblement épanouie dans ce monde prostitutionnel où les femmes ne se prostituent pas pour de l’argent, mais par plaisir de se faire ***** par l’inconnu qui va m’imposer ses odeurs corporelles ainsi que ses sécrétions. J’ai pris une bonne résolution, il y a quelques années, auparavant je m’efforçais coûte que coûte d’effacer, d’oublier la passe avec le client. Un jour, je me suis dit qu’il ne fallait justement pas que j’essaie d’occulter mes actes. Je devais accepter. Accepter ce dernier gros porc ahanant sur moi. Je devais accepter ses coups de queue à répétition, accumulés, de la terre à la lune, de la lune à la terre. Je devais accepter ce dernier cunnilingus mal fait. Occulter ne ferait qu’aggraver les choses et laisserait en moi des souvenirs et images impérissables. Accepter, accepter encore et toujours accepter, surtout ne pas me sentir utilisée, essayer tant bien que mal de poser un regard détaché sur ce client qui m’utilise comme un jouet pour adultes. Je devais accepter le regard méprisant que la société pose sur moi. Je devais apprendre à ne plus occulter, je devais apprendre à faire avec. J’ai passé toute ma vie d’adulte à dépasser mes limites pour copuler avec des hommes qui me répugnaient au plus haut point. J’ai fait toutes ces choses pour l’argent. Toutes ces choses, je ne les aurais jamais faites par amour ou par amitié. Et oui, derrière ces visages bien maquillés, derrière ces corps bien emballés, bien apprêtés, derrière ces sourires enjôleurs et commerciaux, que d’angoisses cachées, que de questions sans réponse, que de doutes, que de gouffres, que de peur face à l’avenir, que de terreur face à sa vie et à la vie ? Alors pourquoi je continue ? J’entends déjà la conjuration des imbéciles heureux, alors pourquoi je continue ? Vous ne savez donc pas ? Pour l’argent, pour encore et toujours plus d’argent !!!! Essayez de me trouver un métier où l’on gagne de l’argent aussi rapidement sans avoir fait d’études, sans aucun investissement financier inabordable. Vous ne trouvez pas ? Eh bien moi non plus, je n’ai pas trouvé. Alors oui, pour moi, par rapport à mon histoire, à mon passé, ça vaut le coup, la prostitution est la seule chose qui me permette de sortir de ma misère. L’argent que m’apporte mon activité me permet d’avoir un train de vie que je n’aurais jamais pu espérer avec un travail normal sans qualification. Grâce à la prostitution, du jour au lendemain j’ai eu la chance de manger ce que je voulais, de m’habiller comme je voulais, d’habiter où je voulais. L’argent de ma putasserie m’a permis d’acquérir une certaine forme d’indépendance, de confort, de liberté. L’argent. Améliore ma vie puissance 10. Pour avoir le droit à tout cela, j’estime que je peux bien faire un effort en supportant le client, d’autant plus que c’est un effort qui est compacté dans le temps puisque, question endurance, ils sont quand même tous plus ou moins des éjaculateurs précoces. J’ai connu la clochardisation, j’ai connu la misère. Depuis cette période de ma vie, la pauvreté est une chose qui me terrifie profondément. Mes fins de mois nettement supérieures au SMIC se justifient par ma capacité à me transformer en guerrière pour aller saisir la poignée à fin d’ouvrir à l’inconnu derrière la porte. Cet effort que je fais sur moi, je ne le fais pas par courage, je le fais uniquement parce que je suis motivée par l’appât du gain. D’autant plus que cet inconnu derrière la porte, qui en est réduit à payer pour avoir du sexe et s’acheter la compagnie d’un être humain, même si c’est Monsieur tout le monde : Monsieur tout le monde n’est pas forcément le haut du panier !!! Je demande 200 € de l’heure pour ma capacité à copuler avec n’importe qui sans être trop regardante sur la qualité de l’hygiène, du physique, de l’éducation du client. Même si le client ressemble à une poubelle ambulante, même s’il a une haleine fétide qui me donne l’impression qu’il a ingurgité des boules puantes pendant son repas du midi, même s’il sent des pieds le fromage pourri. Je dois supporter ses odeurs de transpiration, ses sécrétions, son liquide séminal écœurant qu’il a bavé, dégouliné sur son ventre, pire que les chutes du Niagara. Je vais devoir supporter son sexe mal lavé d’où il va émaner une subtile odeur de pisse et de chiotte. Car, bien entendu, ces petits messieurs les clients sont comme des garçonnets et ne savent même pas se décalotter pour se laver la ***** correctement. On dirait des petits garçons qui s’imaginent que je mets le Tahiti douche uniquement pour faire décoration dans ma salle de bains. Je ne vous parle même pas des traces de matières fécales que je retrouve sur mes serviettes éponge que je leur donne afin qu’ils puissent prendre leur douche. Ils ont 30 ans, 40 ans, 50 ans ; ils sont avocat, chirurgien, chef d’entreprise ; ils viennent me voir avec des chaussures et des montres d’un luxe pas possible, et malgré tout ça, ils ne savent toujours pas appliquer le geste d’hygiène de base que leur mère leur inculquait quand ils avaient 4 ans. Même si j’ai pleinement conscience que lorsqu’on prend la décision de se prostituer, on prend en même temps la décision de mettre ses mains dans la m***** de ses congénères, supporter toutes leurs m***** pour 200 € ne me semble pas être si disproportionné ni exagéré que cela. Mes 200 € sont justifiés, à souffrir en silence quand le client me mord ou me pince la poitrine de façon douloureuse. Quand il m’enfonce ses trois doigts dans mon vagin, en faisant des allers et venues comme un sauvage, en me détruisant la paroie vaginale avec ses ongles longs et crasseux. À me taire quand je subis un cunnilingus mal fait : quand le client se prend pour un aspirateur à ventouses, gobe mon clitoris comme si c’était un oeuf, me bave dessus comme un escargot, me gratifie de quelques coups de dentition, me râpant l’entre-cuisse avec sa barbe naissante. Pendant ce temps-là, pour faire croire aux clients que j’éprouve un plaisir immense alors que c’est bien plus pénible qu’autre chose, je me dandine, je me trémousse du bassin, je pousse quelques gémissements, je tords les draps entre mes doigts, je crispe les jambes pour me débarrasser au plus vite de la bave et de la langue dégueulasse du client remplie de je ne sais trop quels microbes et bactéries. Étant donné que les hommes sont des petits monstres de vanité imbus d’eux-mêmes. Étant donné qu’ils sont bêtes et crédules, ils sont encore capables de croire qu’ils réussissent à me procurer un réel orgasme en me faisant grimper au rideau, en me tringlant alors que la seule chose qu’ils réussissent à faire c’est à détruire la tringle à rideau. J’ai une copine qui pousse la simulation à la perfection : quand le client arrive, elle va faire un petit tour dans sa salle de bains afin de s’introduire un ovule qui va imiter les sécrétions vaginales. Aux premières minutes du rapport, dès que le client va commencer à tripoter son vagin, il va le sentir tout sec, après quelques minutes, il le voit s’humidifier par l’ovule qui fond petit à petit par la chaleur du corps. Ma copine est toujours morte de rire, quand des clients qui ressemblent à des gravats sont des amants pitoyables et, en prime, sont bêtes à manger du foin, lui disent d’un air bien convaincu qu’elle est différente des autres p**** qu’ils ont rencontrées car elle, au moins, ça se voit tout de suite qu’elle fait ça pour son plaisir !!!! À se demander pourquoi, puisqu’elle est censée faire ça pour son plaisir ; pourquoi elle accepte de coucher avec le premier venu en échange d’argent au lieu de choisir un super beau mec qui lui plairait par son humour, son charme et sa culture et avec qui elle irait gratuitement. Mes fins de mois se justifient car je suis prête pour de l’argent à supporter la présence d’individus qui m’insupporteraient s’il n’y avait pas d’argent à la clé. Au client, je joue le rôle de la fausse petite amie, la comédie, l’amour, la plante verte hypocrite, servile et souriante. Pour du fric, je suis toute disposée à lui jouer le rôle de la plante verte arrosable de sperme à la fin de la soirée. Je fais semblant de l’écouter, semblant de m’intéresser à sa conversation hautement affligeante et égotiste, super centrée sur sa petite personne : avec le client, c’est toujours son petit travail, sa petite vie, ses petites *****, ses petits déboires conjugaux ; enfin bref, c’est toujours les mêmes discussions insipides et soporifiques atteignant très vite la très très très basse médiocrité qui ne mène jamais à rien. Parfois, je fais même semblant de rire à leurs grosses blagues bien débiles qui ne sont pas drôles du tout et n’ont d’ailleurs jamais fait rire personne, hormis le client lui-même. Non seulement le client paye pour que je lui suce la queue, mais en plus il me paye pour que je lui lèche les bottes. Alors, moyennant finance, je lui lèche les bottes. Et oui, mes 200 euro de l’heure sont justifiés pour tout ça. Pour moi, la mort est préférable à la pauvreté. Je préfère infiniment plus l’enfer et l’aliénation de la prostitution au chômage, au revenu minimum d’insertion, au prolétariat. La prostitution peut être un véritable enfer avec certains clients. Et l’aliénation vient du fait que tout cet argent est si rapidement gagné, et rend un retour à un quelconque métier normal payé au SMIC horaire quasiment impossible psychologiquement, tellement l’accoutumance à tout ce fric est devenue une drogue pour moi. Le reportage m’a paru être surfait et surjoué par certaines prostituées, notamment une certaine Sonia travaillant dans une vitrine en Belgique. On dirait que celle-ci a appris par cœur son texte. D’autres de ses collègues, ainsi qu’elle-même, ont fait acte d’une grande immodestie en se considérant comme des êtres uniques et exceptionnels qui apportent amitié, tendresse, écoute, affection à leurs clients. Il ne faudrait tout de même pas exagérer. Il serait peut-être temps, pour certaines, qu’elles arrêtent une fois pour toutes de faire leurs prétentieuses en pétant plus haut que leur cul ne le leur permet. Quand on prend son vagin pour un tiroir-caisse, son corps pour un bien marchand et monnayable. Quand on met son amour-propre, sa pudeur aux oubliettes pour ne pas dire dans sa culotte. Il n’y a pas de p*** au grand coeur qui tienne ou je ne sais trop quelles fadaises et inepties du même genre. Nous ne sommes toutes sans aucune exception que de pitoyables traînées de bas étage. Quant à la p*** qui éprouverait une quelconque amitié pour son client en lui demandant effrontément des 200, des 300, des 400 euro de l’heure, cela me paraît être un concept des plus comiques. Il faudrait ne pas trop fantasmer sur la soi-disant p*** au grand cœur. La p*** au grand cœur n’est valable que pour les films en noir et blanc des années 50 avec Jean Gabin. Prenez trois p****, mettez-les autour d’une table, faites-les parler de leur clientèle sans journaliste, sans caméra, sans client. Quand vous allez assister au déferlement de mépris et de moquerie qui va découler de leur conversation, je vous garantis sur facture que le fameux mythe de la p*** au grand cœur va en prendre un sacré coup. Pour celles qui s’épanouissent dans la prostitution, puisqu’elles les aiment tant que cela leurs clients ; puisque la prostitution est une chose tellement agréable et épanouissante, elles n’ont qu’à coucher gratuitement avec eux. Ou même mieux, elles n’ont qu’à payer leurs clients. Pour une fois, ça leur fera du changement. J’ai bien peur qu’elles ne trouvent pas cet arrangement à leur goût. Les clients nous aiment uniquement lorsque nous sommes habillées sexy, bien maquillées, joviales, avenantes, accueillantes, malicieuses, entreprenantes. Si, demain, je m’amuse à me présenter face au client en pyjama, avec des bigoudis enroulés sur la tête et qu’en prime je lui fais le grand déballage de printemps en lui parlant de mes gouffres, de mes terreurs, ma part d’ombre, je ne suis pas tellement sûre que ce même client à la recherche de distraction, d’amusement et d’une oasis de liberté dans son emploi du temps me trouve des plus distrayantes. Pour ma part, vous aurez beau mettre en face de moi le client le plus sympathique, le plus charmant au monde ; de façon inconsciente, au très fond de moi-même, je vais systématiquement le détester parce que face à lui je suis obligée de me comporter comme la plus vile des chiennes, comme la plus vile des serpillières. Pourquoi je vais le détester ? Tout simplement parce que j’ai besoin de l’argent du client. Et pour obtenir que le client me donne son argent, j’en suis réduite à me comporter justement comme la plus vile des chiennes, comme la plus vile des serpillières. Je vais également détester le client car celui-ci, avec l’aide de son argent, il est un peu le gardien de ma déchéance. Remarquez pour cela, à la limite, je n’ai besoin de personne, je le fais très bien toute seule, en étant la gardienne de ma propre déchéance. Il y a une chose aussi que j’ai bien remarquée chez beaucoup de mes consœurs : il faut toujours qu’elles se donnent plus d’importance, de grandeur, de magnificence qu’elles n’en ont en réalité. Elles préfèrent mettre en avant le côté faussement relationnel qu’elles ont avec le client, plutôt que d’assumer leur côté suceuses de bites et dévidoirs à foutre. Dans de nombreux reportages télé, beaucoup d’entre elles nous expliquent la bouche en cœur, la gueule enfarinée, que des clients les payent uniquement pour discuter. Après toutes ces années de prostitution, pas une seule fois j’ai eu la chance de tomber sur ce genre de clientèle. Même si, très souvent, il y a 50 minutes de discussion pour 10 minutes de rapports sexuels, j’ai toujours dû passer à la casserole. Peut-être que ça leur est arrivé, quelquefois dans leur carrière, de tomber sur ce genre de client, mais toutes grandes mythomanes qu’elles sont, elles montent ça en épingle en nous faisant croire que c’est quelque chose de récurrent, alors que ça reste de l’ordre de l’exceptionnel. Il faut faire attention à ne pas trop extrapoler sur la relation p***/client. Puisque ces grandes dames se prennent pour des psychologues, des analystes, des psychiatres. Puisque, à les entendre, le côté sexe n’est pas le plus important dans la quête et la démarche du client. Je suggère à ces grandes dames de proposer, comme le ferait une psychologue, des relations uniquement centrées sur l’échange verbal sans aucun acte sexuel. Je ne pense pas que ce genre de service puisse intéresser de nombreux clients. Maintenant, évidemment que je vais être gentille avec le client, je vais m’efforcer d’être aimable avec lui, lui faire la conversation. Ma gentillesse n’est pas destinée à la personnalité de l’être humain en face de moi, mon amabilité est uniquement destinée au client qui m’a payée. Je préfère 1000 fois bavasser avec le client que me faire défoncer le vagin pendant une heure. Ma prévenance à son égard n’est pas due à ma philanthropie ou à ma charité chrétienne. À partir du moment où le client m’a payée, je me dois de lui fournir, au minimum, la prestation pour laquelle il m’a rétribuée. Si j’étais réellement une p*** au grand cœur, je tiendrais compagnie et j’écouterais gratuitement le client me raconter ses déboires existentiels. À ce sujet, je me suis souvent demandée au nom de quoi, et de quel droit, le client se permet de me bouffer mon énergie, de grignoter ma joie de vivre en me faisant subir et en m’imposant toute sa m***** existentielle. J’ai infiniment plus de respect pour le client qui est équilibré, clair dans sa tête, qui va à la limite même pas me regarder, même pas me parler, en me considérant uniquement comme une prestataire de services. Certains de mes clients, quand ils s’en vont, me souhaitent bon courage. Dans ce bon courage, il y a tout un monde. Cela signifie qu’il a bien compris que je ne suis pas une nymphomane, une hystérique, une *****. Je me sens infiniment plus respectée par ce genre de clientèle que par l’abruti qui s’imagine que je prends un plaisir immense à éponger sa conversation insipide, en s’imaginant que j’attends après lui pour éprouver un quelconque plaisir sexuel. Quant à mon mépris face aux clients, je vous garantis que quand on est au minimum observatrice, quand on se rend compte de ce que sont réellement les hommes et surtout à quel point ils peuvent être stupides, je vous assure que c’est très dur de ne pas les mépriser. Certains me demandent au téléphone si ça va être plaisir partagé. Bien entendu, ayant besoin de leur fric, je ne risque sûrement pas de les contrarier. Évidemment, en toute bonne commerçante que je suis, je leur dis que je me prostitue pour joindre l’utile à l’agréable, que je suis une occasionnelle, que je passe des annonces de façon épisodique (et gnangnan et gnangnan). Le type est à l’autre bout du téléphone, je ne l’ai jamais vu, je ne sais pas à quoi il ressemble, je ne sais pas s’il va me plaire ou pas me plaire. Je ne sais pas s’il va me caresser avec douceur ou brutalité, je ne connais pas son odeur, et ce petit monsieur me demande si ça va être plaisir partagé ! ?????????????????????????????? D’autres me disent qu’ils veulent que je leur donne de la tendresse. Premièrement, si le client me paye, je ne risque sûrement pas de lui donner ma tendresse, je vais la lui vendre. Le problème, c’est que la tendresse est un sentiment tellement noble et grandiose, qu’elle n’a pas de prix et n’est sûrement pas monnayable. Ma tendresse, je la garde pour mon chien, pour mes amis. Je ne vais sûrement pas m’amuser à la dilapider auprès d’un client qui n’a strictement rien à foutre de ma tronche et va m’oublier vite fait bien fait dès qu’il sera sorti de mon appartement pour aller rejoindre sa femme et ses enfants. Le client me donne de l’argent parce qu’il désire maintenir une distance entre lui et moi afin qu’il n’y ait surtout pas d’affecte entre nous. Ce client qui, par l’argent qu‘il me donne, ne veut surtout pas de moi dans sa vie et, symboliquement, par le biais de l’échange monétaire me rejette. Eh bien, ce client tout tranquillement veut que je lui témoigne de la tendresse. Et puis quoi, encore !!!!! Il y a également le gros niais de service, qui vient me casser les burnes en me disant : « Je suis un cérébral, mon plaisir c’est ton plaisir et bla-bla-bla » (PPPPPFFFFFFFFFFFFF !!!!!!!!!!!!). Non mais, comme si j’attendais après lui pour qu’il vienne me faire jouir. C’est à croire qu’il souhaite que je lui dise : « Écoute mon petit coco, je n’en ai strictement rien à foutre de ta sale tronche de macaque, je n’ai qu’une seule envie, c’est que tu payes et que tu dégages le plus rapidement possible. D’ailleurs, à ce sujet, tu ne pourras jamais t’imaginer à quel point je me sens bien, à quel point je suis heureuse lorsque tu quittes mon appartement et que je referme la porte sur toi en entendant le bruit de tes pas qui descendent les escaliers. Par contre, si tu veux me procurer un orgasme, au lieu de me donner un billet de 200 €, je te suggère vivement de me donner 10 billets de 500 €. À ce moment-là, je te garantis mon petit coco que je vais mouiller ma culotte sans aucune simulation ». Il y a également l’éjaculateur précoce qui s’excuse de n’avoir pas été suffisamment performant et qui me dit qu’il fera mieux la prochaine fois. Comme si mon plus grand plaisir existentiel était de me faire limer pendant 10 millions d’années par mes clients ; alors que je suis justement toute réjouie que cela finisse aussi vite et de m‘en tirer à si bon compte. Pour en revenir au reportage, il ne m’a pas appris grand-chose, si ce n’est un long défilé rempli de banalités et de lieux communs sans grand intérêt. Les journalistes vont toujours chercher les mêmes prostituées moches et déquatilles qui font office de V.R.P de la prostitution. Ces prostituées qui décident librement de montrer leur visage à la France entière, sans aucune honte ni pudeur, sont dans un tel état de déchéance, de négation et de non-respect d’elles-mêmes qu’elles n’éprouvent vis-à-vis d’elles-mêmes ni honte ni pudeur. Ma honte par rapport à ma condition de **** me permet d’être maintenue par un fil qui fait que j’ai encore un pied dans le monde des humains et que je ne suis pas encore un animal. Je suis fière de ma honte. Le jour où je n’aurai plus honte d’être une ****, je serai irrécupérable et perdue à tout jamais. – Publié initialement le 21 mars 2009, dans les forums de France 2.fr. Nous n’avons que corrigé l’orthographe dans ce texte. Mis en ligne sur Sisyphe, le 3 mai 2009 |