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samedi 16 octobre 2004 Protestations internationales contre l’assassinat de FannyAnn Eddy, militante de l’Association lesbienne et gaie de la Sierra Leone
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FannyAnn Eddy, fondatrice et militante de l’Association lesbienne et gaie de Sierra Leona (SLLAGA) a été assassinée le 29 septembre dernier. Les meurtriers ont pénétré par effraction dans les bureaux de SLLAGA à Freetown tandis qu’elle était seule. Ils l’ont violée et lui ont brisé le cou. Plusieurs sources voient dans cet assassinat un crime homophobe.
Depuis l’annonce de cette tragédie qui soulève l’indignation et la tristesse, les réactions se multiplient. L’organisation humanitaire Human Rights Watch (HRW), basée à New York, a exhorté la justice sierra léonaise à agir rapidement pour arrêter les meurtriers. « FannyAnn Eddy était quelqu’un d’extraordinairement courageux et d’intègre qui avait littéralement mis sa vie au service des droits de la personne », a déclaré Scott Long, un des responsables d’HRW. À Londres, OutRage ! a fait savoir qu’elle se joignait « aux associations africaines endeuillées par la perte d’une militante lesbienne africaine, source de courage et d’inspiration ». L’Association des gays et des lesbiennes du Zimbabwe (GALZ) se dit « abasourdie et horrifiée » par la nouvelle de ce décès et souhaite qu’il « nous encourage à redoubler d’efforts pour faire de l’Afrique un lieu sûr pour les personnes LGBT ». L’International Gay and Lesbian Human Rights Commission (IGLHRC) rappelle que FannyAnn Eddy s’était exprimée devant la Commission des droits de l’homme de l’ONU dans le cadre de sa 60e session en avril dernier pour attirer l’attention du monde sur la situation des gays et des lesbiennes en Afrique. En France, le Centre d’aide, de recherche et d’information sur la transsexualité et l’identité de genre (CARITIG) s’associe aux condoléances en faisant circuler une traduction de l’intervention de FannyAnn devant la Commission. Enfin, le Comité scientifique international de la conférence sur les droits des gays et des lesbiennes qui se tiendra à Montréal en juillet 2006, et à laquelle FannyAnn Eddy avait prévu de participer, exprime sa sympathie à la famille et aux ami-es de la victime et demande au gouvernement de Sierra Leone d’ouvrir une enquête sur ce meurtre et d’honorer la mémoire de la militante. Un fonds de solidarité a été créé pour subvenir aux besoins du fils de FannyAnn, âgé de 9 ans. Pour tout renseignement, écrire ici. Nous publions ci-dessous le communiqué de l’International Gay and Lesbian Human Rights Commission (IGLHRC), l’allocution de FannyAnn Eddy à la Commission des droits humains des Nations-Unies en avril 2004, ainsi que la lettre du Conseil d’administration d’Égale Canada et le Fonds Égale Canada pour les droits de la personne et de la Communiqué de l’IGLHRC "En dépit de toutes les difficultés que nous rencontrons, j’ai confiance que la reconnaissance de la dignité et du respect qui nous sont dus peut mener à un plus grand respect de nos droits humains. Le silence crée la vulnérabilité. Je vous recommande vivement, à vous les membres de la Commission des droits humains, de rompre le silence. Vous pouvez nous aider à réaliser nos pleins droits et nos libertés, dans chaque société, y compris dans ma Sierra Leone bien-aimée." (Extrait de l’allocution à la Commission des droits humains des Nations-Unies). FannyAnn Eddy a rompu le silence pour nous tous et toutes. Elle a courageusement porté sur la scène internationale la lutte pour la liberté et la dignité dans son propre pays. La semaine dernière, sa voix a été réduite au silence pour toujours. Alors que FannyAnn travaillait tard dans son bureau de Freetown, des hommes sont entrés par effraction, l’ont violée et assassinée brutalement. Pour nous, qui la connaissions et avons joui du grand privilège de partager son humour, son sens de l’absurde, son intelligence, sa détermination irréductible, son refus de laisser la bureaucratie et le mensonge entraver la justice, la perte est incommensurable. FannyAnn était la dirigeante indomptable de l’Association des lesbiennes et des gays de la Sierra Leone. Elle comprenait que la liberté pour les femmes, et en particulier pour les lesbiennes, était liée à leur capacité d’être indépendante économiquement. Conséquente avec sa vision de la défense des droits humains, elle a pris son propre argent pour acheter du matériel pour les jeunes lesbiennes, leur permettant ainsi de fabriquer des vêtements et d’autres articles qu’elles pouvaient vendre pour gagner leur vie. Elle comprenait que les droits humains n’étaient pas seulement un principe légal à renforcer mais une mesure de dignité humaine à exiger. Ainsi, elle consacra une grande partie de son temps à parcourir les écoles pour apprendre aux enfants à reconnaître leur propre valeur. Et elle comprenait que militer pour nos droits était un processus impliquant à la fois de petites et de grandes actions. Quand elle rencontra des difficultés pour obtenir un visa pour Genève, où elle allait raconter son histoire à la Commission des droits humains des Nations-Unies, FannyAnn tint une vigie jusqu’à ce qu’à obtenir gain de cause. Le personnel et le conseil d’administration de l’IGLHRC regrette profondément sa perte. Elle était membre de la délégation historique que l’IGLHRC et Human Rights Watch ont introduit à la Commission des droits humains des Nations-Unies à Genève, le printemps dernier, pour plaider en faveur de la Résolution sur l’orientation sexuelle et les droits humains. Elle a travaillé avec ténacité pour traquer les représentants de son gouvernement et les inciter à soutenir la résolution. En témoignant devant la Commission réunie en assemblée générale, elle a présenté audacieusement son exemple personnel comme preuve de l’existence de lesbiennes en Afrique, évidence que beaucoup de dirigeants africains cherchent à nier. Elle a partagé avec nous tout aussi bien des histoires hilarantes sur ses expériences d’organisatrice à la Sierra Leone que ses réflexions rigoureuses sur les stratégies de changement à adopter. FannyAnn apportait dans son travail un niveau de courage, d’audace et de persévérance, rare même parmi les militant-es des droits humains pourtant bien connu-es pour posséder ces qualités. FannyAnn Viola Eddy avait 30 ans. Son fils âgé de 9 ans a perdu une mère passionnée et aimante. La Sierra Leone a perdu une dirigeante courageuse et exemplaire. Le mouvement international des LGBT a perdu une ardente et audacieuse avocate des droits humains. Le meilleur hommage que nous puissions lui rendre maintenant est de prendre position publiquement. L’IGLHRC et nos collègues enquêtent activement sur les circonstances de sa mort et le degré de responsabilité du gouvernement et de la police. Un fois cela fait, nous installerons, sur notre site Internet, une Alerte à l’action et nous l’enverrons à notre réseau d’ "action urgente", en demandant à tout le monde de protester contre ce meurtre insensé. Entre-temps, "Derrière le masque" collecte des dons pour aider le fils de FannyAnn et l’Association lesbienne et gay de la Sierra Leone. Pour plus de détails, on peut nous contacter. Allocution de FannyAnn Eddy à l’ONU Le silence crée la vulnérabilité. Vous, membres de la Commission sur des droits de l’homme, pouvez rompre ce silence. Je m’appelle Fanny Ann Eddy et je représente MADRE, je suis également membre de l’association lesbienne et gai de Sierra Leone. Je voudrais profiter de cette occasion pour vous faire savoir que notre population fait partie des groupes vulnérables et en danger non seulement dans mon pays aimé, la Sierra Leone, mais dans l’ensemble de l’Afrique. Mon centre d’intérêt est la communauté lesbienne, gaie, bisexuelle et transgenre, un sujet que la plupart des chefs africains préfèrent éviter. En fait, beaucoup d’entre eux ne veulent même pas reconnaître que nous existons. Leur négation a beaucoup de conséquences désastreuses pour notre communauté. Nous existons, mais en raison du déni de notre existence, nous vivons dans la crainte constante : crainte de la police et des fonctionnaires avec leur droit de nous arrêter et nous détenir en prison simplement en raison de notre orientation sexuelle. Récemment un jeune homme gai a été arrêté à Freetown pour s’être habillé en femme. Il a été détenu pendant une semaine entière sans qu’aucune charge ne soit apportée contre lui. J’ai personnellement pu discuter avec les autorités pour le libérer, cependant la plupart des personnes comme lui peuvent être gardées indéfiniment en détention parce qu’il y a très peu de personnes qui peuvent se faire entendre par les autorités. Nous vivons dans la crainte que nos familles nous renient, car il est fréquent pour les lesbiennes, les gaies, bisexuels et transgenres d’être rejetés hors de la maison familiale quand notre différence devient notoire. Parmi les personnes rejetées hors de leur maison familiale en raison de leur orientation sexuelle ou identité de genre beaucoup sont jeunes et n’ont nulle part où aller. Aussi, ces personnes deviennent sans docimicile fixe (SDF), n’ont pas d’argent pour se nourrir ni travail, elles deviennent travailleur/ses sexuel/les pour survivre. Nous vivons dans la crainte au sein de nos communautés, où nous faisons face au harcèlement et à la violence constante des voisins et d’autres personnes. Les attaques homophobes sont impunies par les autorités, d’autres encouragent des traitements discriminatoires et violents à l’encontre des personnes lesbiennes, gaies, bisexuelles et transgenres. Quand les leaders africains prétextent la culture, la tradition, la religion et les normes ancestrales pour nier notre existence, ils envoient un message de tolérance envers la discrimination, la violence et l’indignité globale. Cette condamnation a des résultats particulièrement désastreux dans le contexte du VIH/Sida. Selon une récente recherche éditée en décembre 2003 par l’Association lesbienne et gai de sierra Leone en collaboration avec une agence de santé du pays, 90% des hommes qui ont des rapports sexuels avec des hommes ont également des rapports sexuels avec des femmes, leurs épouses ou leurs petites amies. De ce groupe, 85% d’entre eux ont indiqué qu’ils n’emploient pas de préservatifs. On ne donne pas un message clair sur l’éducation et sur la transmission sexuelle du VIH à ces hommes en Sierra Leone. Il est clair que beaucoup d’hommes se marient non pas parce qu’ils le désirent, mais parce que c’est ce que la société attend d’eux. Cette exigence de la société les force à craindre pour leur liberté ou leur vie en raison de leur orientation sexuelle. Le silence qui les entoure, ce refus par la société d’admettre et de reconnaître les différences, les met en danger mais met aussi en danger leurs épouses et petites amies. Cependant, en dépit de toutes les difficultés que nous devrons affronter, j’ai la foi que la reconnaissance par la Commission de la dignité inhérente et le respect dû aux personnes lesbiennes et gaies peut mener à un plus grand respect pour nos droits humains. Comme l’a démontré la lutte de libération en Afrique du Sud, où la constitution interdit la discrimination basée sur l’orientation sexuelle, le respect des droits humains peut transformer la société. Cela peut amener des personnes à comprendre que nous sommes tous humains et que nous avons tous le droit au respect et à la dignité. Le silence crée la vulnérabilité. Vous, membres de la Commission sur des droits de l’homme, pouvez rompre ce silence. Vous pouvez reconnaître que nous existons, dans l’ensemble de l’Afrique et sur chaque continent, et que des violations des droits de l’homme basées sur l’identité sexuelle, l’orientation ou le genre sont commises chaque jour. Vous pouvez nous aider à combattre ces violations et à réaliser nos pleins droits et libertés, dans chaque société, y compris au Sierra Leone, le pays que j’aime. Traduction par l’équipe bénévole du CARITIG Voir : Mis en ligne sur Sisyphe le 8 octobre 2004. Fonds FannyAnn Eddy (12.10.04) J’ai dernièrement reçu de très troublantes nouvelles. Une femme avec qui j’étais en contact l’année dernière, FannyAnn Eddy, de Sierra Leone, a été brutalement violée et assassinée. FannyAnn avait 30 ans. Elle était l’intrépide fondatrice de l’Association Gay et Lesbienne de Sierra Leone. La Sierra Leone vient de perdre une dirigeante courageuse et visible. Le Adorant les enfants, FannyAnn était aussi une mère passionnée. Elle laisse derrière elle un fils de 10 ans, Valentine. Bien que nous n’ayons communiqué que peu de fois, FannyAnn m’avait exprimé son souhait de venir à Montréal pour la conférence internationale sur les droits des LGBT, en 2006. Elle m’avait semblé une personne réellement passionnée et généreuse. J’aurais aimé pouvoir la rencontrer. J’ai dernièrement communiqué avec Daniel Somerville de « Behind the Mask » (Mask). C’est un site fantastique à propos des allo-sexuels africains. Daniel m’a informée qu’un fonds au nom de FannyAnn venait d’être créé. J’aimerais faire deux dons au nom de l’Association des mères lesbiennes du Québec et d’Égale-Canada (list electronique Familia) : un dans le but Je pense que ceci est un geste important afin d’exprimer notre solidarité à SLLGA, et de le faire à la mémoire d’une activiste importante et une mère lesbienne. Mona Greenbaum |