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dimanche 29 décembre 2002 Homoparentalité ou pluriparentalité
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Parentalité, homoparentalité, hétéroparentalité, pluriparentalité, parenté, parent, co-parent, beau-parent, mère, père, co-père, co-mère, belle-mère, beau-père…(1) Des mots socio-juridiques chargés de sens et d’émotion qui tendent à renommer le moindre lien entre un ou une adulte et un ou une enfant.
Jusqu’à la mise en vigueur à l’été 2002 de la loi sur l’union civile, (2) en droit québécois le terme parenté signifiait le lien juridique qui unissait des personnes qui descendent l’une de l’autre ou qui descendent d’un ancêtre commun. Ainsi la parenté ne pouvait être fondée que sur les liens du sang et de l’adoption dans un contexte hétérosexuel, il va de soi. Depuis, la filiation peut aussi s’acquérir par procréation assistée surtout pour les conjoints ou conjointes de même sexe d’un parent biologique ou d’un parent d’adoption. Mais ces nouvelles règles de filiation, malgré le fait qu’elles mettent un terme au principe de la différence des sexes à tout prix, maintiennent tout de même celui de la dualité en matière de parenté en droit québécois : UN ENFANT= DEUX PARENTS. Afin de faire place à l’homoparentalité, la filiation peut maintenant s’acquérir par procréation assistée pour un couple de lesbiennes. Qu’elles soient en union civile ou en conjugalité de fait, si un enfant naît à la suite de l’élaboration d’un projet parental de ce couple, les deux conjointes seront désignées comme les mères de l’enfant,(3) et si le couple est uni civilement, la conjointe de celle qui a accouché de l’enfant sera présumée être l’autre parent.(4) Et en matière d’adoption, les nouvelles règles établissent clairement qu’un couple de même sexe, qu’il soit en union civile ou en union de fait, peut adopter un enfant.(5) Composantes de la filiation et droit de l’enfant On reconnaît trois composantes dans la filiation : une composante biologique où les père et mère sont les géniteurs, une composante sociale où les parents sont ceux qui s’occupent de l’enfant au quotidien, et une composante généalogique ou juridique où le père et la mère sont ceux que le droit reconnaît comme tels.(6) Si dans la majorité des cas de filiation au Québec, il existe une adéquation parfaite entre ces trois composantes,(7) il en va tout autrement lorsque l’homoparentalité est en cause puisqu’alors les parents géniteurs et les parents socio-juridiques sont souvent des personnes différentes. Malheureusement, les nouvelles règles de filiation ne reconnaissent pas encore en même temps toutes ces composantes. Pour intégrer la notion d’homoparentalité dans la loi, le législateur québécois a parfois tu la nécessaire hétérosexualité de la conception d’un enfant au lieu de revoir l’ensemble des règles de filiation et d’ainsi reconnaître tous les adultes responsables de la naissance et de l’éducation d’un enfant : autant les géniteurs et génitrices que les parents sociaux. En respectant le droit fondamental de l’enfant à toute information sur les circonstances de sa conception et de sa naissance, le législateur aurait sans doute pu enrayer toute trace d’hétéropatriarcat. Dans l’intérêt de l’enfant, la première règle à abroger sera celle de la présomption de paternité du mari de la mère biologique.(8) Pater is est quem justæ nuptiæ demonstrant. (9) Cette présomption fait en sorte que l’enfant né pendant le mariage a pour père le mari de sa mère.(10) Et cette règle, au lieu d’assurer la paix des familles, comme on l’a si souvent prétendu, visait plutôt à l’époque à déresponsabiliser le père biologique de l’enfant, lorsqu’il était le mari de la mère, ou à le mettre à l’abri d’une poursuite judiciaire s’il était l’amant de la mère mariée à un autre homme. Plutôt que de décréter que chaque parent a la responsabilité personnelle de reconnaître son enfant au moment de sa naissance, le législateur québécois a choisi d’étendre cette présomption de paternité aux conjoints hétérosexuels unis civilement,(11) et aux couples de lesbiennes dont une des conjointes donne naissance à un enfant suite à une procréation assistée.(12) Dans ce dernier cas, le législateur n’est toutefois pas allé jusqu’à affirmer que cet enfant aura pour père la conjointe de la mère : " L’enfant, issu par procréation assistée d’un projet parental entre époux ou conjoints unis civilement, qui est né pendant leur union ou dans les trois cents jours après sa dissolution ou son annulation est présumé avoir pour autre parent le conjoint de la femme qui lui a donné naissance ".(13) Mais pourquoi donc maintenir une distinction entre l’enfant né d’une union de fait homosexuelle ou hétérosexuelle, et celui né d’une union reconnue par la loi comme le mariage ou l’union civile ? De plus, dans le cadre de la procréation assistée, le législateur aurait dû tenir compte du droit fondamental de l’enfant à connaître toutes les circonstances de sa naissance et ainsi abroger les règles concernant l’anonymat des donneurs de sperme.(14) Cette levée d’anonymat s’appliquerait autant aux couples hétérosexuels qu’aux couples de lesbiennes qui recourent à l’insémination artificielle pour donner naissance à un enfant. Co-parenté et pluriparentalité Et s’il avait introduit dans le code civil la notion de co-parenté, le législateur aurait ainsi ouvert la porte à la pluriparentalité en droit. Cette notion commence à émerger et à être documentée principalement en sociologie et en anthropologie.(15) Elle réfère surtout au fait qu’un enfant peut avoir simultanément ou successivement dans sa vie plusieurs adultes significatifs qui exercent ou ont exercé des fonctions parentales.(16) Dans cette hypothèse, l’enfant pourrait même à la limite connaître l’identité de son géniteur. Et les droits et obligations accordés aux divers parents pourraient être modulés en tenant compte de cette nouvelle notion de co-parenté. Mais malheureusement, le législateur a choisi de maintenir à tout prix la dualité parentale : " L’apport de forces génétiques au projet parental d’autrui ne peut fonder aucun lien de filiation entre l’auteur de l’apport et l’enfant qui en est issu ".(17) Au Québec, adopter un enfant signifie légalement le couper définitivement de sa famille biologique, de ses parents biologiques, des membres de sa famille biologique élargie, grands-parents, oncles et tantes, frères et sœurs.(18) Ces règles confirmant la coupure définitive entre l’adopté et sa famille d’origine sont toujours en vigueur. Ainsi les parents adoptifs hétérosexuels pourront continuer à taire à l’enfant les circonstances de sa naissance en lui faisant croire qu’ils sont ses parents biologiques. Et les parents adoptifs homosexuels pourront toujours refuser de divulguer à leur enfant ses origines biologiques, le coupant définitivement de ses géniteurs. La seule façon de respecter l’enfant adopté, son désir et son besoin de vérité, serait de considérer que l’adoption n’entraîne plus la disparition de la filiation biologique d’origine, et qu’au contraire elle s’ajoute à cette filiation. Ici encore, la notion de co-parenté prendrait toute son importance puisque les géniteurs et les parents adoptifs, qu’ils soient hétérosexuels ou homosexuels, partageraient les droits et obligations à l’égard de l’enfant. Il devient par conséquent de plus en plus urgent de compléter les modifications aux règles de filiation au Québec pour permettre d’additionner les liens de parenté d’un enfant au lieu de les soustraire. Ainsi, le législateur n’aura pas reconnu l’homoparentalité à seule fin d’exclure l’hétéroparentalité originelle de certains enfants. Il affirmera plutôt l’existence et l’importance de la pluriparentalité, concept recoupant à la fois l’homoparentalité et l’hétéroparentalité, faisait taire les intellectuels et intellectuelles qui dénoncent encore la filiation homoparentale comme une menace à la survie de la civilisation et de l’espèce humaine au nom de l’ "ordre Symbolique" anthropologique maintenu exclusivement, selon eux, par la différence des sexes dans la parenté juridique ou généalogique.(19) Notes 1. Pour les définitions de ces divers concepts, voir : Homoparentalité. États des lieux Parentés et différence des sexes, sous la direction de Martine Gross, ESF éditeur, Paris, 2000, p. 279-285. |