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dimanche 5 juin 2011 Travailleuses domestiques - Renouer avec la dignité
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Rentrer du travail et trouver sa maison bien tenue, son lit fraîchement fait, ses chemises bien pressées, un plat qui mijote sur le feu et les enfants entre bonnes mains, voilà un privilège dont bénéficient de plus en plus de familles québécoises. Leur situation financière leur permet d’atténuer considérablement les tensions et les difficultés qu’engendre la conciliation travail-famille. Le travail d’Angela est alors louangé ! On va jusqu’à lui faire la bise pour l’en remercier. Mais Angela est-elle considérée comme l’employée de la famille ? Juridiquement parlant, rien n’est moins clair. Pourtant, dans les faits, ces familles ont recours à des travailleuses domestiques. Des immigrantes dans 97% des cas, mal rémunérées et mal protégées, dont le travail est encore précaire et potentiellement dangereux. Et qui ne bénéficient d’aucune couverture adéquate en matière de sécurité et de santé au travail. En juin 2010, le gouvernement avait déposé le projet de loi 110 modifiant le régime de santé et de sécurité du travail pour inclure les domestiques et les gardiennes dans la définition de travailleur dans la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (LATMP). Attendus depuis longtemps, ces changements permettaient enfin de reconnaître les domestiques comme des travailleuses, mais n’accordaient une protection qu’à celles engagées sur une base régulière chez un même employeur (au moins 24 heures par semaine). Une contrainte discriminatoire, a jugé le Conseil du statut de la femme, d’autant qu’elle n’existe pour aucun autre type d’emploi. Elle perpétue en outre l’idée que le travail domestique n’est pas un vrai travail, que celles qui l’accomplissent sont naturellement vouées à ces tâches et qu’elles ne méritent qu’une protection partielle. Ce projet de loi avait seulement franchi l’étape de l’adoption de principe à la clôture de la première session de la 39e législature. Il n’a pas été rappelé depuis. Et cela est inquiétant. En ce moment, un vide juridique concerne ces travailleuses. Il est urgent de le combler au moyen d’une législation non discriminatoire à leur endroit. Pour le Conseil, elles ont les mêmes droits que tous les autres travailleurs et méritent d’être reconnues sans discrimination par la LATMP et la Loi sur la santé et la sécurité du travail. On connaît malheureusement trop bien les origines d’une telle discrimination. Une discrimination associée à la nature du travail domestique qui se fonde sur le sexe, mais aussi sur la condition sociale et l’origine ethnique. Ce qui n’est pas sans nous rappeler l’histoire des femmes qui, s’occupant de la maison, des soins aux enfants et de la préparation des repas, ont travaillé souvent sans rien obtenir en retour – ni reconnaissance ni rémunération –, tout simplement parce que l’on sous-évaluait les compétences requises et le temps nécessaire à l’exécution de ces tâches. Ces corvées allaient de soi, étant donné leur sexe ! Est-ce ce que croit encore le Conseil du patronat du Québec (CPQ), lui qui s’oppose vertement à l’idée que les aides domestiques puissent éventuellement bénéficier de la protection de la CSST ? Cet organisme considère-t-il que les services d’une travailleuse domestique ne valent pas une rémunération juste ni même une protection minimale en matière de santé et de sécurité au travail ? « Dans un contexte où les coûts du régime sont assumés entièrement par l’ensemble des employeurs, il nous semblerait tout à fait inapproprié d’alourdir encore davantage la charge de taxes sur la masse salariale assumée par ces derniers et, ainsi, de nuire à leur compétitivité », justifie l’organisme. La compétitivité, oui, mais pas à n’importe quel prix. Les positions du CPQ ont tout de même le mérite de nous faire comprendre où se loge l’organisme en matière d’atteinte de l’égalité des sexes. Je me rappelle que tout récemment, le CPQ soutenait qu’il y avait trop de congés préventifs accordés aux femmes enceintes. Et je me souviens aussi qu’au sujet de l’abolition de la rente de veuve, le même CPQ suggérait aux femmes de simplement se remarier pour combler le vide du retrait de la Régie des rentes du Québec ! Des souvenirs qui donnent à penser que la vision du CPQ est souvent courte et sexiste. De mon point de vue, « s’allier pour la prospérité », pour emprunter le slogan du CPQ, voudrait dire éliminer une discrimination historique et moyenâgeuse de la législation relative à la santé et à la sécurité au travail, afin que les individus qui composent notre société – femmes et hommes – soient autonomes sur le plan économique, et non à la remorque de l’État ou d’un soutien de famille. C’est là que commence la dignité. Source : Gazette des femmes, mai-juin 2011, volume 33, no 1, Mot de la présidente – Lire aussi : « Aides domestiques – Le Conseil du patronat du Québec prend encore une fois position contre l’égalité des femmes », par le Conseil du statut de la femme du Québec, le 2 mai 2011. Mis en ligne sur Sisyphe, le 1 juin 2011 |