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mercredi 30 janvier 2002 Des prêtres violent des religieuses Et le Vatican se tait.
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Dans au moins 23 pays, des prêtres, des religieux et même des évêques abusent sexuellement de religieuses, sans que le Vatican n’intervienne. Des enquêtes menées depuis sept ans ont été accueillies par le silence des autorités de Rome avant qu’un journal catholique américain, The National Catholic Reporter, ne décide de les publier.
Des prêtres abusent sexuellement de religieuses dans plusieurs pays du monde, parfois avec la bénédiction de leur évêque et presque toujours avec la complicité muette du Vatican. Cela dure depuis des années. Il ne s’agit pas de cas isolés, d’exceptions qui confirment la règle, comme on aime à le supposer lorsqu’on veut protéger des agresseurs. En certains coins du globe, ce serait la règle plutôt que l’exception. La majorité des faits concerne l’Afrique subsaharienne, quelques autres pays du tiers-monde, mais d’autres faits mettent en cause des pays occidentaux comme l’Australie, l’Italie, les États-Unis et l’Irlande. L’EXPRESS s’appuie sur une dénonciation de la revue catholique contestataire Golias qui publie, dans sa livraison de juin 2001, la totalité des documents qui ont été remis au Vatican depuis le milieu des années 1990. (1) Six ans après avoir pris les fonctions de coordinatrice pour le sida au sein du Fonds catholique de développement outre-mer, un organisme britannique membre de la Confédération Caritas, sœur Maura O’Donohue, médecin, a remis un premier rapport (1994) sur la situation des membres de congrégations féminines, situées principalement en Afrique. Ses sources d’information : des médecins, des missionnaires (hommes et femmes), des prêtres et d’autres ecclésiastiques. Des prêtres, des évêques, des directeurs spirituels violent des religieuses et les abandonnent lorsqu’elles sont enceintes. « Un certain nombre de religieuses font état d’abus sexuels de la part de leurs professeurs et, de manière générale, de harcèlement sexuel par des hommes de la population dont elles sont originaires », rapporte sœur O’Donohue. Elle ajoute : « Avec tristesse, ces religieuses déclarent qu’elles ont été abusées sexuellement par des prêtres parce que ces derniers en étaient venus eux aussi à craindre la contamination du virus en fréquentant les prostituées ». Certains ecclésiastiques considèrent les religieuses comme des partenaires « sûres » dans des pays où l’épidémie du sida est endémique. Sœur O’Donohue mentionne d’ailleurs le nombre important de prêtres contaminés par le VIH dans certains pays, une proportion qui peut atteindre un taux d’infection de 13% du clergé diocésain. Elle rapporte que des prêtres ont sollicité la supérieure d’une communauté religieuse, en 1991, réclamant « qu’on mette à leur disposition des religieuses pour avoir avec elles des relations sexuelles ». « Au Malawi, la supérieure générale d’une congrégation dont 29 religieuses ont été mises enceintes par des prêtres s’en est plainte auprès de son archevêque : elle a été démise de ses fonctions. Ailleurs, 20 nonnes également enceintes des œuvres d’ecclésiastiques ont été renvoyées de leur couvent » (L’EXPRESS, 7/06/2001). Les abuseurs, eux, ne perdent pas leur statut et ne se retrouvent pas à la rue, rejetés par leur famille et leur communauté. Hypocrisie et cynisme « La religieuse doit assumer seule la charge de l’enfant, souvent dans un climat de grande honte et dans des conditions socio-économiques misérables, raconte encore sœur O’Donohue. Dans plusieurs pays, ces femmes ont été forcées de devenir la deuxième ou la troisième épouse dans une famille en raison de la perte de leur statut. L’autre solution, pour survivre, est de faire le trottoir. » Dans d’autres cas, les prêtres concernés essaient de faire prendre la pilule aux jeunes femmes, ou les obligent à avorter. Dans un second rapport remis en 1995, Maura O’Donohue rapporte l’histoire d’une religieuse morte au cours d’un avortement : le prêtre qui l’avait mise enceinte, et conduite à l’hôpital pour y remédier, a célébré sa messe de funérailles ! Quel cynisme ! Les faits que rapporte sœur Maura O’Donohue corroborent ceux qu’un prêtre américain Robert J. Vitillo, directeur de programme à Caritas, a recueillis. L’abbé Vitillo dénonce l’indifférence des autorités ecclésiastiques : « Les tentatives fréquentes de soulever ces questions avec l’Église locale et universelle n’ont rencontré que des oreilles de sourds », déplorait-il en 1994 dans un exposé consacré aux problèmes moraux et éthiques posés par le sida. Lorsque l’hebdomadaire américain National Catholic Reporter a publié en mars une synthèse des rapports remis au Vatican, ce dernier a dû reconnaître les faits, mais il a cherché à les minimiser : « Le problème est connu et concerne une zone géographique limitée », a déclaré un porte-parole du Saint-Siège. Qu’on ne prétende pas que seuls des prêtres d’origine africaine ou asiatique connaissent des difficultés avec le célibat, que tout ça concerne les pays « primitifs » ! L’un des rapports en question, le rapport McDonald, précise que si l’accent semble mis sur les cas survenus en Afrique, ce n’est parce qu’il s’agit d’un problème exclusivement africain. C’est parce que le groupe à l’origine du rapport s’est basé sur son expérience et s’est documenté dans les congrégations religieuses qu’il connaissait sur ce continent. (2) Si les différences culturelles jouent un rôle dans ce scandale, en aucun cas, elles ne devraient servir à le justifier. Ce n’est certainement pas une raison valable, pour l’institution vaticane, de fermer les yeux sur cette odieuse exploitation et d’abandonner à leur sort les victimes et leurs communautés, comme il l’a fait. Le respect des droits humains ne devrait-il pas être un préalable pour accéder à l’état ecclésiastique, que l’on soit d’Afrique ou du Pérou, d’Irlande ou du Québec ? Peu après la publication des rapports par le National Catholic Reporter, le Saint-Siège a constitué un groupe de travail pour étudier le problème. Bien tardivement, semble-t-il. Une coalition américaine de plus de 140 organisations religieuses, des droits humains et des droits des femmes a manifesté à New York et à Washington, réclamant une enquête indépendante sur ces abus. On ne l’a évidemment pas écoutée. Des hommes laïcs répondent chaque jour de tels actes devant les tribunaux civils et criminels. Mais l’Église catholique, elle, semble vouloir se placer au-dessus des lois. Pourquoi ? Belle institution qui prêche l’abstinence hors mariage aux populations laïques, s’oppose à la contraception et à l’avortement, et dont le chef se promène dans le monde pour prêcher le respect, la charité et l’amour. Belle hypocrisie d’une institution dont l’histoire est entachée par l’exploitation systématique des femmes, de maintes façons, et qui essaie ensuite de nous faire croire qu’elle les vénère. Comment expliquer l’état d’asservissement sexuel auquel certaines religieuses ont été réduites ? se demande L’EXPRESS. On pourrait résumer la réponse en disant que les Églises ont toujours été les bastions les plus résistants de la domination et des abus du patriarcat. Les différents rapports sur l’exploitation sexuelle des religieuses pointent l’infériorité de la condition féminine, dans l’Église comme dans les sociétés concernées, ainsi que la domination morale et financière des prêtres sur les religieuses : « Le statut inférieur des femmes dans la société et dans l’Église est un facteur à considérer, écrit sœur O’Donohue. On leur a appris à s’estimer inférieures, à être soumises et à obéir. Il est compréhensible, alors, qu’une religieuse trouve impossible de résister à un membre du clergé qui lui demande des faveurs sexuelles. Ces hommes sont vus comme des figures d’autorité à qui l’on doit obéir. De plus, habituellement plus instruits, ils ont reçu une formation théologique beaucoup plus avancée que les religieuses. Ils peuvent user d’arguments théologiques spécieux pour justifier leurs demandes et leur conduite. » Des prêtres font du chantage auprès de jeunes novices, forcées de leur accorder des faveurs sexuelles en échange de certificats ou de recommandations nécessaires à leur entrée en religion. La notion de célibat n’est pas toujours bien comprise, notamment du clergé africain : « Le célibat signifie, explique à la religieuse un responsable diocésain, qu’un prêtre ne se marie pas, mais pas qu’il n’a pas d’enfants. » Ailleurs qu’en Afrique Ici même, au Canada et au Québec, on camoufle la vérité sur la soi-disant abstinence des prêtres. Il y a quelques années, Pierre Maisonneuve a présenté à Radio-Canada un reportage qui donnait la parole à des femmes vivant des relations amoureuses permanentes avec des ecclésiastiques. Certaines avaient des enfants. Quelques-unes d’entre elles avaient essayé en vain d’obtenir une aide financière de l’Église et tout aussi vainement un peu de compréhension. À la même émission, Monseigneur Jean-Claude Turcotte, confronté à ce reportage, a mis en doute le témoignage de ces sept ou huit femmes. Bref, il les a tout bonnement traitées de menteuses. À partir de ce jour, je n’ai jamais pu voir ni entendre Monseigneur Turcotte sans penser à ce reportage. Et l’estime que j’avais pour lui a fondu comme neige au soleil. Si l’Église catholique renonçait au célibat des prêtres, un « dogme » forgé de toutes pièces par ses dirigeants en chair et en os, peut-être ses prêtres et ses évêques auraient-ils moins de difficulté. Bien sûr, ils seraient obligés, comme les femmes et les hommes laïcs, d’assumer leurs responsabilités en matière de sexualité et de relations affectives. Est-ce ce qui dérange le Vatican ? Le maintien du célibat ecclésiastique offre, il faut en convenir, un refuge commode pour agir comme on l’entend sans assumer la responsabilité de ses actes. Je ne serais pas surprise que plusieurs connaissent au moins un cas comme celui-ci. J’avais 19 ans lorsque j’ai pris conscience de cette réalité. À la résidence étudiante où j’habitais à Ottawa, une jeune femme m’avait raconté son histoire à titre de maîtresse d’un prêtre (que je connaissais de nom). Elle avait eu un enfant de lui, qu’elle avait placé en adoption. Cette femme m’avait expliqué également les stratégies d’approche utilisées par ce prêtre auprès de femmes jeunes et naïves. On me dira peut-être que je n’ai pas à juger ces hommes : ils rencontrent de grandes difficultés à respecter les règles de l’état ecclésiastique. J’en ai marre de cette façon d’imposer la censure en en appelant à la charité, à la compréhension et au non-jugement. Les victimes, qu’est-ce que vous en faites ? Ne méritent-elles pas aussi compréhension et justice ? L’Église catholique est à l’image de la société, dira-t-on aussi. Je suis d’accord. Alors, qu’elle cesse de se croire au-dessus de la nature humaine et surtout de faire la leçon à tout un chacun. Qu’elle se soumette également aux lois de la société. Dans la plupart des sociétés, les abus sexuels et les viols de femmes, d’hommes et d’enfants sont des crimes. Que les Églises ne banalisent pas ces crimes ! Je sais bien qu’il existe de bons prêtres et de bons évêques. J’en ai rencontrés. Et parmi ceux et celles qui ont dénoncé l’exploitation sexuelle des religieuses, il y avait plusieurs prêtres et évêques. Il en faudrait encore davantage pour ébranler cette institution qui protège l’injustice et l’exploitation par son silence. Et les enfants aussi Le silence de l’Église s’étend sur toutes les formes d’exploitation sexuelle. LIBÉRATION et LE MONDE ont suivi, en juin, le procès d’un évêque qui a, pendant des années, protégé un prêtre pédophile et violeur d’enfants. De plusieurs enfants. L’évêque justifie son silence par l’état de délabrement du prêtre. Pourquoi diable ne retire-t-on pas de la circulation des prêtres qui sont dans un tel état et ne les aide-t-on à solutionner leurs problèmes ? Non seulement l’évêque en question n’a-t-il aucun regret. Il agirait à nouveau de la sorte à l’égard de prêtres pédophiles, a-t-il déclaré à la Cour. La Couronne n’a réclamé que quelques mois de détention avec sursis pour cette complicité criminelle ! Et il a effectivement été condamné à trois mois de prison avec sursis. Comme quoi le pouvoir religieux intimide même ceux qui sont censés protéger les enfants et rendre justice.
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