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jeudi 28 avril 2016

Pakistan - La gauche occidentale doit reconnaître le réel problème de l’islam extrémiste
Traduction : Mariem Helie Lucas

par Umer Ali, journaliste






Écrits d'Élaine Audet



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Prétendre que "le terrorisme n’a rien à voir avec l’islam" est tout aussi problématique que de dire "tous les musulmans sont des terroristes". Ces deux affirmations ne sont que des généralisations à l’emporte-pièce sur un sujet complexe.

Récemment, lors d’un examen, me fut posée la question suivante : "Comment sauver le Pakistan de la laïcité ?" Elle aurait pu être formulée différemment, mais l’auteur de cette question avait déjà pris position sur le sujet et conclu que la laïcité serait néfaste au Pakistan.

Pendant ses cours, l’auteur de cette question insistait sur la raison des déficiences des systèmes politiques et économiques modernes : "ils sont élaborés par les hommes". Mettant en parallèle ces idéologies et l’islam, il soutenait que ces idéologies avaient un effet catastrophique sur l’humanité. Le Califat, affirmait-il, est la seule solution aux problèmes que rencontrent les gens au XXI° siècle.

L’un des nombreux groupes se réclamant du califat islamique, le Jamat-ul-Ahrar, a revendiqué l’explosion à Lahore qui a tué 73 personnes et en a blessé plus de 300, dont la plupart étaient des enfants.

La veille de l’explosion à Lahore, un homme Ahmadi fut poignardé à mort à Glasgow. Il appartenait à l’une des sectes les plus honnies de l’islam, les Ahmadis, affreusement persécutés dans les pays musulmans, et spécialement au Pakistan où la Constitution les considère comme apostats.

Le 7 avril, un autre blogueur laïque bangladais a été taillé en pièces par des terroristes islamistes. Quelques jours après, trois chiites ont été tués par balles à Karachi dans une attaque sectaire, apparemment conduite par Lashkar-e-Jhanvi.

Toutes ces attaques furent menées par des islamistes qui, d’une façon ou d’une autre, déniaient le droit de vivre à ceux qui ne partageaient pas leur vision du monde. Toutes ces attaques ont été planifiées et exécutées dans le but d’imposer aux autres une certaine idéologie.

Plutôt cette année, Mumtaz Qadri - le meurtrier du Gouverneur du Punjab, Salmaan Taseer - a été pendu. Des milliers de gens sont sortis dans la rue saluant sa mémoire pour "services rendus à l’islam" en tant qu’"authentique adorateur du Prophète Mohamed". Ils manifestaient contre la condamnation de quelqu’un qui avait tué au nom de l’islam.

Pendant ce temps, mon enseignant - l’auteur de la question précitée - expliquait les bénéfices du califat islamique.

Il y a au Pakistan beaucoup de gens qui trouvent des excuses aux actions et aux idées des terroristes islamistes. Imran Khan - leader populiste - déclara en 2012 que le Pakistan n’était en rien menacé par l’idéologie des taliban. L’ex-chef d’un parti religieux au Pakistan, saluant la mémoire Osama Ben Laden dit qu’il continuait à vivre dans le coeur des gens.

De son côté, la Première Ministre du Bangladesh, Sheikh Hasina, a réagi en ces termes aux meurtres de blogueurs athées : "Chacun doit tenir sa langue, doit respecter un certain niveau de décence dans ses écrits. Si on écrit quelque chose de provoquant et qu’il se passe quelque chose de mauvais, le gouvernement n’en prendra pas la responsabilité".

Et elle continue en demandant : "Si quelqu’un écrit des choses dégoûtantes sur la religion, pourquoi devrions-nous le tolérer ?" En fait, la Première Ministre d’un pays se dédouane elle-même de toute responsabilité envers les citoyen-nes qui auraient des divergences d’opinion avec elle.

Bien que tout ceci arrive dans des pays islamiques, bien des Occidentaux qui se veulent politiquement au centre-gauche ne se rendent pas compte de la gravité du problème de l’islamisme.

Vivant dans des sociétés ouvertes où existe une liberté d’expression absolue, cette partie de la gauche ne réalise pas que des sociétés musulmanes closes comme la nôtre ne tolèrent pas de tels "luxes". Par exemple, au Pakistan, on ne peut pas se déclarer athée et espérer continuer à vivre. On ne peut pas critiquer publiquement le dogme religieux, sauf si on en a assez de la vie.

Même les musulman-es qui se disent modéré-es dans des sociétés comme les nôtres ne sont pas à l’aise avec l’idée de libre pensée ou les droits LGBT par exemple.

Avec des slogans insensés comme "le terrorisme n’a pas de religion" ou "ceci n’est pas le véritable islam", cette partie régressive de la gauche occidentale a sans le vouloir fourni à l’islamisme un terrain où s’épanouir. Loin d’offrir une solution viable, ces slogans font preuve d’une sympathie pleine de culpabilité envers les minorités musulmanes et sont bien loin des réalités du monde musulman.

Que ce soient les terroristes d’ISIS lançant les homosexuels du haut des toits ou des hordes bangladaises battant à mort les laïques, tous deux ont une religion et c’est l’islam. Ils trouvent leur justification dans des versets du Coran ou dans des Hadiths. Ils sont motivés par le désir d’imposer la loi de dieu sur la planète terre. Peu importe que leur interprétation de l’islam soit erronée, ils ont un lien avec lui, et nier cela, c’est vivre dans l’ignorance.

Dire qu’ISIS ou les taliban ne suivent pas le véritable islam est tout aussi ridicule. Quiconque a suffisamment de connaissance sur l’islam sait qu’il comprend différentes sectes, qui ont des interprétations différentes et parfois opposées. Dans l’islam sunnite par exemple, il existe quatre principales écoles de pensée - Hanafite, Malékite, Chafie et Hanbalite. À l’intérieur même de l’école de pensée Hanafite, il y a des sous-sectes comme Déobandis et Barelvis. Et les Déobandis, par exemple, sont encore subdivisés en d’autres groupes.

Toutes ces sectes et sous-sectes ne sont pas violentes pas essence, mais toutes ne peuvent pas non plus être dédouanées de tout lien avec le terrorisme islamiste. Ces groupes vont de la non-violence totale et apolitique à la plus extrême violence accompagnée d’ambitions politiques.

Prétendre que "le terrorisme n’a rien à voir avec l’islam" est aussi problématique que de dire que "tous-toutes les musulman-es sont des terroristes". Ces deux affirmations ne sont que des généralisations à l’emporte-pièce sur un sujet complexe.

Pour des milliers de personnes qui participent concrètement au djihad, il y a des centaines de milliers d’autres qui ne sont qu’à un pas du passage à l’acte : c’est la grande majorité de la population musulmane qui trouve des excuses aux djihadistes et à leur idéologie.

Ceci dit, il y a des millions de musulman-es qui veulent vivre en paix et selon des normes modernes, et qualifient de terroristes l’ensemble des tenants d’une religion ne nous mènera nulle part.

La tâche véritable à laquelle la gauche occidentale doit employer son énergie, c’est à sortir du déni, à reconnaître l’islamisme comme un problème et ensuite à essayer de le résoudre. Se voiler la face devant cette grave question est une insulte envers tous ceux et toutes celles qui ont souffert de ce danger public et qui continuent à résister à l’oppression des islamistes dans les pays musulmans.

Source : The Nation, Pakistan, 21 avril 2016.
Umer Ali est un journaliste pakistanais qui écrit sur le Pakistan et son histoire. Il souhaite voir advenir un Pakistan tolérant et progressiste.

* Traduit de l’anglais par Marieme Helie Lucas, avec la permission de l’auteur.
* Toutes les versions de cet article sur le site SIAWI.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 28 avril 2016



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Umer Ali, journaliste



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