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dimanche 23 janvier 2005 Des jeunes féministes et des proféministes refusent le projet de « nouveau contrat social » du CSF
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Alors que le Conseil du statut de la femme prétend répondre aux attentes des jeunes en proposant un « nouveau contrat social » pour l’égalité, qui prend nettement ses distances du féminisme, des jeunes féministes du groupe Salvya et du Centre des Femmes d’aujourd’hui n’adhèrent pas à ce projet. Des hommes du Collectif proféministe n’en veulent pas davantage et affirment que « l’agenda masculiniste s’est infiltré dans le document de consultation » du CSF, Vers un nouveau contrat social pour l’égalité entre les femmes et les hommes. Dans leur mémoire soumis à la commission parlementaire qui commencera ses auditions le 25 janvier, les jeunes féministes reprochent au Conseil du statut de la femme de se servir du discours des jeunes femmes, présenté comme antiféministe, afin de « délégitimer le féminisme en général et de mettre en place l’idée de la nécessaire intégration des hommes dans le nouveau contrat social pour l’égalité ». « La non-mixité, tout comme le féminisme, sont des notions qui auraient dû se voir mieux diffusées socialement, disent-elles, avant que l’on ose affirmer qu’elles sont dépassées ou rejetées par les jeunes femmes. Le féminisme et la non-mixité sont actuellement diabolisés par les médias, et les femmes s’affichant comme féministes s’exposent à diverses représailles ». Une "vision naïve" du changement social Le Conseil du statut de la femme propose, selon ces jeunes, « une vision naïve du changement social » et « évacue en douce » une approche spécifique aux femmes, privilégiant une perspective de symétrisation des positions féminines et masculines, qui nie l’analyse des rapports sociaux de sexe, ainsi que « les efforts du mouvement des femmes pour interpeller et intégrer les hommes à leurs luttes ». « L’égalité ne s’obtient pas par consensus », disent les auteures du mémoire. Pour qu’elle soit éventuellement atteinte dans les faits, les hommes, qui sont « les privilégiés du système actuel », devront collectivement faire leur part, « ce qui ne signifie pas qu’il faille dorénavant inclure à tout prix et indistinctement des représentants masculins dans les institutions qui luttent contre l’inégalité ». Ces jeunes femmes rejettent l’idée, suggérée dans le document de consultation, « qu’à la fois les hommes et les femmes sont confrontés à des discriminations fondées sur l’appartenance de sexe (…) ». On insinue que le patriarcat ne profite à personne, disent-elles. « Et pourquoi fonctionne-t-il si bien et depuis si longtemps s’il n’y a que des perdants ? » Le projet du CSF est « défaillant », estiment les jeunes femmes, car il ne s’appuie ni sur une réflexion théorique ni sur des recherches empiriques concernant les rapports sociaux de sexes, le phénomène de résistance des dominants au changement et les dangers de récupération au sein de structures mixtes oeuvrant pour le droit des femmes à l’égalité. « L’expertise féministe, sous-utilisée et sous-estimée, offre de nombreuses analyses et des pistes de solution au manque d’engagement des hommes et des garçons dans le projet de l’égalité entre les sexes, écrivent-elles. Encore faudrait-il que cesse d’être véhiculée, et ce, tant dans les médias que dans les instances gouvernementales, l’image complètement erronée du féminisme comme étant une position extrémiste (souvent décrite comme un pôle dont l’opposé serait le masculinisme) rejetant les hommes et leurs savoirs, voulant assurer la domination des femmes ». Les jeunes femmes recommandent que le Conseil du statut de la femme ET le Secrétariat à la condition féminine soient maintenus comme instances autonomes, et qu’ils adoptent une approche spécifique aux femmes. Elles réclament la nomination d’une ministre en titre à la condition féminine et l’octroi de ressources plus importantes « pour documenter la situation des jeunes femmes et qu’on reconnaisse les jeunes féministes comme interlocutrices valables et actrices sociales porteuses d’un projet d’égalité ». Enfin, ces jeunes femmes souhaitent qu’on enseigne le féminisme aux jeunes et que le CSF et le mouvement des femmes maintiennent leurs liens, mais que le mouvement des femmes conserve son indépendance de pensée et d’action. Un masculinisme d’État ? De son côté, le Collectif proféministe aurait préféré qu’on parle du droit des femmes à l’égalité plutôt que l’égalité entre les hommes et les femmes. Il affirme que « le discours antiféministe ambiant pèse sur l’analyse présentée dans l’avis » du CSF. Une analyse qui tend à déresponsabiliser les hommes et sous-tend une symétrisation des positions des hommes et des femmes, que le collectif ne peut accepter. Le document de consultation reprend à son compte des prétentions masculinistes qu’il présente comme des réalités (notamment sur le suicide, les problèmes de santé des hommes, le décrochage scolaire des garçons). Comment ces prétentions sont-elles devenues des réalités ? « Les stratégies employées prennent deux cibles, poursuit le collectif : les médias et les hommes et femmes politiques, et elles utilisent deux véhicules : des mémoires présentant leurs doléances et le harcèlement par la multiplication de lettres et de courriels envoyés à répétition ». Ces stratégies ont donné des résultats tant dans les médias qu’au gouvernement, « notamment mais pas exclusivement au Ministère de la santé et des services sociaux ». Le Collectif proféministe se demande même si le Québec n’est pas en train de construire un « masculinisme d’État » ? « Il serait tout à fait paradoxal, dit-il, que cette commission parlementaire transforme le CSF et le SCF en une nouvelle porte d’entrée de l’agenda antiféministe ». Ces structures, fruits des revendications des femmes, dans les années 60 et 70 « sont des acquis du mouvement des femmes et ils leur appartiennent ». Quelle serait la contribution des hommes au sein de ces structures ou d’un nouveau Conseil si ce n’est d’entraîner l’abandon de l’approche spécifique ou sa dilution dans « des problématiques généralistes » ? Pour le Collectif, « souhaiter que les hommes et leurs problématiques intègrent les structures que les femmes se sont gagnées, ce serait se faire complice d’une véritable confiscation ! » Le Collectif proféministe propose que les hommes soient plutôt « en appui et en retrait » du mouvement des femmes. « En retrait », cela veut dire « refuser, comme homme, de définir les discriminations que vivent les femmes en tant que femmes ». Toutefois, les hommes qui veulent contribuer à créer l’égalité disposent de bien d’autres moyens : « Ils peuvent le faire dans la composante sociétale du mouvement des femmes plutôt que dans les structures que les femmes se sont données. Par exemple, en se dissociant et en dénonçant les masculinistes qui continuent à prétendre parler en leur nom, en partageant véritablement le soin des enfants et celui des parents âgés, les tâches domestiques et le suivi scolaire, en remettant en question les processus de hiérarchisation des hommes entre eux ». À la lumière de ces analyses, on peut mesurer l’importance du virage que le Conseil du statut de la femme a effectué depuis le courageux « Coupables… et fières de l’être » de sa présidente dans la Gazette des femmes d’avril 2003 qui dénonçait l’offensive antiféministe. Le document de consultation du CSF représente presque une reddition. Sous l’influence d’un gouvernement sans vision pour lequel le droit des femmes à l’égalité ne constitue pas une priorité, le CSF renonce à la démarche féministe et à son ancrage dans le mouvement des femmes, qui ont fait son succès depuis 30 ans. Dans cette position, peut-il empêcher la dilapidation de l’héritage féministe, un ensemble d’acquis résultant de tant de luttes, d’actions, d’innovations, d’apprentissages et de recherches ? Pour lire ou télécharger les deux mémoires : – Mémoire du groupe Salvya : « Des jeunes féministes s’opposent à un conseil de l’égalité ».
– « La Commission parlementaire sur l’égalité commence le 25 janvier ».
Mis en ligne sur Sisyphe, le 22 janvier 2005. |