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lundi 24 mars 2008

Pub d’une association étudiante de l’Université Laval : pur conformisme au sexisme de l’époque

par Valérie Laflamme-Caron, étudiante en anthropologie






Écrits d'Élaine Audet



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Quelle ne fut pas ma surprise, cette semaine, quand je découvris, pour la troisième fois cette session-ci, une publicité sexiste créée par une association étudiante du campus. En fait, je ne fus pas réellement surprise, mais bel et bien consternée.

Les trois affiches avaient un point commun : l’utilisation du corps de la femme (et même de l’homme) à des fins de promotion d’évènements festifs. On retrouvait d’ailleurs sur l’une d’entre elles une invitation à revêtir des costumes de « pimp, bunny et autres stéréotypes ».

Ce qui m’amène à me questionner sur le chemin réellement parcouru par les mouvements féministes. Que s’est-il donc passé pour qu’aujourd’hui de brillantes étudiantes acceptent de plein gré de se soumettre à de vulgaires clichés où l’homme est présenté comme un proxénète et la femme comme une chaude lapine, prête à bondir sur la première carotte qu’on daignerait lui tendre ? Car, après tout, c’est ce que véhiculent de telles images. Le recours aux éternels stéréotypes renforce l’idée selon laquelle pour être réellement une femme, ou un homme, il est nécessaire de correspondre à certains critères.

Plusieurs évoqueront sans doute le caractère ludique de la chose ainsi que la sacro-sainte liberté individuelle. Je répondrais à cela qu’il serait bien naïf de croire que nos gestes n’ont pas été façonnés par certaines normes, tout comme ils contribuent à les reproduire. C’est ce que nous enseignent les sciences sociales, particulièrement la sociologie et l’anthropologie. Lorsqu’elle traitait de normes de genres, la philosophe Judith Butler utilisait les termes de « violence normative ». Car les clichés que certaines personnes se plaisent à revêtir répriment l’émancipation et des femmes, et des hommes. Qu’arrive-t-il donc lorsque l’on ne peut correspondre à ces modèles ?

De multiples solutions sont quotidiennement proposées aux femmes : régimes draconiens, chirurgies esthétiques, cours de pole dancing, séances hebdomadaires de magasinage dans les boutiques à la mode.

Sans parler du lot d’attitudes comprises dans le package deal de l’idéal féminin. À cet effet, les magazines pour adolescentes pullulent de conseils. On y dicte, entre autres, d’être « curieuse mais pas indiscrète », d’être polie, généreuse, d’être « souriante et de voir le bon côté des choses » tout en évitant de « s’exprimer négativement sur quelque chose ». On y recommande aussi de rire si quelqu’un se moque de ses travers, car « l’humour est un signe d’intelligence et désamorce tout » (1).

Toutes ces interventions ont pour but de domestiquer le corps et l’esprit des femmes. Cela n’a aucun lien avec les affiches dénoncées, me direz-vous ? En fait, j’y vois une belle continuité avec ce qui m’est proposé depuis la sixième année : sois belle et tais-toi.

On ne cesse d’entendre que le féminisme est dépassé. Je crois au contraire qu’il est d’actualité, et plus que jamais. Bien que les violences normatives ne soient plus imposées de l’extérieur, elles sont d’autant plus vicieuses qu’intégrées à la « nature féminine », impliquant ainsi que certains comportements sont anormaux pour une femme. De nombreuses féministes ont d’ailleurs souligné qu’il était plus facile (et certainement plus agréable) pour les jeunes filles d’aller se tortiller sur une piste de danse en petite tenue que de s’unir pour revendiquer certains droits, comme celui au respect et à la dignité par exemple.

Néanmoins, j’ose espérer qu’une réflexion sera effectuée au sein des associations étudiantes concernées. Après tout, nous sommes des acteurs sociaux qui créons la réalité. Faisons en sorte que celle-ci permette l’épanouissement de toutes et chacune, de tous et chacun.

Valérie Laflamme-Caron, pour le collectif Faux-FiniEs, Université Laval

Note

1. India Desjardins, « Quelques trucs pour être une fille géniale ! », dans Cool !, mars 2007, p. 7.

Mis en ligne sur Sisyphe, le 9 mars 2008.



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Valérie Laflamme-Caron, étudiante en anthropologie

L’auteure est étudiante en anthropologie et membre du collectif Faux-FiniEs, de l’Université Laval.



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  • > deux remarques sur votre article
    (1/3) 30 mars 2008 , par

  • Manque d’estime de soi
    (2/3) 24 mars 2008 , par

  • Université=conservateur
    (3/3) 20 mars 2008 , par





  • > deux remarques sur votre article
    30 mars 2008 , par   [retour au début des forums]

    Bonjour, votre article m’a paru intéressant et j’ai deux remarques à formuler. D’une part : regardez comme la graisse et le positionnement relatifs des mots "playboy" et "playgirl" sur la page sont significatifs ! D’autre part, je regrette le manichéisme et le moralisme qui sourdent dans la phrase "qu’il était plus facile (et certainement plus agréable) pour les jeunes filles d’aller se tortiller sur une piste de danse en petite tenue que de s’unir pour revendiquer certains droits, comme celui au respect et à la dignité par exemple.", ceci car j’apprécie de me tortiller sur une piste de danse dans la tenue de mon choix, sans considérer qu’il s’agit là d’un acte contraire à mon féminisme, ni à ma dignité, ni à celle des femmes en général !

    • > deux remarques sur votre article
      30 mars 2008 , par
        [retour au début des forums]

      Bonjour Elise !

      Merci d’abord de l’attention porté à ce texte. J’aimerais aussi attirer l’attention des lecteurs et des lectrices sur les costumes que les étudiantEs sont invitéEs à revêtir des costumes de ’’pimp, bunnies et stéréotypes’’. J’y vois ici des idées de déguisements davantage liées au playboy qu’au playgirl.

      Pour en venir à la piste de danse, il est vrai qu’écrit comme cela, le ton fait un peu moralisateur. J’ai toutefois référé aux pistes de danse que je vois tout en oubliant momentanément qu’il en existait d’autres.

      Je suis bien d’accord avec vous, danser est une chose merveilleuse, exaltante !

      [Répondre à ce message]

    Manque d’estime de soi
    24 mars 2008 , par   [retour au début des forums]

    J’étudie aussi à l’UQAM depuis trois ans. Je dois dire que plusieurs étudiantes manquent d’estime de soi et semblent avoir bien appris ce que les revues leur enseignent depuis la pré-adolescence : leur valeur est dans leur capacité de séduire. Je suis souvent gênée de ce que bien des filles sont capables de faire pour pouvoir dire qu’elles intéressent les garçons. Ces derniers en profitent, notre époque est l’âge d’or des machos qui ne rêvent que de filles à genoux devant eux à leur faire des pipes. Désolée, mais ne cherchez pas l’évolution des femmes du côté des universités. Plus que jamais, ces dernières se considèrent des sexes, point. Et oui, je suis d’avis que le discours sur la prostitution en a influencé plusieurs qui ne s’estiment pas assez pour trouver leur valeur ailleurs que dans des performances et des services - oui, à l’université ! - sexuels. Mais avant de blâmer les jeunes, regardez-vous et écoutez-vous, vous femmes de 40 ans et plus. C’est vous qui avez banalisé la prostitution la porno et la sexualisation à outrance. Vous n’avez pas voulu passer pour dépassées, des puritaines, des pognées, et voilà ce que vos filles sont devenues. Même si je vous choque, au fond, vous savez très bien que j’ai raison.

    Université=conservateur
    20 mars 2008 , par   [retour au début des forums]

    On devrait s’attendre à plus de progrès dans les universités, mais on constate souvent que ce n’est pas le cas. Elles ont beau être des lieux de ’haut savoir’, elles n’en sont pas moins des institutions qui reproduisent les valeurs dominantes et le système socio-politique-économique en place. Les étudiants suivent la tangente : la mode est aux comportements de pimps et de prostituées, allons-y gaiement. Je trouve très courageuses celles qui osent briser cette belle mentalité de suiveux de mode. Récemment à l’Université du Québec à Montréal, des femmes ont décidé de se présenter nues devant le conseil d’administration pour protester. C’est aussi une autre façon de se conformer aux modes et à ce qu’on attend d’elles. Il n’y a pas grand-chose d’original dans cela, c’est plutôt facile. Suivre la tangente de l’époque. L’obsession du sexe laisse penser qu’on n’est pas dans une ère de personnes libérées. Fait-on toujours références à ce dont on se sent libre ? C’est à l’UQAM aussi qu’un groupe de prostitutées vantant leurs mérites sont allées donner de la soi-disant formation il y a moins de 2 ans. Qu’en disent les groupes de luttes contre la prostitution et la pollution sociale par les codes pornographiques ? Ça ne semble pas les déranger beaucoup.

    • Les femmes seraient-elles orgueilleuses ?
      23 mars 2008 , par
        [retour au début des forums]

      J’ai déjà étudié à l’UQAM. J’étais dans l’escalier roulant. Deux gars étaient en arrière ou en avant de moi, je ne me souviens plus, l’un a dit à l’autre, "on s’en est payé une au party hier soir. T’as jamais entendu crier comme ça." Ceci dit, je sais que ce n’est pas qu’à l’UQAM. Des étudiants du Cégep de Limoilou, à Québec, que j’avais d’abord pris pour des "amis", se sont mis à me crier des menaces en ce sens dans l’autobus. Je me souviens que j’avais refusé d’aller manger avec l’un d’eux quelques jours auparavant. Il faut croire que son égo en avait pris un coup ! Quand je l’avais raconté à des filles qui les connaissaient, celles-ci ont prétendu vouloir rester neutres et faisaient le signe de peace s’il advenait qu’on les croisait.

      Je pense souvent qu’il y a une question d’orgueil dans le fait que les filles/femmes ne sont pas capables de faire face à ce genre de situation. Pour lutter contre un problème il faut d’abord admettre qu’il existe. Pour lutter contre ce problème, il faut admettre que les femmes sont encore considérées même ici des citoyens de deuxième classe, et je crois que beaucoup, peut-être la majorité, sont incapables de le supporter.

      [Répondre à ce message]

      • femmes et solidarité
        8 avril 2008 , par
          [retour au début des forums]

        Je vois bien de quoi tu veux parler. Un exemple comme celui-ci en est un parmis tant d’autres, que nous entendons tous les jours et qui, même lorsqu’il n’est pas dirigé directement vers nous, nous blesse dans notre identité de femmes. Oui, je crois que c’est vraiment cela, nous nous sentons blessées par ces commentaires et tellement que parfois nous préférons en nier l’existence que d’affronter cette blessure : les hommes peuvent encore se permettre ce genre de commentaire, et ce, ouvertement, dans les escaliers d’un endroit public, même si des femmes sont près d’eux. Je crois qu’en ce sens, la première chose à faire est une démarche d’authenticité envers nous-même et les autres femmes, d’oser s’avouer ouvertement que ça nous dérange et ce que ça nous fait vivre, ça peut avoir l’air de bien peu, mais dans ce que j’observe présentement, ça ne se fait pas beaucoup. Je trouve que la compétition entre les femmes est encouragée dans ce qu’on observe comme stéréotype sexuel et je crois que c’est cela qu’il faut démanteler dans notre démarche d’authenticité, car les femmes ne peuvent pas lutter contre ce qui les dérange si elles ne sont pas solidaires entre elles.

        [Répondre à ce message]


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